Jusqu'au souper, la journée de lundi n'a pas été bonne pour le Canadien. La direction et les joueurs ont pansé les plaies du désastreux match de dimanche et l'ambiance n'était pas guillerette à l'arrivée de l'équipe à Tampa Bay.

Les propos de Michel Therrien, qui a condamné la sortie de Brandon Prust envers l'arbitre Brad Watson dans un bref point de presse, ont donné la mesure de la frustration ressentie par l'organisation.

Pour ragaillardir les troupes, Marc Bergevin a convié les joueurs, les entraîneurs et tout le personnel accompagnant l'équipe à un souper «familial», dans un restaurant de Tampa Bay. Les deux jours de repos avant le match de ce soir ont permis cette initiative et ne pouvaient donc mieux tomber. Il était important de se regrouper avant l'heure de vérité.

Oui, l'heure de vérité, rien de moins! C'est en effet ce soir qu'on verra de quoi le Canadien est fait. S'agit-il d'un club fier et courageux, capable de rebondir après avoir reçu une leçon de hockey? Ou plutôt d'une équipe s'éteignant devant l'adversité?

C'est l'évidence: un échec dans ce troisième affrontement contre le Lightning serait dévastateur. Combler un déficit de trois matchs à zéro aux dépens de cette puissante machine offensive représenterait un défi hors de portée du Canadien.

En revanche, une victoire redonnerait du tonus au camp tricolore. Et sèmerait un brin d'inquiétude chez le Lightning, qui se retrouverait soudain sous pression en vue de la quatrième rencontre, disputée dès le lendemain. Non, le Canadien n'a pas disputé un seul match de cette magnitude cette saison.

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En septembre dernier, lors du tournoi de golf de l'organisation, Marc Bergevin a annoncé que l'équipe ne compterait pas de capitaine cette saison. En lieu et place, le leadership serait assumé par un comité composé de deux vétérans, Andrei Markov et Tomas Plekanec, et de deux jeunes, Max Pacioretty et P.K. Subban. Le gardien Carey Price, même sans lettre sur son chandail, a été intégré au groupe.

Pour les heureux élus, il s'est agi d'un bel honneur. Mais avec cette nomination viennent des responsabilités. La plus importante est de redresser le gouvernail lorsque la barque dérive. C'est ainsi que les légendes du club ont fait leur renommée, de Maurice Richard à Jean Béliveau, de Guy Lafleur à Patrick Roy. Leur confiance, leur énergie et leur talent ont solidarisé l'équipe dans des moments charnières.

Voilà pourquoi les canons doivent donner le ton ce soir. On peut parler autant qu'on veut des ennuis d'Alex Galchenyuk ou de David Desharnais, mais c'est d'abord aux plus hauts salariés du Canadien de montrer le chemin. Le moment d'exercer leur leadership est venu.

Price connaît un bon printemps - le CH lui doit la victoire dans le sixième match à Ottawa - mais, de manière générale, il n'est pas aussi dominant qu'en saison régulière. Subban s'est comporté en champion dans le deuxième affrontement de la série contre les Sénateurs et joue environ 30 minutes par rencontre, une somme colossale de travail. Mais sa pénalité inutile en fin de première période dimanche a coûté cher au Canadien.

Quant à Pacioretty, Markov et Plekanec, leur rendement est décevant. Ils auront la chance ce soir de renverser la vapeur et de contribuer à la relance de leur équipe. La saisiront-ils?

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Depuis le début des séries, on sent le Canadien moins détendu qu'à pareille date l'an dernier. Même durant la difficile série contre les Bruins de Boston, une bataille qui a nécessité sept matchs, le groupe semblait plus «relaxe».

Un exemple: sans les nommer, Michel Therrien a servi des reproches évidents à Subban et Prust dimanche et lundi. On n'a rien vu de tel au printemps dernier. Peut-être parce que les attentes envers l'équipe n'étaient pas si élevées.

On peut comprendre l'impatience de l'entraîneur. Lui-même un ancien analyste à la télé, il sait très bien comment serait analysée une élimination rapide du Canadien au deuxième tour.

Cela conforterait la thèse que les miracles de Price ont faussé les données et que la fiche de l'équipe en saison régulière n'était pas représentative de sa force réelle. On dirait aussi que Therrien a été incapable de solutionner les ennuis des siens en avantage numérique.

De son côté, Marc Bergevin, pour la première fois depuis son arrivée à Montréal, devrait répondre à des questions plus serrées. C'est bien de privilégier la défense, mais l'équilibre est une clé du succès des meilleures équipes. Pour gagner, il faut aussi du mordant en attaque. Or, sur ce plan, le Canadien affiche de graves lacunes.

Nous n'en sommes cependant pas encore là. Le Canadien peut encore renverser l'allure de cette série. Mais sa marge de manoeuvre est inexistante. Il doit gagner ce soir. Et pour cela, il devra se montrer beaucoup plus fort mentalement que dimanche, lorsqu'il s'est effondré devant le Lightning.

Oui, c'est l'heure de vérité.

Le «code» a gagné

Dans sa vie de hockeyeur, Brandon Prust a vécu des dizaines d'expériences. Mais parions qu'il n'oubliera pas de sitôt celle de lundi, lorsque ses patrons ont refusé de dire un seul mot en sa faveur après ses commentaires de la veille concernant l'arbitre Brad Watson.

Le Canadien ayant choisi de ne pas le soutenir, on aurait pu à tout le moins ne pas l'abandonner seul dans son coin. On aurait pu oser une phrase ou deux pour expliquer diplomatiquement qu'il avait sans doute parlé sous le coup de l'émotion.

Entre la défense du «code» - ce qui se dit sur la patinoire doit rester sur la patinoire - et celle de leur joueur, Marc Bergevin et Michel Therrien ont tranché. Et sans surprise, Prust s'est excusé de ses propos hier. L'entraîneur ayant promis de régler l'affaire «à l'interne», on comprend tous que l'attaquant du CH n'a pas eu le choix.

La LNH a vite enchaîné en lui collant une amende de 5 000 $, associée d'un hommage à Watson. Pas un mot sur les égarements de l'arbitre durant la rencontre, comme la manière dont il a montré Prust du doigt durant l'épisode controversé.

Si j'en crois les nombreux courriels que ma chronique d'hier a suscités, Prust, même s'il n'était pas lui-même sans tache, a impressionné beaucoup de gens en dénonçant ce qui s'est produit dimanche. Car d'un officiel représentant l'autorité durant un match, on s'attend à un autre type de comportement.

Des amateurs seront évidemment déçus que Prust ait fait marche arrière. Mais l'épisode constitue une formidable leçon pour mieux comprendre les règles non-écrites du sport professionnel.

Psychologie sportive

Dans notre numéro d'hier, mon collègue Michel Marois posait cette excellente question: un psychologue sportif aiderait-il Eugenie Bouchard à émerger de sa léthargie?

La réponse semble évidente: oui. Cette discipline est un élément essentiel au développement des athlètes d'élite. J'entends encore Justine Dufour-Lapointe, au lendemain de sa médaille d'or aux Jeux olympiques de Sotchi, expliquer combien la contribution de Wayne Halliwel, une sommité du domaine, l'avait bien servie.

Ensemble, ils avaient élaboré une phrase clé que la jeune femme s'est répétée avant d'amorcer sa descente décisive: «C'est mon moment, j'aime skier et je vais le faire pour moi.»

Hélas, Sam Sumyk, l'entraîneur de Bouchard, écarte l'idée de faire appel à un psychologue sportif, étant convaincu de pouvoir assumer lui-même cette partie du travail. «Je pense avoir toujours été en mesure de fournir un soutien adéquat aux joueuses dans ce secteur», a-t-il dit, durant la manche de la Coupe Fed à Montréal. «Nous avons une bonne idée de ce qu'il faut corriger, et nous y travaillons.»

Pour un entraîneur moderne, il s'agit d'une réponse étonnante. On ne s'improvise pas psychologue sportif, il s'agit d'une spécialité à part entière. Un entraîneur peut être un bon motivateur et un bon communicateur, il peut être à l'écoute de ses athlètes, mais cela n'en fait pas un psychologue pour autant.

Au fil des années, j'ai entendu de nombreux témoignages de jeunes sportifs ayant été aidés par un psychologue sportif. Leur approche, souvent fondée sur la mise en valeur des succès antérieurs et sur la pensée positive, a donné des résultats tangibles. Leurs conseils les ont aussi aidés à mieux gérer la pression. Voilà qui ne nuirait certainement pas à Bouchard.