De la rue Sherbrooke, on aperçoit la bannière au sommet du stade Saputo: «Devenez membre en 2014».

Pour la direction de l'Impact, cette phrase représente plus qu'un simple slogan pour stimuler la vente de billets. Il s'agit aussi d'une initiative afin de solidifier la relation avec les partisans.

«Avec l'explosion des médias sociaux, l'univers de la communication est devenu très bruyant, explique le vice- président Richard Legendre. Dans cette cacophonie, qui doit-on écouter? Nous, on a décidé de prioriser la voix de nos membres.»

Les «membres», ce sont les détenteurs d'abonnements de saison. L'Impact ne veut plus les considérer uniquement comme des clients, mais plutôt comme des partenaires qui seront consultés et détiendront un pouvoir de recommandation. Ils seront représentés par un Conseil, qui évaluera des dossiers en compagnie de gestionnaires de l'équipe.

En Major League Soccer (MLS), cette formule - inspirée de clubs européens - représente un nouvel axe de développement. Les Sounders de Seattle ont donné le ton en créant l'Alliance, un regroupement de fans régi par une charte.

Tous les quatre ans, les membres de l'Alliance tiennent même un vote décisionnel pour déterminer si le directeur général des Sounders conserve son poste. En décembre dernier, le mandat d'Adrian Hanauer a ainsi été renouvelé.

Nick De Santis, le grand patron soccer de l'Impact, n'a pas besoin de préparer ses affiches électorales. Ses employeurs n'iront pas si loin.

«On ne cédera pas les rênes, précise Richard Legendre. On veut néanmoins démocratiser notre fonctionnement. Notre idée n'est pas seulement altruiste. On souhaite augmenter notre base d'abonnés. Et on croit que cette formule nous aidera à atteindre nos objectifs.»

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À son entrée en MLS, l'Impact croyait vendre 13 000 abonnements saisonniers. À peine 8000 sièges ont trouvé preneur, et la déception a été grande.

Les choses sont demeurées difficiles l'hiver dernier: tout juste 74% des clients ont renouvelé leur place. L'Impact a ramé pour maintenir son niveau d'abonnés.

Cette année, la campagne de renouvellement a été lancée dès juillet. Et à six mois de l'ouverture de la prochaine saison, 70% des «membres» ont déjà reconduit leur engagement, profitant d'un rabais de fidélité. L'Impact a bon espoir d'atteindre le seuil de 85%.

Cela dit, les foules ont été excellentes au stade Saputo en 2013. Samedi dernier, l'Impact a joué devant plus de 20 000 personnes, une salle presque comble, pour un sixième match consécutif. Mais une organisation préfère compter sur des clients engagés.

En 2014, l'Impact vise 10 000 abonnements. Ce chiffre lui permettrait de se glisser dans le top 10 de la MLS. Sur le plan affaires, la ligue a mis en place plusieurs indicateurs de performance. L'objectif de l'Impact est d'atteindre le top 5 des différentes catégories.

Plus tôt cette semaine, les abonnés ont reçu un courriel de Joey Saputo, annonçant la tenue d'une consultation. On leur demandera bientôt leur avis sur l'expérience client au stade, la nomination du joueur de l'année et l'heure des matchs (par exemple, le samedi après-midi ou le samedi soir?).

L'Impact mettra ces sujets en contexte et expliquera les répercussions des choix possibles. Puis, pour la première fois, le «pouvoir de recommandation» sera exercé.

«On s'embarque dans quelque chose de nouveau, ajoute Richard Legendre. On veut livrer ce qu'on a annoncé. Si on n'écoute que 20% des suggestions de nos membres, ils nous diront que c'était du vent, notre affaire! Alors on veut respecter notre engagement.»

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On peut être cynique et prétendre que l'Impact ne fait que camoufler une opération de marketing derrière un vaporeux concept de consultation. Je préfère donner une chance au coureur et saluer ce pari intéressant.

L'Impact, ne l'oublions pas, pourrait très bien obtenir l'opinion de ses clients d'une manière traditionnelle, c'est-à-dire en commandant un sondage à une maison spécialisée.

La formule retenue est différente puisqu'elle suppose un dialogue avec les abonnés. Lorsqu'une entreprise met le doigt dans pareil engrenage et qu'elle s'engage à dévoiler les résultats des consultations, il est difficile de reculer. Si le concept évolue, l'Impact devra évoquer avec ses membres des sujets de plus en plus significatifs.

L'Impact est une organisation jeune. Même si elle célèbre ses 20 ans cette année, elle commence à peine à étendre sa notoriété au-delà de son bassin traditionnel de partisans.

Son entrée en MLS a haussé son rayonnement. Mais il reste beaucoup de travail. Sondage maison à l'appui, l'Impact sait que ses joueurs ne sont guère connus du grand public. En revanche, ses partisans sont jeunes: 75% de la clientèle est âgée de 18 à 44 ans, ce qui plaît aux partenaires d'affaires.

L'organisation voudrait effectuer une percée auprès des francophones de 50 ans et plus, qui n'ont pas grandi en fans de soccer. Surtout que plusieurs d'entre eux sont des décideurs au sein des entreprises, ces gens qui choisissent ou non d'investir dans des abonnements saisonniers.

L'Impact doit aussi séduire les amateurs plus intéressés au soccer des ligues européennes. À ceux-ci, Richard Legendre lance ce message: «Un coeur peut aimer deux clubs! On peut être partisan du FC Barcelone et de l'Impact.»

Comme toutes les équipes, l'Impact commet des erreurs. Mais ses efforts pour se positionner dans le paysage sportif montréalais sont originaux.