Après avoir posé ma valise dans le 11e arrondissement - l'agréable quartier où est située la place de la Bastille -, je marche au hasard dans les rues de Paris. C'est samedi après-midi, il fait beau et les trottoirs sont bondés de gens. Mon premier objectif est simple: acheter les journaux et trouver une terrasse pour enfiler un sandwich.

Sur le boulevard Beaumarchais, j'aperçois au loin une enseigne où le mot «Genie» semble inscrit. Tiens, tiens, je vous le demande, un journaliste québécois chargé de couvrir le tournoi de Roland-Garros, et le parcours d'Eugenie «Genie» Bouchard, peut-il trouver un lieu plus approprié pour amorcer sa virée outre-atlantique?

En m'approchant, je constate que le véritable nom du café est «Le Génie». L'endroit semble sympathique et je m'y arrête.

«Vous préférez côté pinède ou côté mer?», lance le garçon, en me proposant le choix de deux tables, chacune offrant une vue identique sur la rue.

Ah bien, ça alors, un préposé sympathique et doté d'un sens de l'humour! Génial. Le voyage commence bien. Un léger repas est vite déposé devant moi et je me plonge dans la lecture de L'Équipe. Il suffit de quelques lignes pour que je vienne près de m'étouffer. Dans un texte d'analyse du tournoi, on décrit Rafael Nadal comme la «tête de série numéro 6 de cette édition 2015 du French».

Pardon, le French? Pas même d'italiques? S'il vous plaît, messieurs dames, appelez ce tournoi Roland-Garros ou les Internationaux de France, mais pas le French, tout de même!

En tournant les pages, je ne suis pas au bout de mes surprises. Dans un excellent dossier sur le nouveau stade de football de Bordeaux (un édifice de 42 000 sièges érigé au coût de 183 millions d'euros et dont l'ouverture a eu lieu ce week-end), on évoque les «business seats», le «business plan» et le «naming».

C'est quoi, le «naming»? Il s'agit des droits d'appellation d'un amphithéâtre ou d'un stade sportif vendus à un commanditaire, comme le Centre Bell ou le Centre Vidéotron.

Le «naming», donc, n'a pas fonctionné à Bordeaux. Le nom du nouveau stade n'a pas été vendu. Dans l'article, une responsable explique: «Mais le naming, ce n'est pas simple en France, pour des raisons culturelles que je ne m'explique pas.»

Moi, ce que je ne m'explique pas, c'est cette avalanche de mots anglais alors que des termes français existent. Des raisons culturelles, sans doute...

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Le tournoi de Roland-Garros a commencé à 11h, hier. Sur le terrain central, la troisième favorite Simona Halep affrontait la Russe Evgeniya Rodina. J'ai préféré me rendre plus loin, sur le court numéro 12, où Eugenie Bouchard s'entraînait avec l'Allemande Andrea Petkovic.

Durant une heure, elles ont échangé des balles, simulant les échanges d'un véritable match dans la dernière demi-heure. Bouchard a réussi plusieurs coups droits retentissants, mais son service a paru moins convaincant. Dans l'ensemble, elle semblait néanmoins dans de bonnes dispositions, frappant la balle rapidement et avec force.

Son entraîneur Sam Sumyk lui a donné plusieurs conseils, lançant un «très bien» mérité après un superbe point.

À quoi s'attendre de la Montréalaise à l'occasion de son premier match demain? Elle n'aura pas la partie facile. Sa rivale sera Kristina Mladenovic, une Française occupant le 41e rang mondial, qui évoluera devant son public. Samedi, elle a perdu la finale des Internationaux de Strasbourg, aussi disputés sur terre battue. Elle est certainement sur une meilleure lancée que Bouchard.

Chose certaine, le mauvais début de saison de Bouchard a diminué les attentes à son endroit. Les médias français parlent très peu d'elle, l'attention étant retenue par Maria Sharapova, Serena Williams et Simona Halep, ainsi que par la Française Alizé Cornet.

En revanche, un autre Québécois suscite l'intérêt des journaux et de la télévision. Ce n'est pas un sportif, mais un auteur. Dany Laferrière fera son entrée officielle à l'Académie française jeudi et l'événement est déjà suivi.

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Roger Federer a remporté son match de premier tour, hier, aux dépens d'Alejandro Falla. Sa victoire était attendue et aurait trouvé peu d'écho sans un incident survenu après le match.

Un jeune homme a enjambé la barrière séparant les sièges du terrain et s'est approché du champion suisse. Il souhaitait se prendre en photo à ses côtés avec son appareil cellulaire. Il a fallu un moment avant qu'un gardien n'intervienne.

Federer n'a pas aimé être ainsi abordé sur le court. D'autant plus qu'un truc semblable s'est produit durant la finale de 2009: un homme s'était aussi avancé vers lui durant un match. Sans compter l'assaut contre Monica Seles, en 1993, que personne n'oubliera dans le monde du tennis.

«Je suis clairement mécontent, a dit Federer. Et je crois parler pour tous les joueurs en disant qu'on veut se sentir en sécurité sur le court, là où on fait notre boulot. Il faut s'assurer que les gens ne puissent pas simplement sauter sur le terrain comme ça...»

En fin d'après-midi, le directeur du tournoi, Gilbert Ysern, a commenté la situation dans une salle bondée de journalistes. Bizarrement, il a d'abord minimisé la portée de l'affaire: «D'une certaine façon, ce n'est pas la fin du monde, il ne faut pas en faire un trop grand cas.»

Du même souffle, Ysern a cependant reconnu que l'incident était «embarrassant» pour les organisateurs. À son avis, une «erreur de jugement» d'un responsable de la sécurité est en cause plutôt qu'un vice dans les procédures.

En clair, l'un d'eux aurait oublié que la journée d'animation de la veille, un genre de «d'événement portes ouvertes» où les joueurs sont plus accessibles au public, était terminée. Mais justement, Federer s'est aussi plaint de ne pas avoir été assez bien protégé à cette occasion, quatre jeunes venant à sa rencontre sur le terrain durant son entraînement.

«L'incident d'aujourd'hui n'illustre pas que le niveau de risque est élevé, a poursuivi le directeur du tournoi. Si le gars était rentré sur le court en courant avec une attitude agressive, il ne serait pas arrivé jusqu'au joueur. On a assez de personnel autour du court pour prévenir cela.»

Puis, léger sourire en coin, il a ajouté: «On n'est pas prêts à prévenir une attaque massive de 300 personnes qui rentreraient simultanément au coup de sifflet sur le court, on n'est pas prêts pour cela! Alors peut-être qu'il faudra s'y préparer un jour, mais j'espère que non!»

Souhaitons-le, en effet. De tous les grands sports, le tennis est sans doute celui où les spectateurs sont le plus près de l'action, sans véritable obstacle physique pour les séparer des joueurs, comme les bandes et les baies vitrées au hockey. Cela ajoute à son charme, surtout sur un court aussi intime que le Philippe-Chatrier, le terrain principal de Roland-Garros.

Mais Federer avait raison d'être en colère. Et les organisateurs n'ont pas vraiment d'excuse valable. Même si, dans tous les grands événements sportifs, conjuguer accessibilité et sécurité représente un défi toujours plus lourd. L'ambiance est agréable à Roland-Garros et il faut préserver cet atout.

La première ronde se poursuit aujourd'hui et demain. Assisterons-nous à des surprises? On verra. Mais pour l'instant, c'est l'heure de retourner dans le 11e.



Salut, Albert...

C'était en décembre dernier, dans un restaurant du Vieux-Montréal. Malgré son dur combat, Albert Ladouceur racontait des anecdotes de l'histoire des Nordiques avec cet enthousiasme le rendant si sympathique.

En compagnie de Bertrand Raymond, François Gagnon et Alain Crête, nous participions à l'enregistrement de l'émission Table d'hôte, présentée à RDS.

L'éclat de rire fut général lorsqu'Albert rappela pourquoi son gros scoop de 1988, en lien avec les péripéties entourant la vente des Nordiques à un groupe mené par Marcel Aubut, fut réduit à une courte mention en première page du Journal de Québec.

En soirée, un tremblement de terre avait en effet secoué la capitale nationale. Et le hasard fit en sorte que la principale photo de la une, illustrant les dommages causés à quelques édifices, fut celle de la pharmacie de sa conjointe.

Albert était en verve ce jour-là. Sa voix était claire et son ton traduisait toute sa passion pour le métier. Mais il savait que ses jours étaient comptés. Et samedi, ce journaliste ayant couvert les Nordiques depuis leurs débuts dans la LNH en 1979 est mort du cancer. Il avait 63 ans.

J'ai souvent côtoyé Albert, surtout à l'époque des Nordiques. Nous n'étions pas des proches, mais j'appréciais sa courtoisie. Discuter avec lui était toujours agréable.

En 2011, j'ai couvert le dernier match de la tournée d'adieu de Guy Lafleur au Colisée de Québec. En reprenant la route de Montréal, j'ai entendu à la radio une longue entrevue où Albert revenait sur ses années à suivre les Nordiques. Ce fut un régal. Notre ami était un excellent raconteur.

La mort d'Albert Ladouceur chagrine profondément le monde du sport québécois. Il était un homme apprécié et respecté de tous. À ses proches, j'offre mes plus vives condoléances.