Comme l'an dernier, le temps était magnifique. Le parcours du club de golf de Laval-sur-le-Lac semblait toujours aussi invitant. Mais quelque chose dans l'air - l'innocence perdue, peut-être - rappelait combien la situation du Canadien a changé depuis 12 mois.

Le travail de Marc Bergevin et de Michel Therrien suscite plus de questions que jamais. Geoff Molson l'a constaté dès le début de son point de presse. Un collègue lui a demandé si sa confiance envers son directeur général pourrait «s'effriter» si les changements apportés à la formation ne produisaient pas les résultats espérés.

Geoff Molson a réaffirmé son appui envers Bergevin. Mais le ton était donné. Après une saison catastrophique, toute l'organisation joue gros en 2016-2017. Et on l'a bien senti avant même le coup de départ du tournoi de golf du Canadien. Voici quatre constats à l'aube de l'an 5 de l'ère Bergevin-Therrien.

1. THERRIEN ET L'AFFAIRE PACIORETTY

Appuyé par les spécialistes de l'organisation, Therrien avait visiblement préparé ses réponses à propos de la controverse que Michel Villeneuve a déclenchée, la semaine dernière, en soutenant que l'entraîneur-chef avait traité Pacioretty de «pire capitaine dans l'histoire de l'équipe» plus tôt cet été dans un club de golf de la région de Montréal.

Therrien avait l'air d'un golfeur aux prises avec un coup roulé descendant, inquiet de voir jusqu'où la balle déboulera si, par malheur, il ne l'envoie pas directement au fond de la coupe. «Je n'ai jamais tenu de tels propos», a-t-il lancé, ajoutant ne pas prêter attention aux «ouï-dire»... même si ces «ouï-dire» ont suffisamment intrigué Geoff Molson pour qu'il évoque la question avec lui.

Alors comment une telle histoire a-t-elle pu éclater? Therrien a proposé cette piste: beaucoup de gens l'approchent pour lui parler du Canadien. Et il ne veut évidemment pas débattre avec chacun d'eux, ce qui représenterait une entreprise sans fin. «On laisse parler les gens, on dit: oui, c'est correct, et après ça, ce qui se passe, c'est hors de mon contrôle», a-t-il expliqué.

L'entraîneur-chef du Canadien a parfois un côté cassant. Mais je peine encore à croire qu'il ait pu prononcer pareille absurdité à propos de son capitaine. Jusqu'à preuve du contraire, il mérite le bénéfice du doute. Il n'aurait cependant pas dû attendre plusieurs jours avant de commenter publiquement le dossier pour la première fois.

Retenu à Toronto par la Coupe du monde de hockey, Bergevin n'a pu expliquer pourquoi il a prétendu ne pas être au courant de cette histoire la semaine dernière. Geoff Molson a soutenu que son DG souhaitait simplement désamorcer la situation. Il a cependant ajouté qu'avec le recul, des participants à une conférence de presse reconnaissent parfois qu'ils auraient pu dire les choses d'une autre façon... Une manière polie de rappeler à son homme de confiance qu'il a mal paru ce jour-là.

CONSTAT: Sans nouveau témoignage, la controverse autour du travail de Pacioretty s'éteindra lentement. Dans le cas contraire...

---

2. LE DÉPART DE P.K. SUBBAN

Michel Therrien est-il soulagé du départ de P.K. Subban? En avait-il assez de la place prépondérante prise par le numéro 76 dans la vie du Canadien? En entendant ces excellentes questions du collègue Jeremy Filosa du 98,5, l'entraîneur-chef a éclaté d'un long rire s'apparentant curieusement à du... soulagement. Cette fois, il avait l'air du golfeur ayant calé le fameux roulé dont je parlais plus haut.

Selon Therrien, c'est la chance d'obtenir Shea Weber, et non pas la personnalité exubérante de Subban, qui explique cette transaction. Peut-être. Mais il faudrait être naïfs pour croire que Bergevin et Therrien ne sont pas apaisés par le départ de Subban, avec qui ils n'ont jamais eu d'atomes crochus.

CONSTAT: Les deux dirigeants du Canadien préfèrent les athlètes discrets. On verra s'il s'agit de la bonne recette pour gagner la Coupe Stanley. Les Predators de Nashville, et leur expérimenté patron David Poile, ont une autre approche. Entre les deux DG, c'est Bergevin qui court le plus grand risque, notamment parce que Weber a quatre ans de plus que Subban.

---

3. L'ÉMERGENCE DE BRENDAN GALLAGHER

En l'absence des canons de l'équipe retenus par la Coupe du monde de hockey, Brendan Gallagher a été le premier joueur à rencontrer les journalistes, hier. Ce choix ne relève sans doute pas du hasard. Le rôle de ce jeune homme au sein de la formation est de plus en plus important.

Très sûr de lui, Gallagher est à l'aise devant un micro. Lorsqu'on lui a demandé à quel point le Canadien devait bien amorcer le calendrier pour faire oublier la dernière saison, il a placé l'enjeu dans une perspective plus large, rappelant que le bon début d'octobre dernier n'avait pas été suffisant.

«L'important est d'être constant match après match, a-t-il dit. Au lendemain d'une victoire ou d'un revers, il faut se présenter à la patinoire avec une attitude positive. On ne devrait pas être capable de lire sur nos visages le résultat du match de la veille. Il faut simplement se préparer avec sérieux pour la prochaine rencontre.»

CONSTAT: Gallagher a les qualités d'un futur capitaine. Et son leadership au sein du club sera déterminant en 2016-2017.

---

4. LA FIN DE «PAS D'EXCUSES»

À son retour derrière le banc du Canadien en 2012, Michel Therrien a donné un nouveau slogan à l'équipe: «Pas d'excuses». Ces mots, placardés dans le quartier des joueurs, avaient pour but de modifier la dynamique après la désastreuse saison précédente.

Quatre ans plus tard, changement de cap. L'entraîneur-chef confirme la mise au rancart de ce cri de ralliement. La décision n'est pas étonnante. À la fin de la dernière saison, alors que les malheurs s'accumulaient sur le Canadien, ces mots sont devenus un sujet de rigolade dans l'espace public. Et cela a heurté Therrien, qui y a vu une forme d'acharnement envers une équipe en difficulté.

Le Canadien adoptera-t-il une autre formule semblable pour stimuler les troupes? Si c'est le cas, elle ne sera pas dévoilée publiquement, a expliqué Therrien.

Bref, si beaucoup de choses changent chez le Canadien cette saison, la culture du secret reste solidement enracinée.

CONSTAT: Le Canadien a beau remiser aux oubliettes le slogan «Pas d'excuses», celui-ci demeurera dans l'esprit de milliers d'amateurs, qui s'attendent à un fort rebond de l'équipe. Cette année, Marc Bergevin et Michel Therrien n'auront vraiment «pas d'excuses».