Alizé Cornet en est déjà à sa 11e participation à Roland-Garros. Et hier, pour la première fois, elle a atteint la ronde huitième de finale.

Après le dernier point du match, un long et difficile duel contre la Croate Mirjana Lucic-Baroni, la joueuse française s'est étendue sur le dos, en pleine terre battue, pour célébrer sa victoire. Des larmes ont semblé perler au coin de ses yeux. Et son entraîneuse a eu peine à contenir son émotion.

La scène était significative car elle illustre la pression pesant sur les joueuses. Pour Cornet, la victoire était libératrice. Plus tard, cette excellente communicatrice - on l'imagine très bien commenter les matchs à la télé après sa carrière - a expliqué son état d'esprit.

«Je n'en pouvais plus de prendre des sacoches dans tous les sens contre cette fille imprévisible. Je n'ai pas joué mon meilleur tennis, mais j'y suis allée au courage.»

Cornet a reconnu partir «de très loin» au niveau de la gestion de ses émotions sur le terrain. «Après chaque point, je vais m'encourager, peu importe ce qui s'est produit. Je vais arriver au retour de service en me disant "Allez!". Ce discours positif a beaucoup évolué chez moi. C'est une marche de progression qui peut encore être améliorée. Mais j'ai parcouru beaucoup de chemin.»

Ce commentaire rappelle une grande vérité du tennis: au-delà de la technique et du sens tactique, l'approche mentale est au coeur des succès ou des échecs. Gérer ses propres attentes, celles de l'entourage et des fans, et composer avec la pression, sont des composantes essentielles d'une carrière.

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Parfois, une défaite peut faire plus mal qu'il n'y paraît de prime abord. C'est ce qui est arrivé à Eugenie Bouchard plus tôt cette saison.

À Indian Wells, en mars dernier, elle a remporté ses deux premiers matchs, jouant du tennis solide, notamment contre l'Américaine Coco Vandeweghe. Elle a ensuite perdu contre l'Ukrainienne Lesia Tsurenko, une qualifiée pointant au 85e rang mondial. En plein le genre de duel qu'elle n'aurait pas dû échapper.

«Ce match était serré, difficile et un peu stressant», a-t-elle expliqué, plus tôt cette semaine.

«Je savais que je pouvais gagner si je jouais mon tennis. Mais j'ai été un peu hésitante. Et après ce match, j'ai perdu un peu de confiance, même si je n'aurais pas dû, puisqu'il ne s'agissait que d'un seul match. Et je me suis ensuite sentie un peu moins confiante sur le terrain à Miami et à Charleston.»

Ainsi, il a suffi d'une performance moins convaincante pour que le doute surgisse dans l'esprit de la Montréalaise. Et elle ne s'est manifestement pas encore extirpée de cette mauvaise passe.

Plus tôt cette semaine, Caroline Garcia, une prometteuse Française de 21 ans, a vécu une expérience encore plus déstabilisante.

Les organisateurs de Roland-Garros lui ont fait disputer son premier match sur le court Philippe-Chatrier, où les champions sont sacrés chaque année. Classée 31e au monde, Garcia aurait normalement dû éclipser la Croate Donna Vekic, qui occupe le 165e rang mondial.

Hélas, le caractère mythique de ce court lui a fait perdre ses repères. La jeune femme s'est inclinée en trois sets.

Après sa défaite, Garcia a reconnu que la pression d'évoluer devant ses partisans, et dans ce stade si prestigieux, avait été trop forte. «C'est too much pour l'instant de jouer sur ce terrain. L'année prochaine, je demanderais à jouer sur le 9, cachée, où il n'y a personne.»

De son côté, Kristina Mladenovic, une autre Française ayant vaincu Eugenie Bouchard en première ronde mardi, a réussi - au prix d'un effort gigantesque - à garder sa concentration dans ce match. Elle a reconnu combien la pression est devenue forte sur elle après avoir pris l'avance 5 jeux à 0 au deuxième set, alors qu'elle était déjà en avance une manche à zéro.

L'affaire semblait pourtant entendue. Mais Bouchard, qui n'avait alors plus guère d'espoir de l'emporter, a joué de manière plus détendue. Et elle a arraché quatre jeux d'affilée avant de finalement s'incliner.

«Ce n'est jamais évident de terminer un match comme celui-là, a dit Mladenovic. En plus, avec le public, on sent un peu l'attente, la frustration. Pour être honnête, cela n'est jamais évident pour les nerfs, mais j'ai une très grande satisfaction d'avoir terminé ce match à 5-4, à bien servir. À 5-5, cela pouvait devenir très compliqué.»

Mladenovic a eu un léger passage à vide, mais s'est ressaisie à temps. Elle poursuit sa route dans ce tournoi, ayant remporté son match de deuxième tour jeudi. Elle n'a pas d'entraîneur, préférant travailler seule.

En revanche, ses parents sont d'anciens sportifs de haut niveau (papa au handball et maman au volley) qui, sans se mêler de son tennis, la conseillent au sens plus large sur la manière de gérer une carrière sportive, comme elle l'a expliqué à L'Équipe.

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Toutes ces histoires indiquent combien l'approche mentale et la confiance en soi sont des facteurs déterminants au tennis. Contrairement au sport collectif, une mauvaise performance individuelle ne peut jamais être maquillée par le succès des coéquipiers.

Cette dimension contribue à rendre le tennis si fascinant. Au-delà du combat entre deux adversaires, il y a cette bataille des nerfs que chaque joueur livre à lui-même. Et qui est souvent très difficile à gagner.

#lovenewrg

Une campagne publicitaire étoffée soutient l'ambitieux projet de rénovation du complexe Roland-Garros. L'objectif est de miner les arguments des opposants à la construction d'un nouveau terrain dans le Jardin des serres d'Auteuil, un dossier dont j'ai parlé dans nos éditions de mardi.

Cela dit, cette affaire illustre de nouveau la place étonnante de l'anglais à Roland-Garros. Ainsi, sur Twitter, le mot-clic adopté par les organisateurs pour promouvoir leur projet est #lovenewrg, c'est-à-dire «j'aime le nouveau Roland-Garros».

D'autres exemples? Sur les terrains, les chasseurs de balles portent un uniforme commandité par BNP Paribas, une grande banque française. Derrière leurs maillots, on lit ces mots «We are tennis.com», soit «Nous sommes le tennis.com».

En salle de presse, toutes les annonces sont d'abord en anglais, puis en français. Même chose pour les entrevues d'après-match dans la grande salle, où le processus est plus formel. On commence par les questions en anglais avant d'en venir au français. Cela donne parfois lieu à des scènes surréalistes.

Ainsi, plus tôt cette semaine, lorsque le Français Gaël Monfils s'est présenté en conférence de presse après sa victoire de deuxième tour, presque tous les journalistes étaient français ou.. québécois! Mais le micro a d'abord été cédé aux rares journalistes anglophones présents. Ils ont posé deux questions avant que l'assemblée passe au français. Même phénomène hier après le gain d'Alizé Cornet.

Je sais, je sais, l'anglais est la langue commune au tennis. Et les autres tournois majeurs disputés en Austalie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis privilégient évidemment la langue de Shakespeare.

N'empêche que pour un observateur francophone nord-américain, plus sensible à ce genre de choses, cette manière de fonctionner dans un tournoi présenté en France est étonnante.

Les gains de Bouchard

À Roland-Garros l'an dernier, Eugenie Bouchard a touché une bourse de 545 000$ US; cette année, de 30 000$ US.

Ce n'est donc pas seulement des points au classement que la Montréalaise a perdus en France, mais aussi une chance d'engranger des revenus importants. Si elle ne fait pas mieux à Wimbledon, l'effet sera encore plus considérable puisqu'elle a reçu près de 1,4 million US en étant finaliste en 2014.

Contrairement à l'an dernier, le classement de Bouchard en 2015 ne lui permettra sans doute pas de participer à la grande finale de la WTA, à Singapour, où les bourses sont très alléchantes.

Après avoir touché 3,2 millions US l'an denier, Bouchard a pour l'instant récolté environ 420 000 US cette saison. Et pour l'instant, aucun nouveau partenariat commercial n'a été annoncé.

D'autre part, savez-vous qui pointe au 17e rang des meilleures boursières de la WTA cette saison avec des gains frôlant le demi-million US? Martina Hingis!

Eh oui, l'ancienne championne suisse, maintenant âgée de 34 ans, connaît une saison du tonnerre en double avec sa nouvelle partenaire, l'Indienne Sania Mirza. Le duo est favori pour remporter le titre de Roland-Garros.