Après des demandes initiales extravagantes, Gary Bettman devient soudainement réaliste. Pour que cet homme orgueilleux modifie ainsi sa stratégie, la pression est sûrement forte.

La LNH a effectué un virage majeur en soumettant une nouvelle offre aux joueurs hier. Sur le plan du contenu, mais aussi au plan stratégique.

Rappelez-vous: au cours des trois dernières semaines, Bill Daly, l'adjoint de Bettman, a répété sur toutes les tribunes que c'était au tour des joueurs de suggérer une nouvelle piste de règlement.

Donald Fehr a flairé le piège. Honorer d'une contre-proposition l'offre farfelue des propriétaires l'aurait en quelque sorte légitimée. C'est ce que Bettman souhaitait. Cela lui aurait permis de livrer le reste de la bataille sur son propre terrain.

Fehr est un négociateur expérimenté. Il n'allait pas mordre à un si gros hameçon. Il a patiemment attendu que la LNH comprenne que la solidarité des joueurs demeurait intacte malgré l'annulation des deux premières semaines du calendrier.

Après un mois de lock-out, Bettman s'est rendu à l'évidence. Pour conserver l'espoir de présenter la saison, il devait rectifier le tir. Et présenter une offre n'était pas irrecevable à sa face même.

Les concessions financières exigées des joueurs demeurent importantes. En suggérant un partage moitié-moitié des revenus, une somme de 1,4 milliard serait transférée des joueurs aux propriétaires au cours des six prochaines saisons, dans l'hypothèse où les revenus demeureraient stables.

(Chaque point de pourcentage étant égal à 33 millions, une ponction annuelle de sept points à la faveur des propriétaires équivaut à 231 millions. En six ans, cela représente un joli pactole.)

Les joueurs sont prêts à faire un bout de chemin en direction de la LNH. Leurs propres offres l'ont déjà démontré. Mais il serait étonnant qu'ils soient disposés à aller aussi loin. Leur objectif principal est de conserver leur enveloppe salariale globale, soit 1,8 milliard.

Quant aux enjeux de deuxième niveau, comme l'acquisition de l'autonomie complète, beaucoup de travail reste à faire. Bettman a adouci certaines demandes de la LNH. Mais l'écart entre les positions des deux parties demeure important.

Cela dit, la bonne nouvelle, c'est que la pièce de théâtre est terminée. Finies les discussions stériles sur l'encadrement médical. De véritables discussions s'amorcent enfin.

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Lundi, le site américain Deadspin a révélé que la LNH avait commandé à une firme spécialisée une enquête sur la perception des amateurs face au lock-out.

Dans le contexte actuel, cette initiative a suscité beaucoup de railleries sur les réseaux sociaux. Au moment où elle plaide des difficultés financières, la LNH paraît mal en payant le gros prix à des spécialistes pour définir des lignes de communication sans imagination.

La LNH n'est pourtant pas la première entreprise à utiliser des groupes témoins pour tester l'opinion publique. Il s'agit d'une pratique courante dans le monde des affaires. Mais le ressac provoqué par cette nouvelle illustre le problème d'image de la LNH.

Gary Bettman personnifie ce mécontentement. Il s'agit de l'aspect le plus révélateur de cette enquête d'opinion dévoilée par Deadspin. Le commissaire ne donne pas une bonne impression aux répondants.

Bettman a particulièrement mal mené sa barque au cours des sept dernières semaines. Il n'a jamais expliqué avec succès pourquoi cet arrêt de travail était nécessaire.

Bettman sait néanmoins que l'annulation d'une autre saison, après celle de 2004-2005, noircirait sa place dans l'histoire de la LNH. On oublierait son audace d'alors pour se rappeler son intransigeance d'aujourd'hui. Ce constat a sûrement contribué au dépôt de la proposition-surprise, tout comme l'impatience de certains propriétaires.

Ce lock-out, par exemple, ne sert en rien les intérêts des organisations canadiennes. Il a été déclenché pour aider une poignée d'équipes américaines dans des marchés où le hockey demeure un sport secondaire.

Lorsque ce conflit sera terminé, Bettman devra s'interroger sur son avenir. Les amateurs le blairent de moins en moins; les joueurs n'ont manifestement plus confiance en lui, et les propriétaires semblent davantage le craindre que l'admirer.

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La balle est maintenant dans le camp des joueurs. Sur le plan de l'image, ceux-ci devront gérer avec doigté la suite des événements. Sinon, ils se retrouveront à leur tour au banc des accusés.

Pour la majorité des amateurs, un partage des revenus en parts égales constitue en effet une solution logique. Cela correspond à un certain sens de l'équité même si, dans les faits, c'est aux joueurs qu'on demande toutes les concessions.

Bettman connaît un mauvais automne, mais cela ne l'empêche pas de conserver quelques tours dans son sac. Il a été habile en faisant miroiter l'ouverture possible de la saison le 2 novembre et le maintien d'un calendrier de 82 matchs.

Du coup, les amateurs se sont mis à rêver. La soif de hockey a fait croire à plusieurs qu'un règlement était imminent. Résultat, les joueurs seront blâmés si les négociations des prochains jours ne conduisent pas à un règlement.

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Les joueurs déposeront une contre-proposition bientôt. Je doute qu'ils acceptent un partage 50-50. Et qu'ils se rangent docilement à la position de la LNH sur les autres enjeux.

La LNH a bougé la première. Les joueurs comprennent maintenant que Bettman veut un règlement rapide. Leur défi sera d'étirer l'élastique au maximum sans le rompre.

Un accord est-il possible à court terme? Oui, si Bettman fait mieux. Cette proposition représente une progression. Mais elle devra être bonifiée.

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