Saviez-vous qu'en 1983, les Expos s'étaient classés au troisième rang des 12 équipes de la Ligue nationale au chapitre des assistances?

À l'époque, le baseball faisait vibrer les amateurs de sport aux quatre coins du Québec. Les Z'Amours étaient immensément populaires. Le souvenir de cette époque dorée fait croire aux plus optimistes qu'une équipe des majeures connaîtrait de nouveau du succès à Montréal.

Oui, la facture serait colossale. Il faudrait investir dans une concession et construire un stade. Mais le nouveau modèle économique de l'industrie permettrait peut-être aux néo-Expos de boucler leur budget.

Ce scénario est-il réaliste? J'aimerais bien m'en convaincre, surtout à cette période de l'année où le baseball nous fait vivre des moments si excitants. Et le projet profitant d'un appui politique important, celui du maire Denis Coderre, on ne peut écarter cette possibilité d'un revers de main.

Mais même si, par miracle ou presque, le financement était trouvé, une question demeure: les Expos s'épanouiraient-ils à Montréal? Auraient-ils droit à leur place au soleil? Ou seraient-ils écrasés par l'extraordinaire emprise du Canadien sur le marché?

Cette question m'est venue en tête, la semaine dernière, à mon arrivée au tournoi de golf du CH. Même si aucune nouvelle importante n'était attendue, des dizaines de membres des médias étaient réunis à Laval-sur-le-Lac pour interviewer la direction et les joueurs. RDS et TVA Sports diffusaient des émissions spéciales en direct du club depuis l'heure du petit-déjeuner. Bref, la couverture était phénoménale.

Ce matin-là, le Canadien a annoncé que l'équipe n'aurait pas de capitaine en 2014-2015, mais plutôt quatre adjoints. Sur place, on aurait dit l'explosion d'une bombe!

La nouvelle, relayée par d'innombrables messages sur les médias sociaux, a fait le tour du Québec à une vitesse folle. Certaines annonces gouvernementales, dont l'impact sur la société est mille fois plus profond, ne profitent pas du dixième de cette couverture.

L'ouverture du camp d'entraînement du Canadien a ensuite fait la manchette. Les matchs intraéquipe ont même été présentés sur le web, avec description et analyse. À ce rythme, il n'est peut-être pas farfelu de croire qu'un jour, les droits sur la diffusion des entraînements feront l'objet d'une surenchère entre les chaînes de télé!

Loin de moi l'idée de blâmer les médias ou leurs artisans, dont je suis, pour cet état de fait. Manifestement, le public en redemande et la machine satisfait son appétit. Mais avouons que la caisse de résonance du Canadien n'a jamais retenti aussi fort.

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Pour réussir financièrement, les néo-Expos devraient maximiser leurs revenus en droits locaux de télévision et en recettes aux guichets (sièges et loges d'entreprises).

Mais RDS et TVA Sports ayant investi des centaines de millions pour diffuser les matchs du Canadien et de la LNH au cours des 12 prochaines années, quelle somme les Expos obtiendraient-ils? Un réseau accepterait-il de payer en moyenne 100 millions par saison, la somme récemment obtenue par les Phillies de Philadelphie, et qui représente un seuil acceptable aujourd'hui?

Pour cela, il faudrait que les cotes d'écoute soient au rendez-vous. Sinon, les entreprises ne verseraient pas le gros prix pour annoncer leurs produits durant les matchs. Mais dans cette ville folle de hockey, le baseball générerait-il assez d'attention?

Peut-on imaginer que les amateurs de sport transféreraient une partie de leur intérêt du Canadien aux Expos? Et qu'ils discuteraient des rebondissements de leur équipe de baseball avec la même passion? Et que les entreprises verseraient annuellement des dizaines de milliers de dollars pour réserver des sièges de choix?

Imaginons, par exemple, que les Expos connaissent une saison semblable à celle des Blue Jays de Toronto cette année. Grosso modo, l'équipe a été dans la course aux séries éliminatoires jusqu'à la mi-août.

Dans ce contexte, quelle place auraient occupé les Expos dans l'esprit des amateurs lors de la dernière ligne droite du calendrier? Le camp d'entraînement du Canadien, et peut-être même celui des recrues, aurait sans doute été plus suivi.

Le départ des Nordiques en 1995, suivi de la lente agonie des Expos, a laissé toute la place au Canadien au Québec. Pas mal pour une équipe qui ne comptait pas 10 000 abonnements saisonniers en 1999!

L'Impact et les Alouettes, avec des listes de paie inférieures au seul salaire de P.K. Subban cette saison, ne font pas compétition au CH. Cela n'empêche pas Joey Saputo d'espérer une plus grande couverture médiatique de son équipe, un souhait partagé par Ray Lalonde lorsqu'il était président des Alouettes.

Les dirigeants du Canadien ont saisi l'occasion après les déménagements des Nordiques et des Expos. Malgré des performances sportives souvent ordinaires, ils ont pris le contrôle absolu du territoire. Et exécuté avec rigueur leur plan de marketing.

Des événements annuels, comme la Coupe Rogers de tennis et le Grand Prix de Formule 1, mettent en valeur d'autres sports majeurs à Montréal. Mais rien ne vient à la cheville de la passion suscitée par le Canadien.

Suffit qu'un nouveau venu comme Pierre-Alexandre Parenteau s'illustre dans un entraînement glorifié surnommé «match intra-équipe» pour provoquer mille réactions.

Dans cette ville bleu-blanc-rouge, les Expos feraient face à un rude défi pour obtenir un impact digne d'un club des majeures et générer des revenus adéquats. Une fois le phénomène de nouveauté terminé, l'équipe devrait menacer pour le titre, saison après saison, pour s'imposer dans le paysage sportif.

La popularité du Canadien est devenue phénoménale. Au point où une nouvelle équipe de baseball majeur devrait compter sur de formidables assises financières pour réussir à Montréal.

Comme l'impression que les néo-Nordiques qui, de Québec, profiteraient de la rivalité avec le Canadien, auraient de meilleures chances de succès. Car à Montréal, le CH occupe une place prépondérante, parfois même excessive. Et ça ne semble pas sur le point de changer.