À Ottawa, on a vu le meilleur du hockey féminin international, mais aussi son point faible.

Le Canada et les États-Unis ont d'abord disputé un match endiablé en lever de rideau du Championnat mondial. Du hockey excitant, couronné par une sensationnelle victoire des Canadiennes en tirs de barrage.

Dès le lendemain, les favorites de la foule ont remporté un deuxième gain, cette fois contre l'équipe suisse. L'affrontement a cependant été à sens unique. Pointage final: 13-0. Les Canadiennes ont tiré 78 fois au but adverse!

Du coup, le débat sur ce hockey à deux vitesses a ressurgi. L'écart séparant le Canada et les États-Unis de leurs rivales européennes demeure prononcé et affecte l'équilibre de la compétition. Comme à tous les Championnats du monde et tous les Jeux olympiques, une des deux puissances remportera assurément la médaille d'or mardi prochain.

Après ce lessivage des Suisses, Dan Church, l'entraîneur canadien, a déclaré au Ottawa Sun: «On ne veut pas embarrasser nos adversaires. Mais devons-nous viser le poteau des buts? Je ne crois pas que ça aiderait le sport si on se contentait de faire des passes.»

Church a bien raison. L'excellence des Nord-Américaines stimule leurs adversaires, qui ont progressé au cours des dernières années. Plusieurs matchs disputés cette semaine l'ont démontré.

Dans l'histoire du sport, le hockey féminin est une discipline jeune. On peut dresser un parallèle entre son développement et celui du hockey masculin.

Il a fallu des années avant que les Européens forment des joueurs capables de concurrencer les Canadiens. Un coup d'oeil dans les archives suffit pour rappeler la domination de la feuille d'érable jusqu'au milieu du siècle dernier.

Puis, dans la foulée des Soviétiques après la Deuxième Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie, la Suède et la Finlande ont produit des joueurs de premier plan et formé de redoutables équipes nationales.

Aujourd'hui, la popularité du hockey s'est étendue à plusieurs pays. La Suisse (Mark Streit), la Slovénie (Anze Kopitar), le Danemark (Lars Eller) et même la France (Cristobal Huet) ont fourni de solides joueurs à la LNH.

Mais tout cela a pris du temps. Si l'essor international du hockey masculin a été une entreprise à très long terme, laissons au hockey féminin le même privilège.

Dans un café près du quartier général du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), où elle travaille depuis 25 ans, Danièle Sauvageau, analyste des matchs du Championnat mondial à RDS, me raconte le plus beau moment de sa carrière d'entraîneure-chef au hockey: la victoire des Canadiennes aux dépens des Américaines, à Salt Lake City, aux Jeux de 2002.

«Avant les Olympiques, nous avions perdu huit matchs consécutifs contre les États-Unis, dit-elle. Ça nous avait fait mal. Mais on a montré de la résilience. En finale, on les a vaincues devant leur public, après avoir reçu huit pénalités mineures consécutives!»

Le mot «résilience» convient bien à Danièle Sauvageau, tout comme à l'ensemble du hockey féminin. De vives luttes ont été menées pour permettre aux filles de s'épanouir au hockey. Beaucoup de travail reste à faire, mais l'avenir est prometteur. On le voit d'ailleurs ce printemps.

En plus du Championnat mondial à Ottawa, qui suscite un intérêt évident, les Carabins de l'Université de Montréal ont remporté le Championnat canadien.

Jeudi soir, lors de la visite des Jets de Winnipeg au Centre Bell, le Canadien a eu la bonne idée de saluer leur réussite. Une belle marque de reconnaissance qui, si on se fie au sourire de Danièle Sauvageau, a été pleinement appréciée.

Car derrière ce succès, c'est aussi elle qu'on retrouve. À titre de directrice du programme, cette pionnière a obtenu des résultats extraordinaires en quatre petites années.

«En finale du Québec, on a vaincu les Martlets de l'Université McGill. On a gagné le match décisif sur leur glace. Nos partisans étaient partout dans les gradins. L'ambiance était électrisante. Ce fut un beau moment de hockey féminin. Et un beau moment de hockey tout court», ajoute-t-elle.

Pour renforcer le hockey féminin, la Fédération internationale a instauré un programme de mentorat. C'est ainsi que Danièle Sauvageau conseille l'équipe de France. «Le mot «Canada» au hockey, c'est comme si le pape rentrait dans la pièce!» lance-t-elle, en riant.

Blague à part, cette association donne déjà des résultats. Trois joueuses françaises sont membres des Carabins et ont participé à la conquête du titre canadien. Elles acquièrent au Québec des habiletés qui renforceront le programme national de nos cousins. Cette transmission des connaissances contribue à l'élan du hockey féminin.

Malgré tout, même au Québec, la vigilance est de mise pour assurer aux jeunes filles l'équité dans le hockey organisé. Danièle Sauvageau reçoit encore trop de courriels lui apprenant qu'une joueuse a été écartée d'une équipe de garçons alors qu'elle méritait sa place.

En 1999-2000, Danièle Sauvageau a été l'adjointe de Gaston Therrien avec le Rocket de Montréal, dans la Ligue junior majeure du Québec. En 2002, elle a mené le Canada à la médaille d'or olympique. Elle a aussi conseillé des entraîneurs de plusieurs sports olympiques, en plus de conduire les Carabins au sommet du hockey universitaire féminin.

Partout, une idée l'a guidée: «Bâtir un environnement pour créer de la performance». Désormais âgée de 50 ans, elle est prête pour d'autres défis.

On entendra encore parler de Danièle Sauvageau.