On dit parfois que le hockey et la politique sont les deux sports préférés des Québécois. Il y a du vrai dans ce dicton même si, hélas, les cotes d'écoute d'un match éliminatoire du Canadien à RDS écrasent celles d'une soirée électorale, tous réseaux confondus!

Assis devant la télé lundi, j'ai encore été frappé par les similarités entre la politique et le sport. Au moment décisif, les émotions sont à fleur de peau. La joie du gagnant n'a d'égale que la peine du perdant.

Ainsi, pour un Thomas Mulcair, un Gilles Duceppe. Pour un médaillé olympique, un malheureux quatrième. Pour un Stephen Harper, un Michael Ignatieff. Pour un champion de la Coupe Stanley, un triste finaliste.

Dans les deux cas, l'échec est sanctionné. Démission de chefs de parti ou congédiement d'entraîneurs, tout relève de la même dynamique: l'avenir appartient aux gagnants. Au mieux, les perdants ont droit à un merci.

L'instantanéité et la brutalité des conséquences sont exceptionnelles. Voilà sans doute pourquoi le sport et la politique nous captivent tant. Peu importe notre interprétation des faits - et on sait combien chacun peut analyser différemment l'échec du Bloc ou celui du Canadien -, un résultat est un résultat. C'est clair, net et... fascinant.

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Ce ne fut pas une bonne soirée pour les candidats associés au sport. Les quatre plus connus ont mordu la poussière: deux conservateurs, Larry Smith et Gary Lunn; un libéral, Ken Dryden; et un bloquiste, Marc Lemay.

Comme président des Alouettes, Larry Smith a obtenu du succès, même si son départ, à l'issue de la saison dernière, n'a pas entraîné de larmes.

Avec son enthousiasme quasi juvénile, Smith s'est lancé dans l'aventure politique en mesurant mal la portée de ses déclarations. Il a donné le ton dès sa nomination au Sénat, en décembre dernier, évoquant la perte financière «catastrophique» qu'il consentait en acceptant un salaire de 132 300 $ par année!

Le futur candidat a ainsi montré combien ses années dans le sport professionnel, même s'il ne s'agit que de la Ligue canadienne de football, l'avaient coupé de la réalité. Bizarre pour un homme se vantant d'être proche des fans et de leurs préoccupations.

La suite des événements démontra que Smith aurait dû éviter l'arène politique. Sa déclaration incendiaire sur l'importance relative du français pour les jeunes Québécois, couplée à ses propos sur l'avantage des citoyens d'une circonscription à voter du «bon bord» l'ont achevé.

En six petits mois, Larry Smith a entaché son image et miné sa crédibilité. Parions qu'il s'ennuie déjà des Alouettes. Non, la politique n'est pas pour tout le monde.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Larry Smith

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Ken Dryden n'a pas connu plus de succès lundi, mais sa sortie fut élégante. L'ancien gardien du Canadien, six fois gagnant de la Coupe Stanley, a réagi à sa défaite avec le cran d'un champion.

«Je suis entré en politique il y a sept ans afin d'accomplir quelque chose d'utile. C'est ce que je veux continuer de faire.»

La carrière de Dryden au sein du Parti libéral n'a pas été à la hauteur de ses ambitions. Ministre du Développement social dans le gouvernement de Paul Martin, il s'est lancé dans la course à la direction du parti en 2006. Sa campagne sans éclat l'a mal servi et il fut vite éliminé.

Battu par un conservateur lundi, Dryden a été incapable de conserver une circonscription libérale depuis près de 50 ans. La déception est sûrement grande, lui qui ne fut pas souvent éliminé en première ronde.

Le bloquiste Marc Lemay, lui, a été balayé par le tsunami néo-démocrate au Québec.

Avant de se lancer en politique, Lemay, député d'Abitibi-Témiscamingue, a été de tous les combats pour l'essor du cyclisme et la défense des francophones dans le sport canadien. L'inclusion du vélo de montagne aux Jeux olympiques, c'est un peu à lui qu'on la doit.

Si la passion du sport l'habite toujours, Marc Lemay trouvera une nouvelle façon de s'engager.

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L'élection a aussi emporté Gary Lunn, ministre d'État au Sport amateur. La victime d'Elizabeth May, du Parti vert, c'est lui!

Lunn n'aura pas marqué le sport. En lui confiant ce poste et la responsabilité des Jeux de Vancouver en 2008, Stephen Harper l'a en fait rétrogradé. Auparavant, Lunn était ministre des Ressources naturelles, où il fut mêlé à la controverse du réacteur nucléaire de Chalk River.

Dans son livre sur les Jeux, John Furlong, le grand patron du comité organisateur, ne mentionne que deux fois le nom de Lunn, rappelant des anecdotes sans intérêt. Cela en dit long sur l'impact du ministre.

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Marc Lemay, Ken Dryden et Gary Lunn défendent des idées politiques différentes. Mais la rebuffade de lundi leur fait mal de la même façon. Au journal abitibien La Frontière, Lemay a déclaré: «C'est mon pire cauchemar et demain, le réveil sera brutal».

Dans son bureau de l'Impact de Montréal, où il occupe un poste de vice-président, Richard Legendre comprendra cette réaction.

Ministre des Sports dans le gouvernement Landry, où il a accompli un travail remarquable, Legendre a vite pris goût à la politique après ses années dans le tennis. Une peine immense l'a envahi lorsque la vague adéquiste de 2007 l'a emporté.

Il y a des revers pour lesquels les gens ne sont pas préparés, même lorsque la compétition fait partie de leur vie depuis toujours. La politique est un sport cruel.

Photo: Fernando Morales, The Globe and Mail

Ken Dryden