Ce sont deux grandes équipes qui se sont affrontées, hier à Dallas, dans ce Super Bowl enlevant, qui nous a gardés sur le bout de notre siège jusqu'à la fin. Deux grandes organisations, aussi, qui représentent des modèles de réussite dans le sport professionnel.

D'un côté, les Packers de Green Bay, un club légendaire, propriété de 112 000 actionnaires, tous des fans de l'équipe. Un club qui dévoile publiquement ses résultats financiers chaque année, une exception dans l'univers hyper hermétique de la NFL. Un club établi dans le plus petit marché de son circuit, mais qui compte des partisans aux quatre coins de l'Amérique.

De l'autre, les Steelers de Pittsburgh, un club à la tradition tout aussi unique, habitué des matchs du Super Bowl, et dirigé par tout juste trois entraîneurs différents au cours des 42 dernières années. (Pour illustrer à quel point il s'agit d'une anomalie, je rappelle que 17 hommes se sont succédé derrière le banc du Canadien durant la même période!)

Dans la société américaine, les Steelers peuvent aussi se targuer d'un fait rare: ils ont été des acteurs de changement social. C'est sous leur leadership que la NFL a obligé ses équipes à interviewer des candidats afro-américains lorsqu'elles recherchent un nouvel entraîneur. Ce simple geste a ouvert la porte à des hommes qui la croyaient pourtant fermée à double tour.

Entre les Packers et les Steelers, il n'était pas facile de faire un choix sentimental, hier. Leur philosophie se situe à des années-lumière des organisations les plus arrogantes de la NFL. D'ailleurs, quelle sympathique ironie que leur spectaculaire affrontement d'hier ait été présenté au domicile des Cowboys de Dallas.

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Au bout du compte, les Steelers n'ont pas établi un nouveau chapitre dans l'histoire du Super Bowl. Ils auraient pu devenir la première équipe à remporter ce match après avoir tiré de l'arrière par 10 points et plus à la demie. Après la blessure subie par Charles Woodson peu avant la mi-temps, j'aurais pourtant misé sur leurs chances. Sans leur numéro 21, les Packers n'ont pas le même mordant en défense. Et Ben Roethlisberger est venu près d'en profiter.

«Big Ben» a profité d'une splendide occasion de mériter une place dans le panthéon des grands joueurs. Une remontée, avec deux minutes à écouler au match, lui aurait valu un troisième titre du Super Bowl et une fiche de 11 victoires et deux revers en matchs éliminatoires. Mais il en fut incapable. Les Packers ont puisé au fond de leurs ultimes réserves d'énergie pour stopper l'attaque des Steelers.

La plus vieille loi du football a fait la différence. Éviter les revirements constitue la clé du succès... et les Steelers en ont été incapables. Les Packers ont inscrit 21 points à la suite de deux passes interceptées et d'un ballon échappé. Se remettre de pareilles erreurs représente un trop lourd défi.

Choisi joueur par excellence du match, Aaron Rodgers mérite cet honneur. Ce jeune homme a parcouru un chemin remarquable depuis qu'il fut choisi héritier de Brett Favre, un rôle qui demandait des nerfs d'acier. Succéder à une légende vivante n'est pas à la portée de tous. Mais Rodgers, bien encadré par ses entraîneurs, est demeuré concentré sur ses objectifs. Il a progressé à chaque saison jusqu'au couronnement d'hier. Impressionnant.

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Le match terminé, le commissaire Roger Goodell était fier de dire que le trophée Vince Lombardi rentrait à la maison. Il aurait eu le droit d'ajouter à quel point cette victoire démontrait la qualité du modèle organisationnel de la NFL.

La petite ville de Green Bay, perdue dans le Midwest américain, se retrouve ce matin championne du Super Bowl. Elle dame le pion à New York, Chicago, Philadelphie, Houston... Tout cela parce que le partage des revenus représente une façon de vivre dans la NFL depuis l'époque de Pete Rozelle. L'égalité des chances n'est pas seulement un mythe, mais une réalité.

Goodell avait raison de sourire sur la tribune. Mais à partir d'aujourd'hui, il fait face au plus lourd défi de sa carrière: conclure avant le 4 mars prochain une nouvelle convention collective avec l'Association des joueurs. Les deux parties ont discuté samedi pour la première fois depuis le mois de novembre, mais un travail gigantesque reste à accomplir.

En fait, le défi de Goodell est plus rude que celui auquel Ben Roethlisberger s'est buté avec deux minutes à faire au match d'hier! Souhaitons au commissaire plus de succès avec son propre two-minute drill

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