Faut-il s'étonner du dérapage survenu samedi dernier lors du match entre les Flames de Calgary et les Canucks de Vancouver?

Doit-on se surprendre de cette bagarre impliquant dix joueurs dès la mise en jeu initiale? Et de cette tentative burlesque de John Tortorella, l'entraîneur des Canucks, de régler ses comptes à la porte du vestiaire des Flames après la première période?

La réponse à ces questions est malheureusement claire: non, pas du tout. En acceptant les combats, en punissant modestement les coups salauds et en traitant chaque écart de conduite comme un malheureux cas isolé, la LNH encourage cette culture antisportive.

«On fait fausse route, dit Serge Savard. Le hockey est le seul sport professionnel qui permet les bagarres. Est-ce le message qu'on veut projeter socialement? Il y a quelque chose de pas correct dans cette façon de penser.»

Savard, qui a remporté huit fois la Coupe Stanley comme joueur et deux fois comme directeur général, a toujours le hockey dans le sang. Durant toute sa carrière, il a défendu une conception du sport fondée sur le respect de l'adversaire. À la fin des années 70, il a lancé la Ligue collégiale AAA pour offrir une solution de rechange aux débordements qui définissaient trop souvent le hockey junior.

Aujourd'hui, Savard déplore le laxisme de Gary Bettman et des propriétaires d'équipe, qui refusent d'adopter des mesures énergiques pour stopper ces comportements absurdes et dangereux.

«C'est comme si on ne comprenait pas le danger des commotions cérébrales, ajoute-t-il. C'est pourtant grave lorsque le cerveau est atteint. La poursuite des anciens joueurs de la Ligue nationale de football constitue un avertissement sérieux. La juge au dossier n'est même plus certaine si la compensation de 765 millions promise par la NFL sera suffisante pour indemniser tous les joueurs touchés...»

Dans ce contexte où aucun dirigeant sportif ne peut ignorer les conséquences des commotions cérébrales, Savard estime que la LNH doit agir. «Pourquoi attendre? Parce qu'on remplit nos coffres?»

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En 1976, le Canadien a remporté la Coupe Stanley et stoppé le règne des Flyers de Philadelphie, une équipe brutale. Savard a alors déclaré qu'il s'agissait d'une grande victoire pour le hockey. «Leur manière d'agir s'était répandue dans tout le hockey, rappelle-t-il. Ça se battait dans les arénas le dimanche matin, même au niveau mineur.»

Cette flambée de violence, Savard l'explique en grande partie par «l'expansion à outrance» qui a caractérisé l'époque. À la fin de la saison 1966-1967, six formations composaient la LNH. À peine huit ans plus tard, la LNH et sa nouvelle concurrente, l'Association mondiale de hockey, comptaient conjointement 32 équipes.

«La LNH avait besoin de nouveaux joueurs, dit Savard. Et comme les Américains et les Européens étaient rares dans la ligue, on s'est retrouvé avec des gars qui n'auraient pas dû être là.»

Ce rappel historique aide à comprendre pourquoi le jeu est alors devenu si agressif. Aujourd'hui, ajoute Savard, le hockey international produit assez de bons joueurs pour alimenter la LNH. Les bagarreurs n'ont plus leur place. Et les joueurs doivent se respecter davantage sur la patinoire.

«Un accident, ça arrive, dit-il. Mais il n'existe aucune raison de les provoquer en frappant par-derrière. Combien de joueurs aurais-je pu blesser en agissant ainsi durant ma carrière? Mais je n'ai jamais eu le réflexe d'agir de cette façon.»

Savard n'est pas impressionné par les déclarations des dirigeants de la LNH, qui répètent que le nombre de bagarres est en diminution.

«S'ils regardent ça comme le déficit d'un pays qu'on réduit lentement jusqu'à l'atteinte de l'équilibre budgétaire, c'est un choix. Mais s'ils peuvent arriver à l'équilibre tout de suite, pourquoi ne pas le faire? Le problème, c'est que Gary Bettman a lui-même affirmé que les bagarres faisaient partie intégrante du hockey. Si on avait une volonté d'agir, si on instaurait une politique de tolérance zéro, l'effet serait immédiat.»

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Serge Savard n'a jamais caché son opposition à la violence au hockey. S'il évoque de nouveau cette question, c'est parce qu'il refuse que les partisans du statu quo soient les seuls à s'exprimer.

En octobre dernier, Brian Burke a publié une lettre ouverte dans le USA Today en appui aux bagarres. Président des opérations hockey des Flames de Calgary, Burke en mène très large dans les affaires de la LNH et n'hésite jamais à défendre sa conception du sport.

Pendant que Burke exploite toutes les tribunes pour défendre son point de vue, les opposants sont plus discrets. Seuls les directeurs généraux de quatre équipes ont affirmé qu'il était temps d'interdire cette facette du jeu. «Ils le font un peu du bout des lèvres, analyse Savard. Tu n'as pas le droit d'être dissident.»

À Montréal, les dirigeants du Canadien demeurent dans le rang. Pas question de bousculer la LNH ou Gary Bettman.

«J'ai de bonnes relations avec Geoff Molson, dit Savard. Mais lorsqu'il affirme ne pouvoir changer ça à lui seul, il se rallie à la politique de la ligue.»

Savard reconnaît que cette attitude est «correcte en soi» puisque le Bureau des gouverneurs est semblable à un conseil des ministres, où la solidarité est essentielle. Mais il aimerait que l'organisation affiche du leadership dans ce dossier, ce qui ne semble aucunement dans ses intentions.

Il faudra malheureusement de nouveaux incidents violents et d'autres commotions cérébrales avant que les dirigeants du hockey saisissent les conséquences de leur inaction. L'été dernier, par exemple, le Canadien a embauché George Parros, qui ne rend pas de services à l'équipe sur la patinoire. Mais il a déjà subi, hélas, deux commotions cérébrales durant des bagarres.

Même si la LNH semble imperméable aux critiques, Savard veut garder espoir. Après tout, l'accrochage excessif a été circonscrit au fil des années. «Mais il a fallu beaucoup de temps avant d'en arriver là...», rappelle-t-il.

Ce ne sera pas différent cette fois-ci. Et il y aura malheureusement d'autres scènes insensées sur les patinoires de la LNH.

Nouvelle présidente à Tennis Canada

Durant ses neuf années à la présidence de Tennis Canada, Michael Downey a transformé l'organisme. Ses initiatives expliquent en partie les succès de Milos Raonic, Vasek Pospisil et Eugenie Bouchard.

Sous sa gouverne, Tennis Canada est devenu une entreprise efficace, générant des revenus appréciables et investissant dans le développement des joueurs. L'automne dernier, Downey a été nommé grand patron du tennis en Angleterre.

Pour lui succéder, Tennis Canada a choisi Kelly Murumets, jusque-là présidente de ParticipAction. Sa nomination a été annoncée hier à Montréal. «Je crois au pouvoir du sport pour rendre nos enfants plus forts, plus en santé et plus heureux», a-t-elle déclaré.

Le mandat de Mme Murumets sera de poursuivre le travail amorcé par Downey, notamment sur le plan de la récolte de fonds, le nerf de la guerre dans le sport d'aujourd'hui.