Avec moins de deux minutes à faire au match d'hier, le Canadien a demandé un temps d'arrêt.

Pendant que Michel Therrien et son groupe ébauchaient un dernier plan dans l'espoir de créer l'égalité, la mythique chanson de Frank Sinatra a rugi dans les haut-parleurs du Madison Square Garden: New York, New York...

À l'écran géant, on apercevait de spectaculaires images de l'Empire State Building. La foule, debout, était enthousiaste. Tous ces symboles parlaient fort: cette soirée était celle des Rangers et le beau conte de fées du Canadien serait bientôt terminé.

Oui, cette élimination est dommage. Des chances pareilles d'atteindre la finale de la Coupe Stanley se présentent si rarement dans le hockey d'aujourd'hui. Imaginez: le Canadien n'y a pas participé depuis 21 ans! Mais cette fois, malgré l'absence de Carey Price, l'objectif semblait à sa portée.

De manière incompréhensible, le Canadien a cependant disputé un match peu inspiré. L'équipe a amorcé la rencontre sur les talons et l'a terminée de la même façon.

«Nous avons eu un laisser-aller émotif après notre victoire contre les Bruins, lance Max Pacioretty. On a eu tellement de fun dans cette série. Et après avoir obtenu du succès contre une si bonne équipe, nous sommes peut-être devenus un peu trop contents de nous. C'est difficile de pointer exactement ce qui n'a pas fonctionné contre les Rangers. Mais il y a sans doute un peu de ça.»

Le gros ailier du Canadien est assis dans le petit vestiaire de l'équipe, une modeste salle où ses coéquipiers et lui s'expriment à voix basse. L'élimination fait mal. Les joueurs réalisent tous qu'une belle occasion vient d'être bousillée.

«Daniel Brière est un joueur clé en séries, ses statistiques le démontrent, poursuit Pacioretty. À son âge, il a encore marqué de gros buts pour nous ce printemps. Et il nous a rappelé deux ou trois fois l'importance de profiter de cette chance, parce qu'elle n'arrive pas souvent. Ç'aurait été bien de l'aider à gagner. Ça rend la défaite encore plus amère.»

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Max Pacioretty sait que le pointage de 1-0 n'illustre pas l'allure du match d'hier. «Sans Dustin Tokarski, les Rangers auraient pu gagner 5-0. Il a fait des arrêts extraordinaires. Le problème, c'est qu'on n'a pas menacé Henrik Lundqvist de la soirée. En troisième période, avec le dos contre le mur, on s'est éloignés de notre style, moi le premier, et je ne comprends pas vraiment pourquoi...»

Avec le recul, la série s'est clairement jouée au cours des deux premiers affrontements au Centre Bell. Pas en raison de la blessure de Carey Price, puisque Tokarski l'a magnifiquement remplacé.

«Au premier match, on n'était simplement pas là, explique Pacioretty. On a mieux joué au deuxième, mais on n'a pas gagné. C'est très dur de remporter une série après avoir perdu les deux premières rencontres à domicile...

Hélas, en séries éliminatoires, les relâchements sont durement sanctionnés. «Tous les matchs sont tellement importants. On s'est défoncés durant les deux premières séries, mais on a un peu ralenti contre les Rangers. Et on en paie le prix...», ajoute Pacioretty.

L'expérience du numéro 67 en séries se résumait à une poignée de matchs avant cette année. Comme les jeunes joueurs de l'équipe (Brendan Gallagher, Lars Eller et plusieurs autres...), il en retirera beaucoup au cours des prochaines saisons. Mais il sait aussi que le hockey est imprévisible et que se rendre aussi loin n'est pas acquis.

P.K. Subban tire le même constat. «Ce qu'on a appris? Tout simplement combien c'est dur de se rendre parmi les quatre équipes finalistes. On a eu besoin de beaucoup de sacs de glace...»

Malgré tout, le défenseur du Canadien, clairement le meilleur joueur de l'équipe en séries, a mentionné les aspects positifs de l'aventure des six dernières semaines. «Personne ne s'attendait à ce qu'on se qualifie pour les séries, encore moins qu'on fasse partie des quatre équipes finalistes. On a accompli de belles choses. Notre avenir est prometteur.»

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Oui, l'avenir est prometteur. Beaucoup plus qu'en 2010, la dernière fois où le Canadien a atteint la demi-finale de la Coupe Stanley. Cette équipe était bâtie dans l'espoir d'obtenir des résultats à court terme, ce qui n'est pas le cas de l'édition actuelle.

N'empêche qu'il ne faut rien tenir pour acquis. Le Canadien devra se renforcer sur plusieurs fronts pour de nouveau être candidat aux grands honneurs.

De leur côté, les Rangers peuvent être fiers d'eux. Ils ont clairement été les meilleurs dans ce sixième match. Et ils méritent pleinement la victoire.

En une seule année, Alain Vigneault a changé cette équipe pour le mieux. Ses joueurs patinent avec assurance et mettent en valeur leur grande vitesse. Cette équipe a un plan et le respecte à la lettre. Et si Henrik Lundqvist garde les buts comme il en est capable, il ne faudra pas les compter pour battus en finale, quels que soient leurs adversaires.

Il faut aussi se réjouir pour Martin St-Louis, qui a donné une formidable impulsion aux Rangers. Son leadership est une pierre angulaire de leurs succès. Ce serait agréable de le voir brandir la Coupe Stanley au bout de ses bras à la fin de la finale.

Aujourd'hui, les Rangers se reposeront. Les joueurs soigneront leurs petites blessures en attendant la finale.

De son côté, le Canadien fermera son vestiaire pour l'été. En pensant à cette occasion manquée. Une belle saison, certes. Mais la fin est dommage.

Oui, vraiment dommage.