Sur Twitter hier, un partisan des Bears de Chicago a fait son p'tit comique en commentant l'embauche de Marc Trestman: «Combien de temps lui faudra-t-il avant de ne plus commander un botté de dégagement au troisième essai?»

Malgré ses succès auprès de quarts-arrières réputés comme Steve Young, Jake Plummer et Rich Gannon, Trestman effectue son retour dans la NFL avec l'étiquette d'entraîneur de la Ligue canadienne de football. Aux États-Unis, ce n'est pas un compliment.

Un reportage de la station WGN de Chicago en a fourni l'illustration. «Jamais entendu parler de lui!» a lancé un amateur, lorsqu'on lui a demandé son opinion sur la nomination de Trestman. En apprenant qu'il dirigeait jusque-là une équipe au Canada, notre homme n'a pas caché son incrédulité.

Trestman, un entraîneur organisé à défaut d'être charismatique, se retrouve au sein d'une organisation prestigieuse. Les Bears sont meilleurs que leurs performances de deuxième moitié de saison ne l'indiquent. Pour lui, le défi est exaltant. Il possède les atouts pour le relever.

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Le départ de Trestman laisse un grand vide chez les Alouettes. Mais il offre aussi une formidable occasion de renouveau pour cette organisation monotone.

C'est triste à dire, mais les Alouettes occupent une place de moins en moins importante dans le paysage sportif montréalais. Les attentes brisées des deux dernières années, avec des échecs trop rapides en séries éliminatoires, l'expliquent en partie.

Mais il y a plus. L'organisation manque de personnalité. On croirait souvent qu'elle est dirigée par des fantômes.

Le propriétaire, Robert Wetenhall, mérite des félicitations pour avoir soutenu le football canadien à Montréal avec autant d'énergie. Mais sa réserve en fait toujours une énigme pour les amateurs.

Son homme de confiance, l'avocat Paul Harris, est tout aussi discret. Et qui connaît Mark Weightman? Articulé, parfaitement bilingue, le chef des opérations est aussi doté d'un bon sens de l'humour. Les Alouettes auraient avantage à le nommer président de l'équipe afin de renforcer son statut.

Au sein de l'administration, le DG Jim Popp est désormais la seule tête d'affiche. Mais lui aussi rêve de quitter les Alouettes pour la NFL. Il a sûrement été déçu lorsque les Panthers de la Caroline n'ont pas retenu ses services la semaine dernière.

Les Alouettes ont besoin d'une personnalité forte, qui incarnerait le visage de l'organisation. Et qui établirait un lien étroit avec les fans, comme Geoff Molson et Joey Saputo le font avec le Canadien et l'Impact.

Ces deux hommes vibrent publiquement au rythme de leur équipe. Ils sont présents et accessibles. Peu importe les ennuis ou les succès de leur organisation, ils tiennent leur rôle avec un engagement de tous les instants.

Chez les Alouettes, Larry Smith a longtemps assumé cette tâche. À ce titre, il n'a pas été remplacé.

Après une période turbulente dans les bureaux administratifs, les Alouettes ont retrouvé une certaine sérénité. Avec raison, ce n'est pas à ce niveau qu'ils apporteront des changements.

Voilà pourquoi le choix du prochain entraîneur est si crucial. Le candidat sélectionné deviendra le principal porte-parole de l'organisation. Et il n'existe aucune raison pour que l'heureux élu ne soit pas capable de s'exprimer en français.

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Le football a immensément progressé au cours des 25 dernières années au Québec. Les ligues scolaires connaissent un vif succès.

Au niveau universitaire, c'est une révolution qui s'est produite. Au point où le Rouge et Or de l'Université Laval forme désormais une dynastie.

Aujourd'hui, plusieurs excellents entraîneurs parlent français. Au moins trois d'entre eux méritent une entrevue sérieuse dans la course à la succession de Marc Trestman.

D'abord, Jacques Chapdelaine, coordonnateur offensif des Lions de la Colombie-Britannique; puis, Danny Maciocia, entraîneur-chef des Carabins de l'Université de Montréal; et enfin, Glenn Constantin, entraîneur-chef du Rouge et Or.

Mais pour cela, il faudra une réelle volonté de la direction. Des entraîneurs de talent, les États-Unis en comptent des dizaines. Le danger, c'est que Jim Popp ne regarde pas plus loin.

Les Alouettes devraient s'inspirer de Joey Saputo lorsqu'il a choisi un successeur à Jesse Marsch. Avant de sélectionner le Zurichois Marco Schällibaum, le président de l'Impact a indiqué que son prochain homme de confiance devait parler la langue officielle du Québec.

J'ignore si les Alouettes feront preuve de la même sensibilité. Weightman est sûrement le mieux placé pour passer le message à Wetenhall. Et si Popp opte pour un candidat unilingue anglophone, la direction devra s'assurer que celui-ci apprenne le français.

Durant son court séjour à Montréal, Jesse Marsch a montré que c'était possible. À la fin de l'automne dernier, il répondait aux questions en direct à la télévision. C'était un peu laborieux, bien sûr, mais la sincérité de l'effort ne laissait aucun doute.

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À la télévision, les matchs des Alouettes génèrent de meilleures cotes d'écoute que celles de l'Impact. Mais compte tenu de la longue tradition de la Ligue canadienne de football, et de la place des Alouettes dans l'histoire sportive de la ville, l'écart n'est pas si impressionnant.

La saison dernière, une moyenne de 118 000 téléspectateurs ont regardé les 12 matchs de l'Impact diffusés à RDS; les 18 matchs réguliers des Alouettes ont attiré 220 000 personnes.

Le soccer est manifestement sur une lancée. Les Alouettes devront multiplier les efforts pour maintenir et augmenter leur rayonnement. Souhaitons qu'ils réussissent. Des équipes sportives professionnelles en santé sont un atout pour Montréal.