À l'hôtel de ville de Montréal, Denis Coderre s'est installé dans l'ancien bureau de Jean Drapeau. Il aurait pu choisir une autre pièce. Pierre Bourque, par exemple, avait établi son quartier général ailleurs dans l'édifice.

Assis à sa table de réunion, le maire Coderre ne cache pas son émotion d'occuper cet espace où ont été prises tant de décisions importantes pour construire le Montréal moderne. Jean Drapeau a commis des erreurs, bien sûr, mais son empreinte sur la ville demeure forte. «Chaque fois que j'entre ici, c'est un moment émouvant, dit Denis Coderre. Je sens l'histoire et le patrimoine qui s'y rattachent.»

Pour le nouveau maire de Montréal, Jean Drapeau est une inspiration. Sous son règne, Montréal a notamment réussi deux coups sensationnels dans le domaine du sport: la présentation des Jeux olympiques de 1976 et l'octroi d'une concession des ligues majeures de baseball, la première à l'extérieur des États-Unis.

Denis Coderre avait 5 ans lorsque les Expos ont disputé le premier match de leur histoire, en 1969. Il est vite devenu un fan de baseball, une passion qui a survécu au départ des Expos, en 2004. Tenez: l'automne dernier, il a même assisté au dernier match du releveur Mariano Rivera dans l'uniforme des Yankees, à New York.

Jeudi, entre deux réunions, M. Coderre demandait à ses 136 000 abonnés Twitter s'ils avaient acheté leur billet pour les matchs entre les Blue Jays de Toronto et les Mets de New York, vendredi et samedi, au Stade olympique. Lui-même sera évidemment présent. «Le ti-cul en moi est heureux!», dit-il, à propos de ce bref retour des ligues majeures à Montréal.

Dans les souvenirs d'enfance de Denis Coderre, les matchs des Expos au parc Jarry occupent une place de choix. Ils reviennent en force chaque été lorsqu'il assiste, au même endroit, aux Internationaux de tennis au stade Uniprix. Sourire aux lèvres, il rappelle les premières vedettes des Expos: Coco Laboy, Bob Bailey, Le Grand Orange...

«J'ai toujours trippé sur le baseball. Tu as vu le film Un été sans point ni coup sûr? C'est venu me chercher. J'ai vécu ça, moi. On écoutait les matchs des Expos sur une radio transistor durant les cours et on se faisait chicaner... Comme si on avait inventé le walkman avant le temps.»

Des années plus tard, membre de la Chambre des communes, Denis Coderre a rendu hommage à Gary Carter après la mort de l'ancien receveur des Expos. «C'est un de mes moments les plus émouvants comme député», affirme-t-il.

Pourquoi vous raconter tout ça? Simplement pour illustrer à quel point Denis Coderre éprouve une passion dévorante pour le baseball. Pour les amateurs rêvant du retour des Expos, il s'agit d'une excellente nouvelle. Car sans l'appui de son premier citoyen, une ville ne peut espérer obtenir une équipe de sport professionnel majeur.

L'exemple du hockey est probant. En 1995, Jean-Paul L'Allier, le maire de Québec, ne croyait pas, pour plusieurs excellentes raisons, au maintien des Nordiques. Les propriétaires de l'équipe ont ainsi été privés d'un appui essentiel dans leur demande d'obtenir un nouveau Colisée.

Quinze ans plus tard, Régis Labeaume a mis tout son poids politique derrière le projet de nouvel amphithéâtre. Sans ses efforts, on ne parlerait pas de Québec comme d'une candidate sérieuse à l'obtention d'une concession de la LNH.

Bref, dans un dossier semblable, le maire est un acteur indispensable. Et Denis Coderre aimerait revoir les Z'Amours. «On est une ville de baseball, dit-il. Je veux travailler pour le retour. Mais on le fera de façon responsable.»

En collaboration avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le groupe de Warren Cromartie a commandé des études afin d'examiner la question. Denis Coderre a rencontré ses auteurs. «Du travail bien fait», évalue-t-il.

Sur le plan économique, le maire croit le marché de Montréal assez vigoureux pour soutenir une équipe. Il rappelle les 135 sièges sociaux établis en ville. «Le secteur privé doit embarquer», ajoute-t-il.

La construction d'un nouveau stade au centre-ville et l'obtention d'une concession coûteraient plus d'un milliard de dollars. C'est énorme.

Mais Denis Coderre croit que le modèle financier du baseball majeur, avec ses immenses revenus de télévision nationale, est plus intéressant que jadis. Et il n'est pas insensible au retentissement d'une équipe des majeures pour l'image de Montréal en Amérique du Nord: «C'est une vitrine supplémentaire...»

Mais avant d'aller plus loin, M. Coderre rappelle l'importance de «mesurer la volonté» des différents intervenants. «Le rôle du maire est d'aligner les planètes, explique-t-il. Je veux être à l'écoute des financiers potentiels.»

Au fond, Denis Coderre rêve de soutenir les efforts de gens d'affaires qui seraient intéressés par l'aventure. La réussite du projet passe évidemment par l'engagement du secteur privé. «On a besoin de s'assurer que des grands de ce monde à Montréal veuillent investir», dit-il.

Plus de 80 000 personnes franchiront les tourniquets du Stade olympique vendredi et samedi. C'est un chiffre étonnant. Les Blue Jays auraient été très heureux d'en attirer 50 000. La réponse des amateurs a été au-delà des attentes.

Pour tous les gens qui espèrent le retour des Expos, le signal est bienvenu. Mais évitons de nous emballer trop vite. Denis Coderre aime bien rappeler cette phrase de Jean Drapeau: «Un projet, c'est 10 % d'inspiration et 90 % de transpiration.»

Ce principe s'applique bien au dossier des Expos qui, pour l'instant, est davantage un rêve qu'un projet concret. Ce sera le cas aussi longtemps que des poids lourds de la communauté des affaires ne s'impliqueront pas sérieusement. Il n'empêche que la présence d'un maire fou de baseball est un atout.