En juillet 2012, Michael Weiner a ressenti un malaise dans son corps. Il a consulté un médecin. Un mois plus tard, le verdict est tombé: tumeur au cerveau. Inopérable.

Jeudi, Weiner est mort à l'âge de 51 ans, laissant dans le deuil son épouse et ses trois filles. Même si la nouvelle était attendue - sa dernière sortie publique, en juillet dernier, n'avait laissé aucun doute sur son état -, elle a créé un choc. Parce que Weiner était universellement apprécié dans le monde du baseball.

Pourtant, son rôle aurait pu lui valoir de l'inimitié. Weiner était en effet le patron de l'Association des joueurs. Mais le respect dont il jouissait témoigne de ses qualités humaines et professionnelles.

En 2011, sans acrimonie, la convention collective du baseball majeur a été renouvelée pour cinq ans. Un enjeu crucial, les tests de dopage, a été résolu de manière avant-gardiste. Sous le leadership de Weiner, les joueurs ont accepté de les renforcer, conscients que leur crédibilité était en jeu.

Ces négociations paisibles ont offert un contraste saisissant avec la tourmente survenue, presque au même moment, dans les trois autres grandes ligues.

De longs lockouts ont été déclenchés dans la NFL, la NBA et la LNH. Et si le football a sauvé la totalité de sa saison, ce ne fut pas le cas du basket et du hockey. Ces deux sports ont été victimes de leur culture d'affrontement, qui les a empêchés de s'entendre sans se déchirer et écoeurer les fans.

Il y a 20 ans, qui aurait pensé que le baseball deviendrait un modèle de relations de travail? De Montréal, où nous avons assisté, impuissants, au conflit ayant stoppé la saison magique des Expos en 1994, ce déblocage est encore plus étonnant.

La paix industrielle dans le baseball dure depuis 1995. À l'automne 2016, lorsque la convention collective prendra fin, il y aura plus de 20 ans qu'aucun match n'aura été annulé en raison d'une grève ou d'un lockout.

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Michael Weiner n'a pas été étranger à ce retournement de situation. En plus de diriger les pourparlers de 2011, il a été le principal négociateur des joueurs en 2002 et 2006.

Ses succès marquent la fin d'une période charnière dans l'histoire du sport professionnel: le rééquilibrage des forces entre les propriétaires et les joueurs, amorcé il y a 40 ans.

Beaucoup d'anciens joueurs se souviennent de l'époque où les proprios gouvernaient sans partage, cachant les informations financières et profitant de clauses outrancières pour attacher les joueurs à leur équipe durant toute leur carrière.

Combien d'argent Maurice Richard et Gordie Howe auraient-ils touché, par exemple, si le statut de joueur autonome avait existé dans leur temps? Le jour où les joueurs se sont regroupés au sein d'un syndicat, les choses ont commencé à changer.

L'impact des tribunaux a aussi été déterminant. Au hockey, la décision de Leon Higginbotham, juge à la Cour fédérale de Pennsylvanie, a jeté les bases du système en place aujourd'hui. En 1972, il a autorisé Bobby Hull à quitter les Blackhawks de Chicago pour les Jets de Winnipeg, de la nouvelle Association mondiale de hockey.

Clarence Campbell, alors président de la LNH, soutenait que la clause de réserve liait Hull aux Blackhawks pour toujours. Les équipes pouvaient unilatéralement renouveler le contrat d'un joueur, même si celui-ci était insatisfait de l'offre.

Higginbotham qualifia cette clause de «conspiration». Sa décision permit à l'AMH de prendre son envol et aux joueurs de profiter de la surenchère entre les deux circuits. Les salaires bondirent.

Trois ans plus tard, au baseball majeur, les joueurs déposèrent un grief pour obtenir le droit à l'autonomie. Le lanceur Andy Messersmith n'avait pas renouvelé son contrat avec les Dodgers, ceux-ci refusant de lui accorder une clause de non-échange.

L'arbitre au dossier, Peter Seitz, donna raison à Messersmith. Ce jour-là, le 23 décembre 1975, le baseball changea à jamais.

Dans ses mémoires, Marvin Miller, l'ancien directeur de l'Association des joueurs, rappelle la prédiction de Walter Alston, le gérant des Dodgers, avant la décision de l'arbitre: «Si Messersmith devient joueur autonome, le baseball est mort.»

Aujourd'hui encore, les recours juridiques jouent un rôle essentiel dans l'évolution du sport professionnel.

Un exemple: dans la NFL, des milliers d'anciens joueurs ont poursuivi le circuit, accusant ses dirigeants de les avoir gardés dans l'ignorance des dangers des commotions cérébrales.

En août dernier, ils ont reçu une compensation de 765 millions dans le cadre d'un règlement à l'amiable. Et la ligue a adopté des mesures pour réduire les risques de commotions.

Dans la LNH, le recours déposé par la famille de Derek Boogaard, ce dur à cuire mort d'une overdose de médicaments antidouleurs, pourrait un jour forcer la LNH à une réflexion en profondeur.

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Si Michael Weiner a contribué à préserver la paix dans le baseball, c'est parce que le modèle économique en place satisfait enfin les deux parties.

On peut croire qu'après les récents lockouts, c'est la même chose au hockey, au basketball et au football. Après 40 ans de tiraillements, marqués par des excès de part et d'autre, un équilibre semble avoir été trouvé dans le sport professionnel.

Là où Weiner fait figure de précurseur, c'est dans son approche des négociations. Il a choisi le dialogue et le partenariat. Bud Selig, le commissaire du baseball, a eu la finesse de le suivre. Ça ressemble au début d'une nouvelle époque.

Weiner est mort trop jeune. Mais il laisse un formidable héritage, qui devrait inspirer les dirigeants patronaux et syndicaux de tous les sports professionnels.

Sources: Associated Press, The New York Times, Mémoires de Marvin Miller