Dans le dossier du nouvel amphithéâtre à Québec, les citoyens de la Vieille Capitale ont tranché. Ils appuient massivement le projet du maire Labeaume, nous apprend un sondage Segma-Le Soleil publié hier.



Les chiffres parlent fort. Pas moins de 65% des 1800 répondants, tous de la ville de Québec, estiment que l'Assemblée nationale doit adopter le projet de loi parrainé par le Parti québécois. Celui-ci vise à empêcher toute contestation judiciaire de l'accord entre la Ville et Quebecor Media pour la gestion du nouvel amphithéâtre.

Ce sondage contient d'autres bonnes nouvelles pour le maire Labeaume: 80% des répondants se disent satisfaits de son travail et plus des deux tiers d'entre eux estiment qu'il s'est montré assez transparent dans ses négociations avec Quebecor Media.

L'impact de ce sondage risque d'être majeur. D'une part, ses résultats inciteront sans doute Éric Caire et Marc Picard, les deux députés indépendants de l'Assemblée nationale, à la prudence. La semaine dernière, ils ont d'abord refusé le dépôt du projet de loi avant de changer d'idée, réalisant qu'ils pourraient utiliser leur droit de veto à une étape subséquente.

Ce refus initial leur a valu une volée de bois vert du maire Labeaume, qui les a pourfendus à la radio. «C'est épouvantable, ce que ces gars-là ont fait, des gars de la région en plus!»

MM. Caire et Picard représentent en effet des circonscriptions de la grande région de Québec. Aujourd'hui, ils s'interrogent sûrement sur le prix politique à payer s'ils maintiennent leurs réserves face au projet de loi. Le tribunal de l'opinion publique réserve des pièges aux politiciens. S'opposer à ses conclusions est très risqué.

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On connaîtra bientôt la date de la commission parlementaire où le projet de loi sera étudié. Une fois l'exercice terminé, je ne serais pas étonné si Amir Khadir, député de Québec solidaire, restait le seul opposant.

Contrairement à MM. Caire et Picard, la pression des gens de Québec a peu d'impact sur M. Khadir puisqu'il est député de Mercier, circonscription du Plateau Mont-Royal. Et si on se fie à sa déclaration de la semaine dernière, il demeurera fidèle à ses principes plutôt qu'appuyer un projet de loi ne correspondant pas à ses valeurs. Se retrouver seul de son camp ne l'effraie pas.

«Si les deux partenaires, M. Labeaume et Pierre Karl Péladeau, sont déterminés à ce que l'entente soit exactement comme présentée, c'est-à-dire grandement à l'avantage du partenaire privé, et énormément de risques et peu d'avantages pour le public, et qu'ils ont besoin d'un bouc émissaire si jamais ça ne marche pas, pas de problème, je suis prêt à assumer», a-t-il dit.

Il serait étonnant que M. Khadir estime soudainement l'entente mieux équilibrée. M. Labeaume peut se montrer convaincant, mais son pouvoir de persuasion comporte ses limites.

Personnellement, je ne juge pas l'accord entre la Ville de Québec et Quebecor Media aussi sévèrement que M. Khadir. Pour la Ville, la clé constitue le paiement par Quebecor Media d'une somme forfaitaire de 63,5 millions en retour du droit d'appellation du nouvel amphithéâtre, si une équipe de la LNH s'y installe. Dans le cas contraire, cette somme chute à 33 millions.

Comme l'a dit M. Péladeau lors de l'annonce en mars dernier, il s'agit d'argent «up front», et non pas de versements étalés sur plusieurs années. Cette façon de procéder, nettement à l'avantage de la Ville, est exceptionnelle dans des cas d'identification d'édifice.

Cela dit, cette somme de 63,5 millions est largement inférieure à l'investissement de 100 millions du groupe Katz, propriétaire des Oilers d'Edmonton, dans le financement de l'amphithéâtre projeté de l'équipe.

Pour obtenir sensiblement les mêmes avantages que ceux consentis à Quebecor Media dans la Vieille Capitale, le groupe Katz versera 36,5 millions de plus! Sur ce plan, le maire d'Edmonton a réussi une meilleure négociation que son homologue de Québec.

Le maire de Québec l'emporte cependant sur le plan de sa négo avec le gouvernement provincial: le Québec versera 200 millions pour le nouveau Colisée alors que l'Alberta refuse toujours d'investir le moindre dollar dans le projet des Oilers.

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MM. Labeaume et Péladeau réussiront-ils à protéger leur entente par une loi spéciale? Chose certaine, ils augmenteraient leurs chances en retouchant avant la commission parlementaire certains points de l'accord.

Les chances que le nouvel amphithéâtre, sans équipe de la LNH, génère des profits uniquement grâce à des spectacles sont minces, surtout dans un marché de la taille de Québec.

Or, dans ce cas, il est prévu que le Ville obtienne 15% des éventuels profits liés aux activités de l'amphithéâtre, mais assume 50% des pertes, jusqu'à concurrence du loyer annuel versé par Quebecor Media. Un meilleur équilibre serait bienvenu.

Ensuite, l'entente est explicite à propos des impôts fonciers, dont Quebecor Media est exempté. Le texte prévoit que même si l'entreprise devait payer ces taxes, la Ville de Québec l'indemnisera de «tout manque à gagner découlant de ces taxes imprévues». Ce coût éventuel à la charge de la Ville n'est ni estimé ni plafonné.

Enfin, l'entente ne fournit aucune assurance quant au maintien des éventuels nouveaux Nordiques à Québec. À Edmonton, le groupe Katz s'est engagé à conserver les Oilers dans cette ville pendant 35 ans si le nouvel amphithéâtre est construit. Moralement, cela renforce sa position.

On surveillera dans les prochains jours l'évolution du dossier. Chose sûre à Québec, cette commission parlementaire est aussi attendue qu'une finale de la Coupe Stanley.