Bernie Ecclestone n'a pas perdu beaucoup de paris dans sa vie. Sauf aux États-Unis. Les nombreuses tentatives de la Formule 1 pour s'implanter dans cet immense marché, si important pour les constructeurs, se sont soldées par des échecs.

Cette fois, les chances semblent être du côté du pape du sport automobile. Le Grand Prix des États-Unis, présenté ce week-end à Austin, capitale du Texas, s'annonce un succès.

Avec son 1,8 million d'habitants, l'agglomération d'Austin est la 34e en importance du pays. Reconnue pour son amour de la musique, elle est fière de compter Willie Nelson parmi ses citoyens.

Au printemps dernier, la Ville a dévoilé une statue en honneur du légendaire chanteur country. Et hier soir, son spectacle a donné le coup d'envoi des activités.

Pour accueillir la Formule 1, les promoteurs ont investi massivement. Le complexe du COTA (Circuit Of The Americas) a coûté 400 millions. Derrière ce projet, on retrouve Red McCombs, un milliardaire ayant déjà été propriétaire des Vikings du Minnesota, des Nuggets de Denver et des Spurs de San Antonio.

En misant sur une installation permanente et un contrat de 10 ans avec Ecclestone, Austin se donne les atouts pour réussir là où des villes comme Las Vegas et Indianapolis ont échoué: établir un point d'ancrage crédible pour la Formule 1 aux États-Unis.

Déjà, les promoteurs de la course innovent. En accord avec la Ville d'Austin, ils ont nommé un directeur du développement durable. Son rôle est de s'assurer de rendre ce Grand Prix le plus vert possible: transport des fans, développement du site, qualité de l'air, compensation des émissions de carbone... Il y a là un excellent exemple pour les organisateurs du Grand Prix de Montréal. Au-delà du recyclage déjà en vigueur, d'autres mesures pourraient être adoptées pour renforcer le volet environnemental.

Cela est d'autant plus vrai que l'avenir de la course dans l'île Notre-Dame semble sur le point d'être assuré jusqu'en 2024. L'occasion sera belle pour développer des initiatives à plus long terme.

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C'est sur le plateau de L'Antichambre, à RDS, que l'ancien ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a affirmé que l'accord entre, d'une part, les gouvernements du Québec et du Canada, la Ville de Montréal et Tourisme Montréal, et, d'autre part, Bernie Ecclestone, était près d'être conclu.

M. Bachand a été au coeur de ces pourparlers jusqu'à l'élection du Parti québécois le 4 septembre dernier.

«Les deux dernières étapes d'une négociation réussie sont l'entente de principe et la clôture de la transaction, a-t-il rappelé, hier, lors d'un entretien téléphonique. Dans ce cas-ci, les paramètres sont convenus. Il faut maintenant boucler le tout.»

Chaque année, les pouvoirs publics versent 15 millions à Bernie Ecclestone pour présenter le Grand Prix: 5 millions du fédéral, 5 millions de Tourisme Montréal, 4 millions du provincial et 1 million de la Ville de Montréal. En retour, Ecclestone leur remet 30% des recettes de billetterie.

La prochaine entente prévoit une indexation normale de ce montant de 15 millions. Mais, surtout, des améliorations aux infrastructures du circuit Gilles-Villeneuve. «Ce coût serait acquitté à même notre part des revenus de billetterie, explique M. Bachand. C'est une bonne transaction.»

Le nouveau gouvernement du Québec étudie l'affaire. Le ministre du Tourisme, Pascal Bérubé, se montre optimiste. «Ça va bien, on a confiance de pouvoir signer pour 10 ans», a-t-il dit à mon collègue Denis Lessard, hier.

Plus tôt ce mois-ci, M. Bérubé avait assuré les promoteurs du Grand Prix de Trois-Rivières d'un appui financier s'ils avaient réussi à attirer une manche de la série Nationwide.

«La diffusion et la couverture médiatique de la série Nationwide sont immenses, notamment chez nos voisins américains, et c'est toute la région qui en bénéficierait», a-t-il déclaré au quotidien Le Nouvelliste.

L'argument résonne encore plus fort pour le Grand Prix du Canada.

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Avec le Grand Prix au Texas, le maintien du Grand Prix du Canada et l'organisation potentielle d'une course à New York-New Jersey dès 2014, tout le paysage de la Formule 1 en Amérique du Nord serait modifié.

Cette présence renforcée ferait davantage rayonner la Formule 1. Au plan commercial, une course au New Jersey, avec en toile de fond le fabuleux panorama de Manhattan, représenterait néanmoins une arme à deux tranchants.

Ce Grand Prix, aussi tenu en juin, diminuerait-il le nombre de visiteurs à Montréal? Ou, au contraire, inciterait-il un plus grand nombre d'amateurs d'outre-Atlantique à se déplacer? Après tout, assister à deux courses en 10 jours, plutôt qu'à une seule, rentabiliserait leurs frais de voyage.

Raymond Bachand défend la deuxième théorie. «Un plus grand nombre de courses en Amérique augmentera la popularité du sport, soutient-il. C'est comme un restaurant qui est seul au bout de la rue. Le jour où un concurrent s'installe tout près, ça fait de la compétition. Mais ça augmente aussi l'achalandage dans le quartier...»

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Malgré tous ces développements, il faudra du temps avant que la Formule 1 s'impose dans le paysage sportif des États-Unis.

Le Grand Prix de ce week-end suscite la curiosité dans les médias américains, mais pas d'intérêt monstre. Pour un journaliste d'ESPN, c'est plutôt le retour de la «brigade vins et fromages de la Formule 1 aux États-Unis».

Ça ne semble pas un compliment.