Geoff Molson est sûrement un propriétaire d'équipe heureux. Depuis son arrivée aux commandes, le Canadien n'a jamais amorcé une nouvelle année sur des bases aussi solides.

Un bref retour en arrière le rappelle. En janvier 2012, l'organisation rapiéçait péniblement les morceaux après le tollé suscité par la nomination d'un entraîneur-chef incapable de parler français.

En janvier 2013, le lock-out retardait l'ouverture de la saison. Avec raison, les fans étaient en colère.

En janvier 2014, une série de défaites et un débat autour de l'utilisation de P.K. Subban ont suscité la controverse. Certains s'interrogeaient sur l'avenir de Michel Therrien à la barre de l'équipe.

En ce début de 2015, rien de semblable. Le ciel est tout bleu pour le CH. En lisant la section Affaires de La Presse, samedi dernier, Geoff Molson a même appris que la marque du Canadien était la plus renommée au Québec, selon quatre experts sondés par ma collègue Isabelle Massé.

Invités à dresser la liste des 20 entreprises jouissant de la réputation la plus enviable, ils ont tous placé le CH en tête de peloton. Les compliments ont été nombreux: «Une marque cohérente. [...] On communie avec elle [...], le DG Marc Bergevin, [l'une des images du club], est intelligent, il a une belle présence et une belle gueule...»

Dans ce palmarès, le Canadien a devancé le Mouvement Desjardins, Vidéotron, le Cirque du Soleil et les Rôtisseries St-Hubert. La loyauté des consommateurs envers la marque, sa pertinence et sa manière d'innover et de communiquer font partie des facteurs pris en compte.

Une équipe professionnelle rassemble forcément la communauté plus qu'une entreprise traditionnelle. Mais elle doit néanmoins exécuter sa stratégie avec adresse. Un seul faux pas, et le ressac est terrible, comme l'a appris Geoff Molson durant l'affaire Cunneyworth.

Quoi qu'il en soit, les bonnes nouvelles ne s'arrêtent pas là pour le CH. En novembre dernier, le magazine Forbes a estimé sa valeur à 1 milliard, une somme qui frappe l'imagination.

Lorsque Geoff Molson et ses partenaires ont acquis l'organisation en retour de 575 millions en 2009, il n'était pas évident que le pari serait payant. Aujourd'hui, plus personne ne doute du sens des affaires des nouveaux propriétaires, qui ont à l'évidence réussi un investissement fructueux.

Sous la nouvelle administration, le CH a élargi son rôle en matière de spectacles en intégrant l'Équipe Spectra à ses activités. Et il a pointé son nez dans l'immobilier en s'associant à la construction de la Tour des Canadiens, à côté du Centre Bell.

Bref, Geoff Molson a sûrement savouré son verre de champagne lorsque la nouvelle année est arrivée. Les choses vont si bien que même le Bye, Bye a épargné le CH! Ses scripteurs n'avaient aucune prise pour s'amuser aux dépens de l'organisation.

De toute façon, comme nous le savons tous, rien ne vaut, année après année après année, une bonne imitation de Céline...

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Sur le plan hockey, le Canadien connaît aussi un succès inattendu. Malgré sa participation à la demi-finale de la Coupe Stanley au printemps dernier, la présence de l'équipe parmi les meilleures au classement de la LNH à la mi-saison est étonnante.

Il faut le dire: le rebond de cette organisation après le désastre de la saison 2011-2012 est exceptionnel. Rappelez-vous: l'équipe a terminé au dernier rang de l'Association de l'Est. Oui, le dernier! Le Canadien était alors un des pires clubs du circuit, complètement dysfonctionnel.

Lorsqu'une équipe touche les bas-fonds dans le sport professionnel, il est très dur de s'en extirper.

Les changements de DG ou d'entraîneur ne relancent pas toujours la machine (bonjour aux Maple Leafs de Toronto), les hauts choix au repêchage ne produisent pas nécessairement les résultats espérés (bonne année aux Oilers d'Edmonton) et même l'arrivée d'un nouveau propriétaire aux poches pleines n'est pas synonyme de renouveau (salutations aux Sabres de Buffalo).

Avec le recul, il est facile d'avancer que le CH ne formait pas un si mauvais club lors de cette triste saison. Et que cette chute au classement représentait un accident de parcours lié à des erreurs bêtes de la direction.

La réalité est plus complexe. Il faut un leadership fort, couplé à un plan clair et solide, pour relancer une organisation ébranlée. Marc Bergevin y est parvenu. (En passant, n'oublions pas le rôle joué par Serge Savard dans l'embauche de Bergevin. Si l'équipe va si bien aujourd'hui, c'est aussi en raison du jugement sûr de l'ancien DG, qui a conseillé Geoff Molson dans ce dossier.)

Après ce calendrier de misère, Geoff Molson a écarté l'idée d'une reconstruction complète. Il voulait gagner tout de suite. En clair, pas question de sacrifier une ou deux saisons afin de rétablir la situation. Il avait raison. Un DG avec du flair, bien secondé par ses adjoints et des entraîneurs compétents, peut remettre le train sur les rails rapidement. Bergevin en fait la preuve.

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Au cours des dernières années, j'ai parfois été dur à l'endroit du Canadien. Mais je dois aussi reconnaître le travail accompli. L'équipe est sur une lancée prometteuse et, en raison de la jeunesse de ses piliers, il ne s'agira pas d'un feu de paille. Pourvu que Marc Bergevin joue toujours bien ses cartes. Car d'autres défis se présentent déjà à lui.

Tenez, les Penguins de Pittsburgh se sont améliorés en prévision des séries éliminatoires en obtenant David Perron. La concurrence est féroce dans la LNH, et les DG doivent être aux aguets.

N'empêche que l'année 2015 se présente sous des auspices favorables. Les reculs momentanés sont inévitables, mais l'avenir de l'organisation n'a pas été si prometteur depuis les belles années de Serge Savard.