Les joueurs du Canadien et les partisans de l'équipe n'en croyaient pas leurs oreilles lorsque la nouvelle a été annoncée.

Accueillir un attaquant doué, âgé d'une trentaine d'années et payé environ 7 millions par saison est un exploit pour un directeur général. Surtout en raison de la compensation versée: un espoir à l'avenir incertain et un choix de deuxième tour au repêchage. Ce n'est pas cher payé pour un ailier étoile.

Le capitaine du Canadien a résumé l'impression générale après la transaction: «On a tous été étonnés par la nouvelle. Disons que c'est une heureuse surprise!»

Non, le capitaine qui s'est exprimé en ces termes n'est pas Brian Gionta commentant le passage de Thomas Vanek au Canadien. C'est plutôt Saku Koivu, en 2004, après que Bob Gainey eut acquis Alexei Kovalev des Rangers de New York.

Dix ans plus tard, les similitudes entre les deux transactions sont frappantes. Kovalev avait 31 ans à son arrivée avec le Canadien, Vanek en a 30. Kovalev gagnait 6,6 millions par saison, Vanek, 7,1 millions. Gainey avait cédé un espoir, Jozef Balej, et un choix de deuxième ronde aux Rangers, Bergevin a payé un prix semblable.

Comme Vanek, Kovalev était un joueur de location s'apprêtant à profiter de sa pleine autonomie. Ses débuts avec le Canadien furent difficiles, mais Gainey a continué de lui faire confiance. Avant le premier tour éliminatoire, où les Bruins étaient favoris face au Canadien, le DG avait dit, de son débit lent et grave: «Si je suis les Bruins, je ne suis pas content de jouer contre Alex Kovalev.»

Les événements donnèrent raison à Gainey. Le Canadien élimina les Bruins en sept matchs, notamment grâce aux exploits du nouveau numéro 27.

Vanek, lui, s'est mis en marche plus tôt. Mardi, ses trois buts contre l'Avalanche du Colorado ont conduit le Canadien à une victoire significative. Après un séjour difficile dans l'Ouest au début du mois, où les meilleures équipes de cette association ont souvent semblé trop fortes pour lui, renverser la vapeur contre un adversaire de qualité était bienvenu.

Vanek a montré qu'il avait du caractère en fin de match. Au début d'un avantage numérique du Canadien, les patins vissés devant le filet de Jean-Sébastien Giguère, il a reçu un boulet d'Andrei Markov sur la cuisse. La douleur l'a fait retraiter vers le banc.

Peu après, Vanek est retourné sur la patinoire et s'est de nouveau planté devant Giguère. Alexei Emelin a dirigé à son tour un puissant tir à la même hauteur. Cette fois, Vanek l'a fait dévier derrière le gardien et a complété son tour du chapeau.

«Je suis à mon aise devant le filet adverse, a-t-il dit après le match. C'est un endroit où je connais du succès et je ne l'éviterai pas.»

Pendant que Vanek répondait aux questions des journalistes, Michel Lacroix, l'annonceur maison du Centre Bell, lui a remis les rondelles de ses buts, chacune étiquetée par un ruban gommé. L'attention a fait plaisir au héros du jour. Sourire aux lèvres, il a pris la pose pour quelques photos avant de poursuivre l'entretien. Ce qui a permis de constater son sens de la repartie.

Lorsqu'un collègue lui a fait remarquer que peu de chapeaux ou casquettes avaient été lancés sur la patinoire après son troisième but, il a lancé: «Je comprends les gens de les garder, il fait plutôt froid dehors...»

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Comment Marc Bergevin s'y est-il pris pour arracher Vanek aux Islanders de New York sous le nez des autres équipes intéressées?

Le Canadien avait un atout dans son sac. Bergevin s'était en effet ménagé une marge de manoeuvre sous le plafond salarial, ce qui n'était pas le cas de toutes les équipes. Il n'était pas coincé au point de demander aux Islanders d'assumer une partie du salaire qu'ils devaient encore à Vanek.

Au bout du compte, le Canadien assumera aux fins du plafond salarial 1,1 million du salaire de Vanek en 2013-2014, les Islanders, 3,8 millions et les Sabres, qui devaient verser 19,5% de son salaire après l'avoir échangé aux Islanders, 2,1 millions.

Bergevin est aussi arrivé au bon moment avec son offre. La transaction a été conclue peu avant l'heure limite. Les Islanders, sans doute trop gourmands au cours des heures précédentes, devaient agir.

Ce n'est pas la première fois que le DG du Canadien s'illustre en réalisant une transaction. En février 2013, il a refilé Erik Cole et son lourd contrat valide jusqu'en 2015 aux Stars de Dallas.

Pour un DG d'une équipe riche comme le Canadien, capable de dépenser au maximum, une gestion fine du plafond salarial est essentielle.

Bergevin a posé un autre geste intéressant le 5 mars dernier en obtenant à très bas prix le gardien Devan Dubnyk de Nashville. Il s'agissait d'une police d'assurance au cas où Carey Price aurait dû s'absenter plus longtemps que prévu.

Le salaire de Dubnyk est de 3,5 millions. En l'échangeant à Nashville plus tôt cette saison, les Oilers d'Emonton sont demeurés responsables de 50% du montant. Et en le troquant au Canadien, les Predators ont aussi coupé la poire en deux. En clair, le Canadien versera à Dubnyk l'équivalent de 25% de son salaire.

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Alors, jusqu'où pourra-t-on pousser les comparaisons entre Thomas Vanek et Alexei Kovalev? Celui-ci, rappelez-vous, avait signé un nouveau contrat de quatre ans avec le Canadien. Dans le cas de Vanek, rien n'est moins sûr.

Mais, pour paraphraser Bob Gainey à propos de Kovalev en 2004, les adversaires du Canadien lors des prochaines séries ne seront sûrement pas contents de jouer contre Thomas Vanek.