Comment ne pas se réjouir pour Tokyo, choisie samedi ville hôte des Jeux olympiques d'été de 2020?

Après le tsunami de mars 2011 qui a fait 20 000 victimes, provoqué d'innombrables souffrances et causé une inquiétude nucléaire, le Japon avait besoin de cette bonne nouvelle.

Mais ce n'est pas pour réconforter les citoyens japonais que le Comité international olympique (CIO) a préféré Tokyo à Istanbul et Madrid. Après tout, les Espagnols, empêtrés dans la crise économique, et les Turcs, à la recherche de reconnaissance internationale, misaient aussi sur une victoire pour donner un élan à leur pays.

Si le Japon a facilement remporté le vote, c'est en raison de sa stabilité sociale et de son poids économique. Une réserve de 4,5 milliards de dollars US est déjà constituée pour financer la construction de nouveaux équipements. Dans son impressionnant dossier de candidature, Tokyo 2020 résume ainsi son approche: ces Jeux, écrit-on, «seront ceux de la certitude».

Cette promesse a séduit les membres du CIO, allergiques comme jamais aux imprévus et à la controverse. Les Jeux de Sotchi, en 2014, et ceux de Rio, en 2016, leur causent en effet des maux de tête.

En Russie, la nouvelle loi homophobe du gouvernement Poutine attaque directement les valeurs humaines officiellement défendues par le CIO.

Au Brésil, les manifestations se poursuivent afin d'inciter le gouvernement à investir davantage en éducation et en santé, plutôt que dans le financement des grands événements sportifs.

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La Coupe du monde de soccer de 2014 et les Jeux de Rio de 2016 devaient susciter la fierté des Brésiliens et impressionner le monde entier. Pour l'instant, ils permettent surtout de constater l'inéquité dans la distribution de la richesse et la colère d'une partie de la population du pays. Ce n'était pas dans les plans du CIO.

Ironiquement, Tokyo peut dire merci à Rio, qui peine à compléter la construction des sites olympiques. Ces retards provoqueront inévitablement une hausse des coûts, ce qui renforcera la grogne populaire.

Le mouvement olympique ne veut pas revivre pareille expérience de sitôt. Du coup, le Japon est devenu le meilleur choix pour les Jeux de 2020.

Aux yeux du CIO, les candidatures de Madrid et d'Istanbul comportaient trop d'incertitudes. L'Espagne avance très lentement sur le chemin de la relance. Et la Turquie, déjà située dans une région géographiquement sensible, voulait investir 19 milliards de dollars US pour accueillir les Jeux. L'ampleur de cette somme a soulevé des inquiétudes.

Dans une entrevue à l'agence Reuters, le scheik Ahmad Al-Fahad Al-Sabah, influent membre du CIO, a reconnu que les ennuis de Rio avaient influencé le résultat du vote.

Ce Koweïtien de 50 ans préside depuis avril 2012 l'Association des comités olympiques nationaux. Son rôle au sein du CIO, déjà important, est appelé à grandir si l'Allemand Thomas Bach est élu demain président du CIO. Il deviendra sans doute son bras droit.

Thomas Bach est le favori parmi six candidats pour succéder à Jacques Rogge. «Dans un monde fragile, les membres ont opté pour la tradition et la stabilité", a-t-il dit, en commentant la victoire de Tokyo.

Avec son immense potentiel commercial, le Japon transformera sûrement ces Jeux en succès économique. Ils s'inscriront dans la continuité du mouvement olympique, avec des dépenses somptuaires en infrastructures.

Le stade de Tokyo, qui sera inauguré à l'occasion de la Coupe du monde de rugby de 2019 et qui accueillera la cérémonie d'ouverture des Jeux de 2020, s'annonce d'ailleurs une pure merveille, avec ses lignes futuristes.

Parmi les trois villes candidates, seule Madrid misait en grande partie sur des installations existantes afin d'éviter une note trop salée. Elle prévoyait investir 1,9 milliard de dollars US à ce chapitre, beaucoup moins que ses deux concurrentes.

La capitale espagnole fut évidemment la première ville éliminée.

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La poussière à peine retombée sur l'attribution des Jeux de 2020, la lutte a retrouvé sa place au programme des Jeux. Dans un vote convaincant hier, elle a obtenu la majorité des voix dès le premier tour contre le baseball-softball et le squash.

En février dernier, la Commission exécutive du CIO, en quelque sorte son conseil des ministres, avait exclu la lutte du noyau des 25 sports de base des Jeux d'été. Cette décision a provoqué un immense ressac, signe du manque de flair des plus influents membres du CIO.

Pour corriger la situation, le CIO a permis à la lutte de soumettre sa candidature à titre de sport additionnel, processus qu'elle a sans surprise remporté. Après, avouons-le, un louable effort de modernisation.

Il n'en reste pas moins que les autres sports invités à tenter leur chance - ils étaient sept au début du processus - ont été ridiculisés. En toute bonne foi, ils ont dépensé des sommes considérables pour vendre leur candidature. Tout ça pour ça!

Jacques Rogge est sûrement heureux que son héritage n'ait pas été compromis par ce faux pas avec la lutte. Mais son successeur devra maintenant réparer les pots cassés avec les recalés de l'exercice. Il pourrait commencer en articulant une vision claire sur le nombre de sports et d'athlètes aux Jeux d'été, ainsi que sur le besoin de renouveau.

Une plus grande transparence serait aussi bienvenue. Le processus ayant conduit à l'exclusion de la lutte s'est déroulé dans la plus pure tradition d'opacité du CIO.

Le prochain président ouvrira-t-il un peu les fenêtres? Ne misons pas trop là-dessus.