Non, les chambres d'hôtel ne sont pas prêtes à accueillir tous les visiteurs, comme je l'ai constaté à mon arrivée à Sotchi, hier.

La situation est gênante pour les organisateurs russes qui, malgré les 51 milliards investis dans l'aventure olympique, n'ont pas réussi à livrer l'ensemble des installations à temps.

Fallait voir le regard embarrassé de la préposée du complexe où je loge, hier, lorsqu'elle m'a annoncé que ma chambre ne serait pas prête avant quelques heures. «Mais nous allons vous offrir le lunch...», a-t-elle ajouté.

Sur le plan de l'image, ce n'est pas le départ espéré pour le pays hôte. Mais ces retards dans la finition des édifices, malgré leur absurdité, représentent un problème secondaire. Le véritable défi pour les autorités, c'est de garantir un environnement sécuritaire pendant toute la durée des Jeux.

Les menaces terroristes proférées par des islamistes du Caucase, combinées aux attentats de Volgograd en décembre dernier et à l'instabilité politique de la région, créent une tension évidente. Des athlètes, notamment plusieurs joueurs de la Ligue nationale de hockey, ont déconseillé à leurs proches de les accompagner à Sotchi.

Ce n'est pas le cas de Marianne St-Gelais. Ses parents, ses deux soeurs, son frère et son beau-frère viendront l'encourager la semaine prochaine.

«Je n'ai jamais eu d'inquiétudes pour moi, dit-elle. Dans la bulle olympique, ce serait surprenant que quelque chose survienne. Mais au début, j'avais un souci pour ma famille. Je ne savais même pas si les bateaux de croisière sur lesquels ils demeureront étaient sécuritaires. Mais un monsieur de la GRC nous a rassurés.»

Marianne St-Gelais, la révélation des Jeux de 2010 en patinage de vitesse sur courte piste, souhaitait cet appui de sa famille.

«À Vancouver, seuls mes parents et ma soeur aînée étaient venus. Les plus jeunes ont été super déçus de ne pas être là. On s'est alors fait la promesse que si j'allais à Sotchi, tout le monde m'accompagnerait. C'est important pour moi qu'ils soient là. Mon bien-être et mon plaisir passent par ma famille.»

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Si des attentats ont marqué les Jeux de Munich en 1972 et d'Atlanta en 1996, c'est la première fois que des terroristes annoncent leur intention de s'en prendre aux Jeux avant la cérémonie d'ouverture.

Dans ce contexte préoccupant, plusieurs pays ont pris des mesures pour protéger leurs athlètes et les membres de leurs familles si le pire survenait à Sotchi. Le Canada est de ceux-là.

«Nous sommes préparés», explique Marcel Aubut, président du Comité olympique canadien (COC). «Nous avons mis sur pied un comité de crise et établi un protocole précis au cas où on devrait réagir rapidement. Nous avons même simulé des situations afin de vérifier le bon fonctionnement de nos procédés.»

En cas de danger, la capacité des responsables canadiens de communiquer entre eux, et avec l'ambassade du pays à Moscou, deviendrait essentielle. Voilà pourquoi le COC a prévu une solution de rechange par satellite si le réseau cellulaire était suspendu. À l'image des États-Unis, le Canada a aussi mis sur pied un système d'évacuation d'urgence. Par voie des airs si possible, mais par mer au besoin.

Marcel Aubut ne veut pas donner tous les détails du plan. Mais il ajoute: «Ça ne pourra jamais être parfait. Mais on a mis toutes les chances de notre côté.»

Des policiers de la GRC sont aussi présents à Sotchi. Il ne s'agit cependant pas d'une mesure exceptionnelle, leur nombre étant semblable à celui des Jeux de Londres.

Cela dit, Marcel Aubut croit que les Jeux se dérouleront sans anicroche. «Il y aura tellement de sécurité...»

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La grande région de Sotchi regorge en effet de policiers et de soldats. Près de 100 000 personnes seraient affectées à la tâche de surveiller les Jeux. Et le nombre d'athlètes, vous demandez? Environ 3000...

Mais dans le pôle olympique côtier, qui regroupe tous les amphithéâtres à l'intérieur d'un périmètre réduit, les déplacements demeurent faciles. Une fois à l'intérieur de cette zone très sécurisée, il est facile de marcher librement d'un endroit à l'autre.

Olivier Jean, lui aussi membre de l'équipe de patinage de vitesse courte piste, apprécie cette configuration des lieux: «Cela rend la sécurité moins omniprésente. On peut se déplacer en vélo et on se contente de vérifier notre accréditation à l'entrée des sites. Les gens sont souriants et ça se déroule bien.»

Il n'en reste pas moins que l'ambiance n'est pas aussi sereine qu'à Londres, en 2012, où la sécurité était pourtant très marquée. Et il en sera assurément ainsi jusqu'à la fin des Jeux.

Atteindre Sotchi

L'Airbus d'Aeroflot était prêt à s'envoler vers Sotchi, mardi soir, lorsque le pilote a redirigé l'appareil vers l'aérogare. À Francfort, où je faisais escale en compagnie de mes collègues Simon Drouin, Gabriel Béland et Bernard Brault, aucun avion ne décolle après 23h, une échéance manquée de quelques minutes. Cela a valu aux passagers de cet avion bondé une nuit non prévue en Allemagne.

Nous sommes finalement arrivés à Sotchi avec sept heures de retard sur l'horaire. Les formalités ont heureusement été expédiées dans un délai raisonnable. Et l'accueil a été plutôt chaleureux.

Des centaines de jeunes occupent des rôles dans l'organisation. Et si vous faites l'effort de les saluer dans leur langue, ils vous remercient d'un sourire amical.

Le Choeur de Sibérie

À la tombée du jour, hier, le Comité olympique canadien a procédé à la levée du drapeau canadien dans une sympathique cérémonie tenue à l'extérieur. Des dizaines d'athlètes étaient présents, et les autorités russes leur ont souhaité bonne chance.

En plus de l'hymne national du Canada, le volet musical a compris deux chansons du groupe Le Choeur de Sibérie. Leur interprétation ne passera pas à l'histoire (de la pop quelconque), mais leur nom reste dans la mémoire.

Pas la même vérité...

Pour les Américains, les Jeux d'hiver de Lake Placid, en 1980, représentent un haut fait de leur histoire sportive. Leur équipe de hockey, composée de joueurs collégiaux, a en effet vaincu la puissante machine soviétique avant de remporter la médaille d'or. C'est le fameux «Miracle on Ice», qui a même inspiré un film.

Le regard que les Russes jettent sur ces Jeux est bien différent. Dans le magazine d'Aeroflot, on les décrit ainsi:

«Ces Jeux ont été parmi les plus mal organisés de l'histoire. Plusieurs stades n'étaient pas complétés, et les athlètes furent logés dans un édifice plus tard transformé en prison. Les Américains ont utilisé ces Jeux comme élément de propagande en appui au boycottage des Jeux d'été de Moscou présentés la même année. Malgré le rude climat psychologique, les athlètes soviétiques livrèrent de très bonnes performances.»

Conclusion: la vérité de l'un n'est pas toujours celle de l'autre.