Guy Lafleur a mal dormi dans la nuit de samedi à hier. Il savait qu'au réveil, il disputerait l'ultime match de sa tournée d'adieu. Et cela, dans la ville où tout a commencé pour lui.

En février 1962, alors âgé de 10 ans, Lafleur a foulé pour la première fois la glace du Colisée dans le cadre du tournoi international de hockey pee-wee. Ce fut le début de l'histoire d'amour entre Québec et lui.

«Aujourd'hui, avant d'arriver au Colisée, je suis passé par la 1re Avenue et le boulevard Benoît XV, où j'habitais lors de mon arrivée à Québec dans les années 60», a raconté Lafleur, après le match des anciens Nordiques contre les anciens Canadiens.

«C'est vraiment ici que ma carrière a commencé. Après mes trois participations au tournoi pee-wee, l'organisation des As juniors a insisté pour que je poursuive mon hockey mineur à Québec. Mon père a finalement donné son accord lorsque j'ai fêté mes 14 ans. J'étais content même si ce ne fut pas facile de me retrouver si jeune loin des miens. Mais un an plus tard, je ne voulais plus partir.»

Il tombait sous le sens que Lafleur range ses patins dans ce Colisée qui l'a vu grandir. Bien sûr, ses exploits dans l'uniforme du Canadien ont défini son héritage. Mais je suis sûr, ne pas avoir été le seul, durant le match d'hier, à fermer les yeux et revoir, au fond de mes souvenirs, les montées à l'emporte-pièce de l'ancien capitaine des Remparts.

Comment oublier cette soirée magique de février 1970, quand il a déjoué six fois le gardien adverse - six fois! - pour atteindre le cap des 100 buts en saison régulière? Comment oublier ces matchs violents du printemps 1971 contre les Black Hawks de Ste. Catherines, prélude à la conquête de la Coupe Memorial, un exploit que même Jean Béliveau n'avait pas réussi avec les Citadelles 20 ans plus tôt?

Je n'avais qu'une dizaine d'années à l'époque. Mais comme tous les jeunes de ma génération originaires de Québec, ma fascination avec Guy Lafleur a commencé bien avant son passage dans le chandail tricolore.

Lafleur n'en ignore rien. Il connaît son impact dans l'histoire sportive de la Vieille Capitale. Voilà pourquoi sa voix a craqué lorsqu'il s'est adressé aux 12 000 spectateurs après la rencontre. À la fin de son allocution, beaucoup d'amateurs avaient les larmes aux yeux.

«J'ai eu des années vraiment extraordinaires à Québec, a-t-il dit. C'est ici que j'ai développé mon talent pour atteindre la Ligue nationale. À tous les jeunes qui sont ici aujourd'hui, je vous souhaite de réaliser votre propre rêve. Rien n'est impossible. Moi, je viens de Thurso, un petit village de 2500 personnes, et je croyais que je n'aurais pas de chance dans la vie.»

Lafleur a ensuite évoqué la passion qu'il a toujours éprouvée pour son sport. Il a eu peine à compléter sa phrase, les applaudissements prenant le dessus.

Ce fut un bien beau moment.

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Photo: Le Soleil

Guy Lafleur était bien entouré, hier, au Colisée de Québec. Parmi les invités: Anton Stastny, Joe Sakic, Peter Stastny et Marian Stastny.

«Ce n'est qu'une question de temps!» a lancé Lafleur, lorsque je lui ai plus tard demandé s'il croyait au retour des Nordiques dans la LNH. Dans son esprit, le circuit Bettman devra faire confiance à Québec et à Winnipeg, des villes où la passion des amateurs est au rendez-vous.

Lafleur ne détient pas d'informations privilégiées. Mais il suit avec intérêt l'évolution de l'affaire. La misérable petite chambre des joueurs du club visiteur au Colisée, où les journalistes s'empilaient autour de lui après la rencontre, a renforcé son appui au projet de nouvel amphithéâtre!

À Québec, la perspective d'accéder de nouveau au circuit Bettman meuble les conversations. Et plusieurs nouvelles sont analysées en fonction de ce dossier.

Ainsi, samedi, le président et co-chef de la direction de Power Corporation, André Desmarais, a confirmé l'investissement de sa société dans le Groupe des Remparts de Québec. Power Corp, qui est notamment propriétaire de La Presse, détient désormais 25% des actions du Groupe des Remparts. Les autres partenaires sont Jacques Tanguay, Patrick Roy et Michel Cadrin.

Même si M. Desmarais a affirmé avec fermeté que Power Corp n'avait pas l'intention d'acquérir une équipe de la LNH, cette étonnante prise de participation a ouvert la porte à plusieurs conjectures. Prudent, M. Desmarais a d'ailleurs déclaré: «On ne sait jamais ce que le futur peut apporter.»

Il serait étonnant que Power Corp prenne la tête d'un groupe souhaitant doter Québec d'une équipe de la LNH. Ce type d'investissement à haut risque, dont le niveau de rentabilité dans un marché de cette taille demeure suspect, ne fait pas partie des habitudes de la société. M. Desmarais l'a d'ailleurs rappelé.

En revanche, est-il possible que Power Corp fournisse éventuellement son appui à un groupe possédant pareille visée? Rien ne l'indique pour l'instant. Mais maintenant que cette entreprise a plongé dans le développement du sport à Québec, bien malin qui peux prédire l'avenir avec certitude.

Cela dit, la Ville de Québec pourrait faire connaître son partenaire dans le dossier du nouveau Colisée avant la mi-avril.

Selon mes informations, certaines firmes intéressées ont déposé vendredi leur proposition à Yvon Charest. Le président de l'Industrielle Alliance agit à titre de mandataire du maire Régis Labeaume dans ce dossier. Quebecor a remis un dossier étoffé, qui répond à chacune des préoccupations de la Ville de Québec. Le duo Bell-evenko a aussi transmis son projet.

La Ville de Québec scrutera les dossiers et aura sûrement beaucoup de questions à poser aux soumissionnaires. D'autres rebondissements sont susceptibles de se produire et d'autres joueurs pourraient se manifester, notamment du côté américain.

À partir de maintenant, la vraie bagarre s'enclenche.

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Peu importe la suite des événements à Québec, la belle journée d'hier ne sera pas oubliée de sitôt. «Je vous fais un adieu comme joueur, mais un au revoir comme personne», a ajouté Lafleur, en s'adressant au public.

Quelques minutes plus tard, aux journalistes s'informant si le plaisir de filer sur une patinoire patins aux pieds l'incitera à endosser de nouveau l'uniforme, il a rétorqué, dans un grand éclat de rire: «Non! Si je retourne sur une glace, ce sera en bottines, comme à l'enfance!»

Guy Lafleur a quitté le Colisée, «son» Colisée, heureux et soulagé.

Photo: Le Soleil

«Je vous fais un adieu comme joueur, mais un au revoir comme personne», a dit Guy Lafleur aux spectateurs présents dans «son» Colisée, hier.