Avouez qu'il faut du panache! Alex Anthopoulos laisse des millions sur la table, sans garantie de dénicher à court terme un emploi aussi stimulant et aussi prestigieux.

J'éprouvais déjà beaucoup de respect pour ce Montréalais qui s'est bâti une carrière dans le baseball grâce à sa détermination et à son flair. Un Canadien promu directeur général d'une équipe des ligues majeures réalise forcément un exploit. C'est encore plus vrai lorsqu'il la mène aux séries éliminatoires après

22 ans d'attente.

Lorsqu'il est devenu stagiaire bénévole chez les Expos en 2000, Anthopoulos n'avait aucune relation dans ce milieu aux parois étanches. Il a attendu deux ans avant de toucher un premier chèque de paie, envisageant l'abandon de son rêve parce que son compte de banque était à sec.

Mais notre homme s'est accroché, gravissant les échelons. Et cette saison, grâce à ses transactions audacieuses, les Blue Jays de Toronto sont devenus les chouchous de tout un pays. La société Rogers, propriétaire de l'équipe, a ainsi touché des profits aussi importants qu'inattendus.

Mais voilà: pour succéder à Paul Beeston, le président de l'équipe qui part à la retraite, Rogers a choisi un «gars de baseball», pour reprendre l'expression consacrée. Mark Shapiro était président des Indians de Cleveland, mais c'est surtout comme DG de l'équipe, de 2001 à 2010, qu'il s'est fait connaître. Pas question pour lui de s'installer à Toronto sans avoir les pleins pouvoirs, notamment ceux liés aux décisions sportives.

Dans ce contexte, Anthopoulos a refusé une prolongation de contrat. Il a vite compris qu'il devrait maintenant faire valider chacun de ses gestes par son nouveau patron. Pour un gestionnaire ayant joui d'une grande latitude au cours des six saisons précédentes, ce mécanisme était inacceptable.

Le choix d'Anthopoulos renforce mon opinion favorable à son sujet. Il s'est tenu debout, refusant un rôle subalterne incompatible avec son brillant parcours. Les Blue Jays de 2015, c'est lui qui les a construits. Rien ne justifiait qu'il cède les commandes. Sa décision courageuse met en valeur les qualités expliquant son succès: Anthopoulos est alerte, honorable, serein.

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À Toronto, le départ du DG a provoqué un choc. Et le pauvre Shapiro, qui entrera officiellement en poste lundi, a déjà deux prises contre lui. Les médias de Toronto le dépeignent comme le méchant de l'histoire. Il ne s'attendait sûrement pas à pareil scénario en célébrant sa nomination, le 31 août dernier.

Pour le Québec, le départ combiné de Beeston et d'Anthopoulos représente une mauvaise nouvelle. Le premier est à l'origine de la tenue de matchs d'avant-saison des Blue Jays au Stade olympique. C'est lui qui a accepté l'invitation d'evenko alors qu'il aurait eu d'excellentes raisons de la refuser.

Pourquoi, en effet, s'embarrasser de Montréal, où les Expos ont agonisé à petit feu avant de rendre l'âme? Mais la stratégie de Beeston était d'élargir la popularité du baseball au Canada. Et dans son esprit, le Québec était un passage obligé pour atteindre cet objectif. On connaît la suite: sans l'extraordinaire succès de ces rencontres, le dossier du retour des Expos serait encore considéré comme l'apanage des rêveurs. Mark Shapiro manifestera-t-il le même intérêt envers Montréal? Sûrement pas.

De son côté, Anthopoulos a toujours pris soin de donner des entrevues en français en commentant les activités des Blue Jays. Et il a contribué à entretenir le souvenir des Expos dans nos mémoires.

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Jeudi, La Presse Canadienne révélait que Denis Coderre et Stephen Bronfman avaient cosigné une lettre adressée aux trente propriétaires d'équipe du baseball majeur confirmant l'intérêt de Montréal à retrouver son équipe. La nouvelle est importante, puisqu'elle illustre le profond engagement de M. Bronfman dans ce projet.

Le père de Stephen, Charles, a été le premier proprio des Expos. C'est grâce à lui si Montréal s'est joint au baseball majeur en 1969. En raison de sa fortune, Stephen Bronfman a la capacité d'être ce «gros frappeur» capable de faire débloquer le dossier, si le baseball majeur transfère un jour les Rays de Tampa Bay ou procède à une expansion.

Même si on ignore quelle part Stephen Bronfman est prêt à assumer dans le projet, sa présence est prometteuse. Un club des majeures a besoin d'un investisseur aux reins solides, capable d'éviter les «ventes de feu» qui ont fait si mal aux Expos dans le passé. La structure en place dans les années 90, une société en commandite composée de plusieurs actionnaires détenant chacun une modeste part de l'équipe, n'a pas donné de bons résultats.

Heureusement, le modèle d'affaires des ligues majeures a aussi changé. Le programme de partage des revenus, couplé aux dizaines de millions que valent les droits de télé à chaque équipe, consoliderait les assises des néo-Expos.

Qui sait? Peut-être qu'un jour, Alex Anthopoulos reviendra dans sa ville d'origine afin de diriger une équipe. Nous sommes encore bien loin de ce scénario idéal. Mais le fait que Stephen Bronfman s'investisse à ce point dans le projet ajoute au sérieux de l'affaire.

Impact vs Canadien

Pour l'Impact, c'est le moins bon des scénarios. Le coup d'envoi du match éliminatoire de demain au stade Saputo sera donné à 19h, au moment où le Canadien amorcera son affrontement contre les Jets de Winnipeg, au Centre Bell.

«Ce n'est pas l'idéal, reconnaît le vice-président Richard Legendre. Mais le réseau FOX tenait à présenter notre rencontre en soirée.»

Dans le sport professionnel, les chaînes de télé détenant les droits nationaux aux États-Unis sont les maîtres du jeu. Didier Drogba, un joueur connu internationalement, suscite beaucoup d'intérêt. Et FOX veut évidemment en profiter. Dans des circonstances normales, il s'agirait d'une excellente nouvelle pour l'Impact. Toutes les organisations souhaitent ainsi être célébrées.

Mais pour remplir le stade Saputo - des milliers de billets sont en vente -, il aurait été préférable de jouer l'après-midi. De plus, le match aurait alors été présenté à RDS plutôt qu'à RDS 2. Dans ce face-à-face avec le hockey du Canadien, l'affrontement de l'Impact ne générera pas d'aussi bonnes cotes d'écoute que celui de jeudi. L'auditoire moyen a été de 310 000 personnes - avec une pointe à 671 000 -, un record d'écoute pour le soccer de la MLS à RDS, selon le communiqué publié par la chaîne hier.

L'Impact souhaite que les gradins soient remplis demain soir. Mais avec à peine quelques heures pour écouler un si grand nombre de billets, le défi est immense.