L'interminable feuilleton connaît enfin son dénouement. Après des mois de négociations, un accord assurant le maintien du Grand Prix du Canada à Montréal au cours des dix prochaines années sera annoncé ce matin.

Peu importe qu'on aime ou non la Formule 1, qu'on la trouve polluante ou élitiste, il s'agit d'une bonne nouvelle pour le Québec. Malgré ses défauts, la course renforce la présence de Montréal sur la scène internationale. Et dans ses meilleurs moments, elle lance avec succès la saison des festivals.

Ce renouvellement représente une occasion de relance exceptionnelle. Une fois que les signataires de l'entente se seront mutuellement félicités de leur bon travail, il serait bon qu'ils réfléchissent à l'avenir de l'événement et à leurs responsabilités envers le public.

Il faut d'abord souhaiter que la transparence la plus complète soit de mise à propos de ce nouveau contrat. Il n'existe aucune raison pour que ses tenants et aboutissants ne soient pas connus.

Ainsi, lorsque la Ville de Québec a signé un accord avec Québecor pour la gestion du nouvel amphithéâtre, le contrat a été dévoilé. Les contribuables ont été mis au courant des obligations et responsabilités des deux parties.

Dans leur entente précédente avec la Formule 1, les parties prenantes (les gouvernements du Québec et du Canada, Tourisme Montréal et la Ville de Montréal) touchaient des redevances sur les revenus de billetterie. Depuis 2010, celles-ci ont chuté de 25%, selon une compilation de La Presse publiée en avril dernier.

François Dumontier, le promoteur du Grand Prix, a expliqué que cela n'était pas le signe d'une désaffection du public, mais plutôt de l'ajout de dépenses admissibles avant le calcul final. Fort bien. Mais il n'existe aucune raison pour que ces clauses soient secrètes. D'autant que le nouveau gouvernement du Québec veut faire de la transparence une de ses cartes de visite.

Au cours des dix prochaines années, les pouvoirs publics verseront plus de 210 millions pour le maintien de la course. Le montant annuel remis à la Formule 1 sera toujours de 15 millions par année, mais avec un ajout substantiel par rapport à l'entente actuelle: une indexation de 4% par année, qui portera la facture globale à 180 millions.

À ce montant, ajoutons 35 millions pour la construction de nouvelles infrastructures ne servant qu'une seule fois par année, et construites pour répondre à une exigence de Bernie Ecclestone.

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On peut déjà être sûr d'une chose: la conférence de presse d'aujourd'hui sera à peine amorcée qu'un élu soulignera les retombées économiques du Grand Prix du Canada. Or, aucune étude rigoureuse n'existe à ce sujet.

En 2012, j'ai voulu savoir d'où venait le chiffre de 89 millions fréquemment cité. La réponse m'avait étonné. Il s'agissait de projections du ministère des Finances du Québec établies à partir des chiffres de Tourisme Montréal, eux-mêmes diffusés par le promoteur du Grand Prix et de «quelques infos sur les hôtels», m'avait-on expliqué.

À l'évidence, il ne s'agissait pas d'un travail approfondi. Ce qui n'empêche pas ce montant de circuler comme s'il s'agissait d'une vérité absolue.

Or, l'importance de mener des études d'impact économique crédibles est désormais un objectif du gouvernement. Plus tôt cette semaine, mes collègues de La Presse Affaires ont révélé qu'un guide méthodologique serait bientôt offert aux grands événements afin d'uniformiser la cueillette d'informations et de légitimer le processus.

En clair, les méthodes de calcul seront encadrées. Les festivals n'auront pas l'obligation de mener de telles études. Mais si elles réclament des fonds publics, ou cherchent des partenaires, elles auront avantage à le faire.

Le Grand Prix du Canada et ses partenaires publics, par souci de transparence, devraient prendre l'engagement de mener une enquête semblable.

L'image de l'événement devrait aussi être revue. Un exemple: le bal du jeudi précédant la course recueille des fonds versés à des causes méritoires, mais il renforce le caractère élitiste et inaccessible du Grand Prix. Un dépoussiérage s'impose.

François Dumontier aurait avantage à conclure un partenariat avec des spécialistes (il connaît très bien les gens d'evenko et de Québecor, par exemple) capables d'apporter des idées nouvelles.

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Ce nouvel accord s'accompagne d'une autre bonne nouvelle: la tenue d'une course dans la région de New York-New Jersey bat de l'aile. Si ce dossier avait abouti, Montréal se serait retrouvée avec une concurrente sérieuse dans sa zone géographique.

Cela dit, le Grand Prix ne suscite pas le même enthousiasme qu'à l'époque où Jacques Villeneuve faisait courir les foules. Aujourd'hui, seuls les passionnés écoutent en pleine nuit, ou très tôt le matin, les autres épreuves du calendrier.

La domination d'une écurie (Mercedes cette saison) ou d'un pilote (Sebastian Vettel de 2010 à 2013) enlève aussi du lustre à la compétition.

Pour le Grand Prix, le défi sera de maintenir, et même d'augmenter, l'intérêt du public au cours des dix prochaines années. Il s'agit d'un solide défi.

Voilà pourquoi le Grand Prix et ses partenaires publics devraient profiter de l'annonce d'aujourd'hui pour moderniser leur approche.