Neuf heures d'autobus. C'est ainsi que Guy Carbonneau a célébré son retour derrière le banc le 8 février dernier. Les Saguenéens de Chicoutimi amorçaient un séjour en Abitibi et leur nouvel entraîneur a vite compris que le confort de la Ligue nationale était derrière lui.

Si au moins le succès avait été au rendez-vous! Mais non. La fin de saison des Sags a été aussi interminable que ce voyage n'en finissant plus, sur une route gelée, au milieu de l'hiver québécois. L'équipe a perdu ses sept dernières rencontres du calendrier régulier, avant de s'incliner en quatre petits matchs, au premier tour des séries éliminatoires, contre les Voltigeurs de Drummondville.

Lorsque Carbonneau a répondu à mon appel hier, j'ai cru le retrouver grognon, voire désabusé. Pas du tout. L'ancien coach du Canadien est certes déçu de l'élimination de son équipe - «Après tout, on est dans ce métier pour gagner», rappelle-t-il -, mais le plaisir de replonger dans le vif de l'action l'a emporté sur tous les désagréments.

«Eh, les autobus, ce n'est plus comme dans l'temps! lance-t-il, d'entrée de jeu. On profite de la télé satellite et de l'internet. J'avais mon iPad et tout allait bien. Les hôtels? Bien oui, on couche au Quality Inn, pas au Ritz. Mais tu sais, lorsqu'on aime ce qu'on fait, tout cela ne compte plus.

«Regarde Patrick Roy, ajoute-t-il. Il a encore moins besoin que moi de travailler. Mais il dirige son équipe parce qu'il est heureux dans le hockey. Et puis je savais dans quoi je m'embarquais. Notre club a connu des hauts et des bas, mais j'ai vécu une belle expérience.»

Derrière son air parfois insolent, qui déplaît tant à ses détracteurs, Carbo est un homme dont la passion pour le hockey demeure vive. Il n'a pas abandonné son rêve de diriger de nouveau une équipe de la LNH.

«Le but de tout le monde, c'est de monter, dit-il. Mais si je n'ai pas d'autres offres, je n'aurai aucun problème à retourner derrière le banc des Saguenéens en septembre prochain. Je veux rester dans le hockey.»

Les équipes juniors connaissent des cycles liés à l'âge de leurs meilleurs joueurs. Carbonneau entreprenait une mission ingrate en prenant charge des Saguenéens, certes pas les favoris pour tout rafler sur leur passage. Si, contre toute attente, ils avaient réalisé des exploits, la cote de Carbo aurait monté en flèche. Comme ce n'est pas le cas, sa capacité à communiquer avec les jeunes est plutôt remise en cause.

Même si le sujet l'irrite, Carbo l'aborde franchement. «On vit dans un monde où la communication avec les enfants, les ados et les adultes est souvent difficile. Mais lorsque je dirigeais le Canadien, demande à Tomas Plekanec, Alexei Kovalev ou Carey Price s'ils avaient des ennuis à communiquer avec moi. Ils te répondront non.

«Je connais néanmoins mes faiblesses, ce qui, je pense, est un avantage. Je ne suis pas le gars qui s'ouvre le plus facilement. C'est pourquoi je suis allé chercher Kirk Muller comme adjoint avec le Canadien.

«En théorie, j'aurais dû choisir un ancien défenseur puisque Doug Jarvis, mon autre adjoint, était comme moi un ancien attaquant. Mais je savais que Kirk apporterait une dimension utile. Lorsqu'un joueur a un problème, il va d'abord voir l'adjoint, pas le coach.

«Et puis, un entraîneur parfait, ça n'existe pas. Certains, comme Jacques Lemaire, sont de grands tacticiens; d'autres, comme Jacques Demers, sont d'extraordinaires communicateurs. À chacun ses atouts.»

Carbonneau souligne n'avoir jamais oublié une phrase de John McEnroe, à l'époque où il divisait les amateurs de tennis. «Peu importe ce que je fais, 50% des gens m'aimeront et 50% ne m'aimeront pas», avait dit l'enfant terrible des courts.

Cette déclaration, croit-il, s'applique bien à lui. Et l'opinion des «chialeurs», pour reprendre son expression, ne trouble pas son sommeil. Au cours des prochains jours, il rencontrera ses joueurs afin de dresser le bilan de leur saison. Pour un entraîneur, c'est aussi cela, communiquer.

Les ennuis du Canadien n'échappent pas à Carbonneau.

«La compétition est féroce dans la Ligue nationale, rappelle-t-il. Beaucoup d'équipes se battent pour une place en séries. Le Canadien a perdu plusieurs bons joueurs en raison de blessures, notamment Andrei Markov, et ça fait mal à l'équipe. L'absence de Max Pacioretty a aussi brisé un certain équilibre.»

Avant de reprendre du service derrière un banc, Carbonneau était en voie de se forger une intéressante carrière d'analyste dans les médias électroniques, en français comme en anglais. S'il choisit au bout du compte de ne pas retourner à Chicoutimi, il pourrait reprendre là où il a laissé. Ses opinions tranchées font de lui un interlocuteur intéressant.

Mais s'il veut réellement obtenir une deuxième chance dans la LNH, Carbo devra se résoudre à quitter le Québec. De plus en plus, la porte d'entrée pour accéder à la LNH se situe dans la Ligue américaine. Travailler avec des joueurs professionnels augmenterait ses chances d'atteindre son objectif.

Peu importe son choix, le plan de match de Carbo est simple: «Je veux vivre heureux», dit-il. Et son bonheur passe par le hockey, peu importe s'il se conjugue derrière un banc ou un micro.