Vous avez vu le geste? Avouez qu'il faut du culot! En plein le genre de comportement que déconseille le «code» du baseball, cet ensemble de règles non écrites encadrant le comportement des joueurs sur le terrain. En célébrant un exploit, il ne faut surtout pas embarrasser ses adversaires.

Ce fameux «code», Jose Bautista l'a expédié aussi loin que la balle qu'il venait de frapper par-dessus la clôture du champ gauche, mercredi, dans l'extraordinaire victoire des Blue Jays de Toronto aux dépens des Rangers du Texas. Et il a bien fait! Dans un match aussi intense, où les nerfs des joueurs des deux équipes sont à fleur de peau, un champion de la trempe de Bautista a le droit de montrer ses émotions.

Avant d'amorcer sa course autour des buts, Bautista est demeuré un moment dans le rectangle des frappeurs, puis, d'un geste sec, presque hautain, a projeté de la main gauche son bâton dans les airs. Une attitude princière qui, dans un contexte à ce point dramatique, n'a pas manqué de panache.

Évidemment, ses rivaux n'ont pas apprécié. «Jose devrait se calmer et respecter le sport un peu plus, a dit Sam Dyson. Il est un modèle pour les jeunes, mais il se conduit comme les enfants qui jouent au baseball dans les parcs.»

Qui est Sam Dyson? Eh oui, l'infortuné lanceur qui a accordé cette claque de 431 pieds à Bautista! Il aurait plutôt dû faire profil bas. Les Rangers se sont effondrés durant cette septième manche, sûrement l'une des pires jamais jouées par un club des majeures en séries éliminatoires! Leurs nerfs ont tout simplement lâché. Ils ont commis trois erreurs bêtes, permettant ainsi au puissant frappeur des Blue Jays de jouer les héros.

Bautista aura 35 ans lundi. En 12 saisons dans les majeures, c'est la première fois qu'il participe aux séries éliminatoires. Il a ressenti profondément toutes les déceptions qu'a connues l'organisation au cours des dernières années.

Et voilà que cet automne, «son» équipe est établie favorite pour remporter la Série mondiale. Et voilà qu'elle perd ses deux premières rencontres à domicile et fait face à l'élimination. Elle doit maintenant gagner deux matchs au Texas, puis achever ses rivaux à Toronto pour poursuivre sa route. Lourde commande!

En cognant son circuit mercredi, Bautista a compris qu'il venait de couronner cette improbable remontée. Les Rangers, il le savait fort bien, ne se remettraient pas de ce direct au visage. Peut-on lui reprocher d'avoir marqué le coup? Son rêve de gagner la Série mondiale, qui semblait si loin quatre jours plus tôt, reprenait vie.

À Toronto, cela fait consensus: Jose Bautista est l'âme et la conscience des Blue Jays. En 2014, à la date limite des transactions, il a exprimé sa déception lorsque le DG Alex Anthopoulos n'a pas réalisé d'échange majeur qui aurait donné une impulsion au groupe en prévision de la dernière ligne droite de la saison. Au lieu de cela, les Blue Jays se sont écroulés.

C'est peut-être un hasard, bien sûr. Mais un an plus tard, Anthopou- los a montré à Bautista qu'il avait compris la leçon. En une petite semaine, il a transformé l'équipe. Le 30 juillet, lorsque la rumeur de l'échange de David Price aux Blue Jays a commencé à circuler, Bautista a écrit un message texte à Anthopoulos: «C'est vrai?» La réponse du DG est tombée sur-le-champ: «Oui»

Plus tard ce jour-là, en racontant l'anecdote en conférence de presse, Anthopoulos a ajouté: «Jose m'a répondu Yes, suivi d'environ un million de points d'exclamation...»

Les Blue Jays ont connu une fin de saison exceptionnelle. Et mercredi, dans un instant décisif, Bautista a pris les moyens pour que l'aventure ne s'arrête pas là.

Ce gars-là peut se débarrasser de son bâton comme il le veut.

***

Ce fut une journée magique à Toronto. Sauf pour un élément non négligeable: le comportement de la foule. Qui aurait pensé que le public de la Ville Reine agirait ainsi?

Lorsque les Rangers ont pris les devants au début de la septième manche, après une erreur d'inattention de Russell Martin, des canettes de bière et d'autres projectiles ont été lancés sur le terrain. La scène s'est répétée plus tard. À grand renfort de gestes, des joueurs des Blue Jays, comme Edwin Encarnacion, ont demandé aux partisans de se maîtriser.

À la télé américaine, un analyste a suggéré que les arbitres retournent les équipes aux vestiaires, le temps que l'ordre revienne. Tout cela n'était pas très bon pour l'image de Toronto. Dommage, puisque l'ambiance semblait par ailleurs extraordinaire. De quoi faire rêver les Maple Leafs...

***

Le parcours des Blue Jays retient l'attention d'un océan à l'autre. Même au Québec, où l'appui aux équipes torontoises ne fait pas précisément partie de notre ADN. Pour tous ceux qui aiment le baseball, et j'en suis, il s'agit d'une excellente nouvelle. Car elle remet ce sport à l'avant-plan de la meilleure façon qui soit.

Au-delà des discussions sur le salaire des joueurs, le financement des stades et le prix des concessions, tous des dossiers susceptibles d'alimenter l'actualité à Montréal au cours des prochaines années, les matchs des Blue Jays nous rappellent à quel point le baseball est un sport captivant et magique.

La série contre les Royals de Kansas City commence ce soir. Les Blue Jays en sept.



De Carbo à Max

Après le manque d'originalité des dernières séries éliminatoires, le Canadien a renoué avec la tradition et nous a offert un beau spectacle d'avant-match à l'occasion de son ouverture locale.

La remise du flambeau de Guy Carbonneau à Max Pacioretty a été émouvante. Content que le CH ait pensé à Carbo, un capitaine dont l'apport n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur. Mais n'oublions pas que c'est lui qui portait le «C» lors de la dernière conquête de la Coupe Stanley, en 1993.

Je suis certain qu'en observant la scène, Jacques Demers, l'entraîneur de cette équipe championne, a bien apprécié le choix du CH.