Empêtrées dans la mélasse, les négociations dans la LNH sont au point mort. Les médiateurs américains sont rentrés à la maison en dressant un constat brutal: un règlement n'est pas à portée de main.

Pour la première fois de son mandat, Gary Bettman est dépassé par les événements. Dans l'espoir de dénouer l'impasse, il a proposé une rencontre entre les propriétaires et les joueurs, mais sans sa présence ni celle de Donald Fehr.

Peu importe les suites de cette proposition, une conclusion s'impose: la LNH est en panne de leadership. Lorsque le premier gestionnaire d'une entreprise propose de solutionner un problème grave sans sa contribution, l'aveu d'échec est limpide.

Ce contexte malsain fournit néanmoins une occasion à un propriétaire d'équipe de s'illustrer. Plus que jamais, la LNH a besoin d'une énergie nouvelle pour établir des consensus et stopper la crise.

Quel est le profil type de ce propriétaire?

Il doit aimer passionnément le hockey (ce qui n'est pas le cas de Gary Bettman);

Il doit comprendre le désarroi des fans (ce qui n'est pas le cas de Donald Fehr);

Il doit diriger une organisation crédible sur le plan des affaires (ce qui n'est pas le cas de plusieurs équipes américaines);

Il doit être animé d'une vision d'avenir stimulante pour la LNH (ce qui n'est pas le cas de Jeremy Jacobs, des Bruins, dont l'influence demeure prépondérante);

Il doit comprendre les défis des équipes établies dans les marchés à bas revenus (une préoccupation naturelle pour le président d'une équipe canadienne, toujours sujette à des variations fâcheuses du taux de change sur son modèle d'affaires);

Il doit être animé par un sentiment d'équité.

Ce rôle est taillé sur mesure pour Geoff Molson.

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L'ennui, c'est qu'on ignore toujours qui est le vrai Geoff Molson. Après plus de trois ans à la barre du Canadien, son bilan est en demi-teinte.

Est-il l'homme déterminé qui, dans l'affaire Chara-Pacioretty, s'est tenu debout devant Gary Bettman comme rarement un propriétaire d'équipe ne l'a fait?

Rappelez-vous son extraordinaire lettre aux partisans de l'équipe lorsque Chara a été blanchi: «L'organisation des Canadiens n'est pas d'accord avec la décision rendue vendredi par la LNH. Je peux vous assurer que nous avons clairement fait connaître notre position au commissaire Gary Bettman...»

Il a fallu du cran pour s'attaquer ainsi à Bettman. Ce jour-là, Geoff Molson a fait preuve d'un grand leadership.

En revanche, il y aura bientôt un an, le président du Canadien a mal paru lorsque Pierre Gauthier a nommé un entraîneur-chef incapable de s'exprimer en français. À juste titre, cette décision, qui a brisé le contrat implicite entre l'équipe et ses partisans, a provoqué un terrible ressac.

Depuis le début du lock-out, Geoff Molson est demeuré discret. Ses seuls commentaires sur le conflit, il les a émis au tournoi de golf du Canadien, en septembre dernier.

La convention collective, a-t-il alors dit, nécessite des «ajustements». L'utilisation de ce mot a laissé croire qu'il mesurait mal l'ampleur des concessions demandées aux joueurs. À moins qu'il n'ait simplement voulu répéter, par souci de collégialité, une expression utilisée par Bettman.

Peu importe, ces jours-là sont derrière nous. La situation actuelle est urgente et commande un nouveau leadership. La prolongation de ce lock-out est insensée. La LNH se fait mal et les amateurs sont écoeurés.

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Un autre extrait de la lettre de Geoff Molson aux partisans, dans la foulée de l'affaire Chara-Pacioretty, mérite d'être rappelé:

«Les Canadiens de Montréal sont reconnus comme étant une véritable institution et un leader au sein de la Ligue nationale de hockey et dans la communauté depuis plus d'un siècle, et vous pouvez compter sur nous pour continuer d'occuper ce rôle dans les années à venir.»

Si ces mots ont une réelle signification, Geoff Molson doit les assumer aujourd'hui. Si le Canadien est vraiment un leader au sein de la LNH, il doit amorcer un travail de coulisses pour provoquer le déblocage du dossier.

Dans la riche histoire du Canadien, les grands joueurs se sont toujours levés dans les moments critiques: Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur, Patrick Roy...

Aujourd'hui, le défi ne se situe pas sur la glace, mais au sein du Bureau des gouverneurs. Et c'est désormais au président du Canadien de se lever. L'annulation d'une deuxième saison complète en huit ans constituerait un échec lamentable.

Le hockey coule dans nos veines. Ceux qui aiment ce sport et qui sont en position d'influence doivent agir. Voilà ce que les partisans attendent d'eux. Voilà ce que tous les travailleurs dont le chèque de paie est lié aux matchs de la LNH attendent d'eux.

Geoff Molson est un gestionnaire dynamique. Il possède le talent de réunir les gens autour d'un objectif commun. Le bouclage financier ayant conduit à l'achat du Canadien en 2009, la construction de la Tour des Canadiens et le dossier du nouvel amphithéâtre de Laval l'ont démontré.

Bien sûr, Geoff Molson ne réglera pas le conflit à lui seul. Mais puisqu'il dirige l'organisation la plus prestigieuse du hockey, et sans doute la mieux gérée sur le plan commercial, il est investi d'une autorité évidente.

Pour lui, l'occasion est unique. La saisira-t-il?