À vue de nez, le résultat n'est pas terrible. Une seule médaille d'or, en trampoline par-dessus le marché, un sport dont l'historique olympique est mince. Les Jeux de Londres sont-ils une catastrophe pour le Canada?

Pas du tout. En fait, cette performance est honorable pour un pays de 33 millions d'habitants qui commence à peine à moderniser son approche du sport d'élite.

«C'est sûr qu'on aurait aimé obtenir plus de médailles d'or, reconnaît Mark Tewksbury, chef de mission de l'équipe canadienne. Mais avec une récolte de 18 médailles en 11 sports différents, à un si haut niveau de compétition, nous pouvons être fiers de nos olympiens.»

Cela dit, pour améliorer ses performances aux Jeux de Rio, en 2016, le Canada doit faire du dossier des entraîneurs une priorité: développement, rémunération, rétention, embauches internationales... Sans entraîneurs de qualité, nos athlètes n'atteindront pas leur plein potentiel.

Les Jeux de Londres ont convaincu les dirigeants du sport canadien d'investir dans ce projet. C'est l'effet Herdman.

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Bizarre à dire, mais une des grandes vedettes de la délégation canadienne a été... un Britannique de 37 ans, John Herdman. Il a relancé l'équipe de soccer féminin et mené ses joueuses à la médaille de bronze. Aux Jeux d'été, aucune équipe canadienne n'était montée sur le podium depuis 1936.

«Ce résultat illustre l'importance d'un super bon entraîneur: en huit mois, John a tout changé», explique Caroline Assalian, chef du sport au Comité olympique canadien (COC).

«Malheureusement, nous avons perdu plusieurs entraîneurs de qualité, notamment en cyclisme et au triathlon, parce que d'autres pays les paient davantage. Au Canada, il faut établir la profession d'entraîneur», ajoute-t-elle.

À l'approche des Jeux d'hiver de Sotchi, en 2014, certains entraîneurs canadiens ont reçu des offres d'autres pays. D'autres ont déjà bouclé leurs valises. Retenir les plus doués constitue une priorité.

Ainsi, sans un gars comme Nicolas Gill dans son coin, le jeune judoka Antoine Valois-Fortier aurait-il remporté une médaille? Poser la question, c'est y répondre.

Marcel Aubut, président du COC, est conscient de cet enjeu. «Caroline me répète qu'on n'ira nulle part sans les meilleurs entraîneurs, dit-il. On veut promouvoir cette profession, car ils font la différence dans le succès des athlètes.»

L'exemple de la Chine est intéressant. À Londres, plus de 15 entraîneurs étrangers ont fait partie de la délégation: un Français en escrime, un Espagnol en water-polo, un Sud-Coréen en hockey sur gazon...

Bref, la Chine a embauché des spécialistes dans plusieurs disciplines et cette stratégie a contribué à ses succès.

Au Canada, le COC a la bonne idée de récompenser financièrement les entraîneurs des médaillés: 15 000$ pour l'or, 10 000$ pour l'argent et 5000$ pour le bronze. Cela ne remplace pas un salaire concurrentiel, mais dénote néanmoins une certaine sensibilité.

De leur côté, nos athlètes médaillés reçoivent 20 000$ pour l'or, 15 000$ pour l'argent et 10 000$ pour le bronze. Au soccer féminin, chaque joueuse touchera la prime.

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Le COC fera appel à John Herdman au cours des prochains mois. On lui demandera de s'adresser à des entraîneurs partout au pays.

«John est un orateur extraordinaire, dit Christine Sinclair, capitaine de l'équipe de soccer. Il sait motiver les gens.»

Herdman croit à la préparation psychologique, «si souvent sous-évaluée», dit-il. Le reste de sa philosophie est simple: éliminer les barrières qui empêchent les athlètes d'atteindre leur sommet.

Il a ainsi évalué tous les aspects du programme de soccer: préparation physique et mentale, stratégie, système de jeu... Il a ensuite établi un plan pour optimiser les résultats. «Je crois à un processus», explique-t-il.

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Alors, au classement des pays, le Canada termine-t-il au 13e rang (nombre total de médailles) ou au 36e rang (nombre de médailles d'or)?

En tout cas, en ce qui concerne les médailles de bronze, le pays occupe une excellente septième place, à égalité avec l'Australie et la France!

Blague à part, le nombre total de médailles est plus significatif. L'Afrique du Sud, qui a remporté trois médailles d'or, mais seulement six au total, n'a pas connu de meilleurs Jeux que le Canada.

Juste pour le plaisir, combinons le nombre de médailles remportées par le Canada aux Jeux d'hiver de Vancouver et aux Jeux de Londres: 44. Ce chiffre donne une bonne mesure du rendement de nos athlètes dans le plus récent cycle olympique.

Conclusion: le Canada se comporte bien. En 2010 et en 2012, par exemple, la France n'a remporté qu'une médaille de plus. La Corée du Sud en a obtenu 42. Et la Norvège, 27.

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Le gouvernement du Canada investit 200 millions par année dans le sport olympique. De l'argent bien dépensé, même si le coût de chaque médaille semble élevé.

J'aime comment Sylvie Bernier, adjointe de Mark Tewksbury à Londres, place les choses en perspective. «Il faut encourager nos jeunes à être actifs, dit-elle. Et ce sont nos athlètes qui en sont les meilleurs promoteurs.»

Sur la plus grande scène sportive du monde, celle des Jeux olympiques, leur impact est magnifié. Et cela, peu importe s'ils montent ou non sur le podium.

Ça sonne comme un cliché, mais c'est toujours vrai: participer aux Jeux est déjà une victoire

Photo: AP

John Herdman