Les partisans des Nordiques ne sont pas les seuls qui devraient espérer le retour des Bleus. Ceux du Canadien aussi!

D'abord, l'ajout d'une équipe de la LNH au Québec serait bon pour le développement de notre hockey, autant pour les jeunes joueurs que pour tous les gens qui rêvent d'une carrière stimulante dans le sport professionnel: gestionnaires, entraîneurs, recruteurs...

Ensuite, la renaissance des Fleurdelysés fournirait une motivation extraordinaire au CH. Depuis le départ des Nordiques, son monopole au Québec l'a bien servi sur le plan des affaires, mais lui a fait perdre son mordant dans le secteur hockey. Le rêve d'une Coupe Stanley paraît encore bien loin.

La LNH dira-t-elle oui à Québec? La réponse tombera dans environ deux semaines. Le comité exécutif de la LNH, c'est-à-dire le groupe des neuf propriétaires composant la garde rapprochée de Gary Bettman, transmettra alors sa recommandation au reste de leurs collègues.

L'information filtrera inévitablement dans les heures qui suivront. Puis, le 22 juin, tous les proprios, réunis au sein du Bureau des gouverneurs, se prononceront officiellement sur la question lors d'une réunion à Las Vegas.

Le consensus des analystes veut que Las Vegas obtienne une équipe, mais pas Québec.

Il est vrai que Brian Mulroney et Pierre Dion, respectivement président du conseil d'administration de Québecor et PDG de le société, ont jeté une douche froide en mars dernier en manifestant leur inquiétude quant à la valeur du dollar canadien. Une réaction étonnante dans la mesure où notre devise pesait alors sensiblement le même poids qu'au moment où l'entreprise a déposé sa candidature à la LNH l'été dernier.

En revanche, le plongeon du huard deux mois plus tôt a sûrement inquiété Québecor, malgré la remontée qui a suivi. Mais je le répète: si on veut être propriétaire d'une équipe de sport professionnel au Canada, il faut accepter les variations du taux de change. Sinon, mieux vaut oublier l'aventure.

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Les candidatures de Québec et Las Vegas ont des similitudes, mais aussi des différences majeures.

Les points de convergence? Des investisseurs connus et crédibles, aux poches profondes. Et un amphithéâtre neuf répondant à tous les critères de la LNH.

Voilà, et de loin, les deux considérations les plus importantes. La LNH souhaite des proprios solides, capables de traverser un ralentissement économique, et profitant d'un édifice où les revenus seront maximisés. Québec et Las Vegas relèvent ce défi.

Les analogies s'arrêtent là. Las Vegas, contrairement à Québec, fait rêver Gary Bettman, qui souhaite augmenter le nombre d'équipes du circuit aux États-Unis. Le commissaire perçoit sûrement de fabuleuses possibilités de croissance pour une équipe établie dans la région. La population n'est peut-être pas très nombreuse, les amateurs de hockey encore moins, mais ces armées de visiteurs débarquant dans les casinos constituent des clients potentiels.

Cela dit, Las Vegas représente un risque important. Après le succès d'estime des premières années, les fans demeureront-ils au rendez-vous? Les touristes assisteront-ils en nombre suffisant à un match durant leur séjour? Les entreprises se bousculeront-elles pour conclure des partenariats commerciaux avec l'équipe? Quelles seront les cotes d'écoute des matchs diffusés à la télé locale? Et, surtout, quels revenus l'organisation tirera-t-elle de la vente de ses droits de télé?

Le problème pour la LNH, c'est que personne ne sait si Las Vegas serait un succès comme San Jose et Tampa Bay, ou une source d'ennuis comme Phoenix et Miami.

Las Vegas est une ville de paris, bien sûr. Mais oser celui-là serait très audacieux pour la LNH. D'autant plus qu'un nouvel élément se glisse au dossier. Le journaliste Gary Lawless, de TSN à Winnipeg, l'a évoqué récemment: si la Ligue nationale de football (NFL) s'établit à Las Vegas, l'équipe de hockey sera-t-elle écrasée par ce nouveau concurrent?

Lundi, lors d'un point de presse à Pittsburgh, Bettman a minimisé le risque causé par l'octroi éventuel d'un club de la NFL à Las Vegas: «Nous jugeons la candidature devant nous selon ses propres mérites.»

Il a ajouté qu'à son avis, la NFL était encore loin de Las Vegas. Vraiment? Mark Davis, le propriétaire des Raiders d'Oakland, ne cache pourtant pas son intérêt pour la capitale du jeu. Et ses collègues des autres clubs sont de plus en plus ouverts à accueillir cette ville dans le circuit.

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Et Québec dans tout ça? Hélas, le possible retour des Nordiques n'a jamais enthousiasmé la LNH comme celui des Expos intrigue le baseball majeur.

Sur le plan économique, Québec s'est pourtant beaucoup diversifié depuis 1995. Et les revenus des néo-Nordiques dépasseraient sans doute ceux d'une équipe de Las Vegas, ne serait-ce qu'en raison des droits locaux de télé. Mais des dirigeants de la LNH comme Jeremy Jacobs, des Bruins de Boston, semblent accrochés au souvenir du petit marché de 1995, incapable de bâtir un nouvel amphithéâtre.

En revanche, Bettman a compris l'été dernier que les villes prêtes à signer un chèque de 500 millions US pour accéder à la LNH n'étaient pas nombreuses. Une expansion à deux équipes vaudrait 1 milliard US au circuit. Beaucoup de propriétaires souhaitent sûrement en toucher leur quote-part, qui n'a pas à être partagée avec les joueurs.

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La LNH étudie quatre scénarios à propos de l'expansion: rejeter l'idée, remettre le projet à plus tard, ajouter une équipe ou bien deux.

Si le circuit est en aussi bonne santé que le commissaire l'affirme, la LNH devrait foncer et accueillir Québec et Las Vegas. Mais si la situation dans quelques marchés est plus fragile qu'il le laisse croire, la LNH pourrait mettre les freins en tout ou en partie.

Alors, reverrons-nous les Nordiques? Chose certaine, si Québec n'est pas choisi, ce sera une mauvaise nouvelle... même pour le Canadien!