Pierre Karl Péladeau est sur le point de remporter une grande victoire. À moins d'un revirement de situation, le gouvernement Charest s'apprête à blinder l'entente entre Quebecor Media et la Ville de Québec, dans l'affaire du nouvel amphithéâtre. Du coup, une grande responsabilité lui incombera.

Les pouvoirs publics, en pompant près de 400 millions dans cet édifice, et en procurant à M. Péladeau les assurances juridiques exigées, lui fournissent les atouts pour obtenir une concession de la LNH.

Portés par une invraisemblable solidarité, l'administration Labeaume, le gouvernement Charest et le Parti québécois seront venus à bout de l'énergie de Denis de Belleval, féroce adversaire de l'accord.

Celui-ci a reconnu hier qu'il lui serait difficile de poursuivre son recours en justice, une fois l'entente protégée par une loi. Il lui faudrait alors livrer bataille en droit constitutionnel, un mandat très exigeant.

Le tapis rouge désormais déroulé sous ses pieds, M. Péladeau doit livrer la marchandise. Cela signifie trois choses: obtenir une concession de la LNH pour Québec, assurer sa pérennité, et fournir la garantie morale de ne jamais exiger un dollar supplémentaire de l'État, même si la conjoncture économique se noircissait.

Dès le départ, l'opération exigera du doigté. Convaincre Gary Bettman de la pertinence du retour d'une équipe à Québec constituera une entreprise délicate.

M. Péladeau semble avoir tiré une leçon du succès de Winnipeg: patience, persévérance et discrétion, a-t-il répété, en commission parlementaire. On verra comment il naviguera dans cet environnement truffé de pièges.

Lorsque le contrat entre la Ville de Québec et Quebecor Media sera signé, cela marquera une étape-clé vers la construction du nouvel amphithéâtre. Mais les défis resteront nombreux.

Parmi eux, le maintien des relations de qualité entre les deux partenaires. Car même si la Ville sera la propriétaire de l'édifice, Quebecor Media obtiendra dès la signature de l'entente un droit de regard sur sa construction.

L'accord de principe est clair: le Groupe Quebecor participera à tous les comités chargés de l'étude des coûts du nouvel amphithéâtre et de la définition de ses besoins. Cela comprend son architecture.

Bref, même si la Ville demeure en autorité, Quebecor Media sera consulté pour les décisions significatives, ce qui lui permettra d'influencer le processus.

Pour l'instant, les deux partenaires marchent main dans la main. Mais il en coulera de l'eau sous les ponts d'ici 2015.

L'urgence invoquée par MM. Labeaume et Péladeau devant la commission parlementaire a fait rêver beaucoup d'amateurs de hockey. Se peut-il que les négociations entre la LNH et Quebecor Media soient très avancées?

Cela m'étonnerait. La LNH n'a aucun intérêt à ouvrir son jeu dès maintenant. Le principe de la «mise en concurrence», évoqué par

M. Labeaume pour l'attribution du contrat de gestion du nouveau Colisée, sera sûrement utilisé par Gary Bettman!

La semaine dernière, le commissaire adjoint Bill Daly a affirmé que le circuit était intrigué à l'idée d'aligner une équipe à Seattle. Kansas City et Las Vegas songent aussi à la LNH. Une lutte entre les villes candidates pourrait avoir lieu.

Ensuite, le nouvel amphithéâtre n'ouvrira qu'à l'automne 2015. Si Québec obtenait une équipe dans un an, celle-ci devrait évoluer dans le vétuste Colisée durant trois longues saisons.

Une mise à niveau minimale de l'édifice (climatisation, réfection des vestiaires, remplacement des bandes et des baies vitrées, etc.) serait requise. La Ville évalue les coûts à environ 10 millions. Qui paierait, la Ville ou Quebecor Media? On ne sait pas.

Peu importe, les pertes financières seraient significatives puisque cet édifice, avec son petit nombre de loges corporatives et son absence de sièges de luxe, générerait peu de revenus. M. Péladeau aurait alors avantage à pousser fort pour accélérer les travaux du nouvel amphithéâtre.

Régis Labeaume a souvent évalué à un an la «fenêtre d'opportunité» pour obtenir une équipe de la LNH. Il faut agir, disait-il, avant que la reprise économique ne prenne de la vigueur aux États-Unis. À ce sujet, le maire peut dormir tranquille.

Les données dévoilées hier chez nos voisins du sud sont catastrophiques: à peine 54 000 nouveaux emplois ont été créés en mai, alors que les économistes s'attendaient à trois fois plus. Le taux de chômage a bondi à 9,1%. Bref, les signes d'une relance vigoureuse se sont estompés.

Aux États-Unis, la LNH demeurera longtemps une ligue à deux vitesses: des équipes en santé dans les bastions traditionnels et quelques nouveaux marchés, et plusieurs autres en difficulté, surtout dans le sud du pays.

Tenez, même un marché comme celui de Dallas est à risque. Depuis plusieurs semaines, la LNH suggère que la vente des Stars, actuellement sous tutelle financière du circuit, se concrétisera bientôt.

Plus tôt cette saison, on a même affirmé que quatre groupes s'intéressaient aux Stars. Pourtant, rien n'est réglé. Dans ce contexte incertain, on apprenait jeudi que l'équipe ne retiendrait pas les services de Brad Richards, sa grande vedette.

Ajoutez aux ennuis de Dallas l'incapacité de dénicher des acheteurs à Phoenix et St-Louis (sans compter Atlanta), et vous conviendrez que ce n'est pas demain la veille que toutes les concessions seront financièrement stables.

Bref, Québec a du temps devant elle. Mais un jour ou l'autre, M. Péladeau devra obtenir une équipe pour la Vieille capitale. Sinon, compte tenu des atouts obtenus par son entreprise, il s'agira d'un échec.