Paul Beeston, le président des Blue Jays de Toronto, n'en fait pas mystère: «Nous sommes tous tombés en bas de nos chaises!», lance-t-il à propos du succès des deux matchs d'avant-saison de mars dernier, au Stade olympique.

Pour les dirigeants des ligues majeures, ces foules enthousiastes venues célébrer le retour du baseball à Montréal, 10 ans après le départ des Expos, ont constitué un électrochoc. Personne n'avait envisagé pareil engouement: 96 350 personnes ont franchi les tourniquets pour applaudir les Blue Jays dans une ville qui, selon l'opinion reçue, ne manifestait plus d'intérêt pour ce sport.

«Certaines équipes des majeures n'attirent pas autant de gens pour une série de trois ou quatre matchs, rappelle Beeston. Ici, c'était pour deux rencontres d'avant-saison!

«Les gens étaient présents, ils avaient acheté leurs billets. Et la saison du Canadien n'était pas terminée. C'est signe de l'intérêt des amateurs. Soyez sûrs que le baseball majeur en a pris bonne note. Aujourd'hui, les 60 joueurs et entraîneurs qui ont participé à ces matchs sont les meilleurs ambassadeurs de Montréal.»

Beeston, flanqué de son directeur général Alex Anthopoulos, était au Centre Bell, mardi midi pour confirmer la présentation de deux autres matchs préparatoires des Blue Jays au Stade olympique, les 3 et 4 avril prochains. Les visiteurs seront les Reds de Cincinnati, et l'événement est de nouveau organisé par evenko, la division spectacle du Canadien.

Paul Beeston et Jacques Aubé, le grand patron d'evenko, ne s'en cachent pas: la visite des Rays de Tampa Bay a été envisagée. La présence de cette équipe, dont les rumeurs de transfert à Montréal alimentent la chronique, aurait sûrement provoqué une ruée aux guichets. Mais ce projet n'a pas fonctionné.

Les amateurs québécois auraient eu une occasion en or de montrer au propriétaire des Rays, Stuart Sternberg, que Montréal représente une destination de choix s'il souhaite un jour déménager son équipe.

En revanche, les Reds alignent Joey Votto, l'un des meilleurs joueurs canadiens des majeures. Tony Perez, l'un des grands noms de leur histoire qui a aussi porté l'uniforme des Expos durant 3 saisons, sera honoré. Tout comme d'anciennes vedettes des Z'Amours.

Bref, ces deux rencontres s'annoncent comme une belle fête du baseball. Mais attention: gardons-nous de les réduire à une simple célébration. Au moment où beaucoup de Montréalais souhaitent le retour des Expos, ce rendez-vous constitue un test sérieux pour mesurer la viabilité du projet.

En clair, la pression pour que le Stade olympique soit de nouveau rempli est déjà énorme.

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Avant les deux matchs de mars dernier, Beeston espérait une foule globale de 50 000 personnes. Il s'agissait en quelque sorte de la note de passage. Si ce seuil était atteint, l'organisation répéterait sans doute l'expérience l'année suivante.

Ce chiffre fut doublé. Mais du coup, les attentes sont en hausse. Les dirigeants du baseball majeur auront les yeux braqués sur Montréal pour voir si 100 000 personnes se déplaceront de nouveau. La ville est devenue prisonnière de son succès.

Si une chute marquée du nombre de billets vendus survient, le ressac sera immédiat. Le bureau du commissaire en conclura que la surprise de mars dernier n'était qu'une simple manifestation de nostalgie envers les Expos, et non pas la marque d'un intérêt profond envers le baseball. Dans ce cas, la cote de Montréal chutera aussi vite qu'elle a grimpé.

Car il ne faut pas s'y tromper: en 8 mois à peine, Montréal a accompli des pas de géant afin de rétablir sa crédibilité dans le baseball majeur. Ce n'est pas un hasard si un journaliste new-yorkais bien branché comme Bill Madden, un agent de joueurs influent comme Scott Boras et un président d'équipe crédible comme Paul Beeston évoquent tous le retour possible des Expos.

L'appui de Beeston est déterminant. Sa longue carrière dans le baseball tire à sa fin. Depuis près de 40 ans, cet Ontarien travaille à l'essor du baseball au Canada. Mieux que quiconque, il sait à quel point le retour des Expos serait bon pour les Blue Jays.

La rivalité naturelle entre Montréal et Toronto créerait un extraordinaire intérêt, beaucoup plus prononcé qu'à l'époque où les Expos et les Blue Jays étaient confinés à leur propre ligue. Beeston évoque d'ailleurs cette possibilité avec une lueur au fond des yeux.

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Si Montréal retrouve un jour ses Expos, il faudra remercier Paul Beeston. Et peut-être aussi U2!

Ironiquement, le groupe irlandais influence sans le savoir la scène montréalaise du sport. En novembre 1997, un concert de U2 au Stade olympique a obligé les Alouettes à disputer un match éliminatoire au stade de l'Université McGill. Contre toute attente, le succès a été phénoménal. Et c'est sur la foi de cette réussite que l'équipe s'est installée à demeure sur le flanc du mont Royal.

Dans le dossier du retour des Expos, c'est l'extraordinaire retentissement des concerts de U2 sur les terrains de l'hippodrome en juillet 2011 qui est en cause. Le groupe evenko a réussi un tour de force en accueillant 162 000 spectateurs pour ces deux représentations.

Jacques Aubé est formel: ces shows ont constitué une exceptionnelle carte de visite pour l'entreprise. Et lorsque son équipe et lui ont proposé d'accueillir les Blue Jays au Stade olympique, Beeston a compris que les gens devant lui étaient sérieux.

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Denis Coderre a assisté à la conférence de presse. Rodger Brulotte, le maître de cérémonie, a affirmé avec raison que l'appui du maire est essentiel au rêve de ramener les Expos à Montréal. Sans soutien municipal, aucune chance de réussite.

Le maire de Montréal ne veut pas brûler les étapes. Pas question, dit-il, «de tirer sur la fleur pour la faire pousser plus vite», il faut plutôt franchir correctement les étapes. Et il ajoute: «Montréal est une ville de baseball également.»

Prochain test: les 3 et 4 avril 2015.