Celle-là, personne ne l'a vraiment vue venir. C'était au printemps dernier, dans le grand hall de l'hôtel de ville de Montréal, où on annonçait la présentation de la 50e Coupe Vanier au stade Percival-Molson. Qui aurait alors imaginé que les Carabins de l'Université de Montréal seraient de la partie?

Bon, j'avoue, Denis Coderre en avait presque fait la prédiction. Au point que, quelques pas plus loin, l'entraîneur Danny Maciocia commençait à trouver que le maire, enthousiaste comme à son habitude en vantant les équipes de sa ville, plaçait la barre bien haut!

Car s'il est une chose que Maciocia a apprise au fil de ses années de coaching, c'est que les plus beaux plans ne se matérialisent pas toujours. C'est encore plus vrai si, pour atteindre son but, il faut renverser le Rouge et Or de l'Université Laval, véritable rouleau compresseur du football universitaire canadien.

Mais Maciocia sait aussi que la préparation, le travail rigoureux et l'approche mentale sont à la base du succès. Et c'est en plaçant ces principes à l'avant-plan de son projet sportif qu'il a conduit les Carabins à la finale de samedi contre les Marauders de l'Université McMaster.

Le match, qui sera présenté devant des gradins remplis, s'annonce comme une magnifique fête du sport. Quand les amateurs se familiarisent avec les noms du quart-arrière Gabriel Cousineau et du secondeur Byron Archambault, c'est signe d'un buzz évident!

Les Carabins seront à la recherche d'un premier titre canadien en football. S'ils échouent, Maciocia sera évidemment déçu. Mais pas catastrophé.

«Je travaille depuis vingt ans comme entraîneur, dit-il. Et je vis actuellement une expérience unique avec des jeunes qui sont une extension de ma famille. Je suis fier de les diriger. Et je fais partie d'un établissement qui partage mes valeurs.»

Pour Maciocia, cette participation à la Coupe Vanier prend tout son sens justement parce que ces «valeurs» ont été respectées. Et sans vouloir diminuer l'importance du match de samedi, il ajoute: «C'est probablement notre plus grande victoire.»

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Pour comprendre la signification des propos de Maciocia, un gars du quartier Saint-Léonard qui a déjà mené les Eskimos d'Edmonton à la conquête de la Coupe Grey, il faut retourner en novembre 2010, lorsqu'il a été approché pour prendre les rênes des Carabins.

«Ce jour-là, j'ai posé une question: comment veut-on gagner? Si on veut le faire avec des joueurs qui sont strictement des athlètes, qu'on gagne une Coupe Vanier mais qu'à la fin de l'année, 30 ou 40% de nos joueurs échouent à leurs cours, ce n'est pas une bonne façon.

«Je voulais gagner avec des étudiants-athlètes, en développant un esprit de famille. Je voulais des joueurs qui compétitionneraient tous les jours, sur le terrain et dans les salles de cours. Parce que la réalité, c'est que lorsque tu nous quittes, tu devras compétitionner sur le marché du travail.

«Dans mon esprit, lorsqu'un jeune décide de venir à l'Université de Montréal, ce n'est pas un choix de quatre ou cinq ans, mais un choix de vie. Mais quand on décide d'aller dans cette direction, ce n'est pas tout à fait facile. Je suis content que nous ayons choisi et gardé cette piste. Voilà mon message en parlant de notre plus grande victoire. Le match de samedi, c'est la cerise sur le gâteau.»

Le principal adjoint de Maciocia est Marco Iadeluca. Il est coordonnateur offensif et responsable de l'encadrement académique. Les deux hommes vérifient la présence de leurs joueurs aux séances de musculation, de course et... d'études! Si l'un d'eux rate celle où il doit se plonger dans ses livres mais est toujours présent pour lever des poids, un feu rouge s'allume. Il est vite contacté pour s'expliquer.

«On veut savoir s'il éprouve un ennui quelconque, explique Maciocia. A-t-il un problème à l'école ou à la maison? On veut éviter les surprises en fin de session. Notre mandat, c'est que les joueurs vivent une expérience incroyable sur le terrain et à l'extérieur du terrain. Ça signifie gagner des matchs et quitter l'Université avec, au minimum, un baccalauréat.»

Malgré les séries éliminatoires, les Carabins n'avaient rien changé à leur routine d'étudiants. Jusqu'à mercredi. Les responsables de l'Université, de Polytechnique et de HEC ont indiqué aux joueurs inscrits à leur programme qu'ils feraient preuve de tolérance pendant trois jours. Pas un de plus!

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Danny Maciocia comprend implicitement que son équipe est en train de se forger une place intéressante dans le paysage sportif montréalais.

«À mes deux premières années à l'Université, les gens me voyaient comme l'ancien coach des Eskimos ou l'ancien adjoint des Alouettes, dit-il. Aujourd'hui, ils savent que je dirige les Carabins. Depuis trois semaines, partout où je m'arrête, on souhaite bonne chance à notre équipe. Je suis content pour nos joueurs!»

Pour l'immense majorité d'entre eux, le séjour universitaire représente la dernière chance de goûter aux joies du football. Ils en sortiront avec de beaux souvenirs en tête. Et, plus important encore, un diplôme sous le bras. Ce jour-là, leur entraîneur sera le premier à les féliciter.

Salut, capitaine...

Entre journalistes, on surnommait Gilles Tremblay «capitaine». C'était lui le leader honoraire des membres des médias dans la couverture des matchs du Canadien.

Je l'ai rencontré pour la première fois il y a 30 ans, à mes débuts sur le «beat». J'ai tout de suite été charmé par sa simplicité et sa gentillesse. Gilles Tremblay était un gars en or et un réservoir intarissable d'anecdotes. Il aimait le hockey, bien sûr, mais savourait tous les beaux côtés de la vie.

Gilles a travaillé comme un forcené pour être à l'aise dans les médias électroniques. Il est devenu un analyste immensément respecté. Dans un pays où le hockey est une religion et où tous les amateurs ont des idées précises sur le rendement du Canadien, l'exploit est impressionnant.

Même si ses liens avec l'organisation étaient puissants - il avait porté les couleurs du CH avec fougue pendant tant d'années! -, ses propos n'étaient jamais partiaux. Il jetait un regard critique sur le rendement de l'équipe et demeurait toujours serein.

Gilles avait vite intégré une grande leçon du sport professionnel: les saisons sont longues et les retournements de situation, nombreux. Pas question de précipiter les jugements sans appel.

Gilles Tremblay était un extraordinaire compagnon. Ceux qui ont eu le bonheur de le côtoyer ne l'oublieront jamais.

Salut, capitaine...