L'horreur des événements de Boston glace le sang.

Un garçon de 8 ans et une jeune femme de 29 ans meurent; deux enfants sont dans un état critique; des frères dans la trentaine subissent l'amputation d'une jambe; et des dizaines d'autres victimes doivent composer avec les conséquences de cette violence absurde.

À Boston, le marathon consacre l'arrivée du printemps. La course est une source de joie et de fierté pour les citoyens. Mais voilà que la terreur a frappé. Comme aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996.

Ce soir-là, la bombe avait explosé peu après minuit au Parc du centenaire. Un spectacle venait de prendre fin, et la foule était dense. Le Parc était l'endroit où tout le monde célébrait la grande fête olympique, un lieu symbolique de l'hospitalité des gens du Sud.

Le lendemain matin, je me suis rendu près du Parc. Les policiers avaient bouclé l'endroit, et l'ambiance était lugubre. En raison de nombreux ennuis logistiques, ces Jeux avaient mauvaise presse. Mais soudainement, tous ces problèmes de transport ou d'informatique ont semblé insignifiants.

L'explosion avait tué une personne, en plus d'en blesser des dizaines d'autres. Cela laisse des traces sur le moral d'une ville. Les Jeux se sont poursuivis, mais dans la peine et l'incompréhension.

J'ignore si les autorités américaines identifieront vite les auteurs du crime de Boston. Mais je sais qu'à Atlanta, l'enquête a été longue. À tort, un garde de sécurité ayant contribué à sauver des gens a même été soupçonné.

Ce n'est que plusieurs mois plus tard, après des explosions dans d'autres villes, que les policiers ont identifié le coupable, un Américain en croisade contre le droit à l'avortement. Parti en cavale, il a été arrêté sept ans plus tard et condamné à la prison à perpétuité.

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Depuis le 11 septembre 2001, la sécurité est devenue un enjeu crucial. Le sport n'a pas échappé au phénomène.

Les Jeux olympiques de Salt Lake City, tenus cinq mois après les attentats du World Trade Center, ont été le premier grand rendez-vous international de cette nouvelle ère.

Cette année-là, le gouvernement fédéral américain et le comité organisateur n'ont pas voulu répéter les erreurs d'Atlanta 1996. Peu avant ces Jeux, Al Gore, alors vice-président des États-Unis, avait posé une question simple aux responsables.

- Qui est en charge de la sécurité?

La réponse ne l'avait pas rassuré: «Ça dépend...»

En clair, les responsabilités étaient si morcelées qu'aucun plan global n'existait vraiment.

Dans la foulée du 11-Septembre, les organisateurs des Jeux de Salt Lake City ont investi des ressources colossales pour créer un environnement sécuritaire. Des dizaines de millions ont été dépensés pour augmenter le nombre de soldats et de policiers.

Depuis ce temps, les méthodes se raffinent, et les budgets consacrés à ces mesures augmentent toujours. Ainsi, aux Jeux de Londres l'été dernier, plus de 1,5 milliard ont été consacrés au dossier. Des milliers de soldats ont été déployés sur les sites de compétition. Et des mitrailleuses ont été installées sur le toit de certains édifices.

Malgré tout, la ville n'a pas ressemblé à une forteresse durant ces trois semaines. Plusieurs compétitions ont eu lieu au Parc olympique, un endroit regroupant le grand Stade, les piscines, l'aréna de basketball et plusieurs autres installations.

Pour accéder à ce gigantesque périmètre sécurisé, les dizaines de milliers de visiteurs quotidiens devaient franchir un contrôle semblable à celui d'un aéroport.

Le défi des organisateurs est évidemment de ne pas transformer les sites des grandes manifestations sportives en camps retranchés. Le défi a été relevé avec succès à Londres. Mais qu'en sera-t-il à Sotchi?

Le gouvernement russe étudie la possibilité d'obliger les détenteurs de billets à obtenir un «permis de spectateur» pour assister aux compétitions. Pour qu'il soit émis, des renseignements personnels devraient être fournis.

Ce modèle, selon des médias russes, sera testé à la fin du mois, à l'occasion du Championnat du monde de hockey des moins de 18 ans. La décision finale en vue des Jeux olympiques n'est cependant pas encore prise.

N'empêche que le simple fait d'envisager une politique semblable illustre que les questions liées à la sécurité continueront de susciter la controverse. Tout le monde s'entend sur la nécessité de protéger les athlètes et les spectateurs. Mais jusqu'où peut-on aller pour atteindre cet objectif?

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La tragédie de Boston interpellera toutes les villes souhaitant accueillir de grands événements sportifs. Et en découragera sûrement plusieurs, compte tenu de l'énorme facture des coûts de sécurité.

Malgré tout, les organisateurs du marathon de Londres maintiennent la présentation de la course de dimanche. Trente-cinq mille participants sont attendus. La police britannique a déjà annoncé qu'elle renforcerait son plan de sécurité.

Mais parmi tous ces gens qui prendront le départ, combien s'élanceront avec un soupçon d'inquiétude au fond du coeur? La terreur est insidieuse car elle sème le doute dans la tête des gens.

Le pire serait néanmoins de renoncer à la tenue d'événements semblables. Céder aux objectifs des terroristes n'est pas une solution.

En revanche, les événements de lundi entraîneront le renforcement des mesures de sécurité des grands événements sportifs. Ce sera le prix à payer pour assurer aux athlètes et aux spectateurs une certaine tranquillité d'esprit.

Sources: Sports Business Journal, The New York Times, Turnaround, par Mitt Romney.