Un formidable bond en avant se prépare aux Jeux olympiques d'hiver. En avril prochain, le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, pourrait confirmer l'ajout de 11 épreuves au calendrier des Jeux de Sotchi, en 2014.

Ces compétitions s'inscrivent au coeur des nouvelles orientations du CIO. D'abord, favoriser l'équité entre les athlètes masculins et féminines dans les sports traditionnels. Ensuite, dynamiser les Jeux en intégrant des disciplines auxquelles les jeunes s'identifient.

Les spectaculaires courses de ski cross, qui ont fourni aux Jeux de Vancouver une injection d'adrénaline, incarnent cette transformation. En 2014, on saluera sans doute l'entrée en scène du slopestyle en ski et en surf des neiges. Les émotions fortes seront au rendez-vous! Le slopestyle se déroule sur une piste dotée de rails et de tremplins. Suffit de regarder une vidéo de ce sport sur le web pour saisir à quel point la Commission des programmes du CIO, chargée de recommander l'addition de nouvelles épreuves, a rompu avec le traditionalisme.

«Ces épreuves se sont développées à l'extérieur des fédérations internationales, note Walter Sieber, seul Canadien membre de cette commission. Aujourd'hui, elles sont reconnues par ces mêmes fédérations et se retrouvent à la porte d'entrée des Jeux. Il s'agit d'une belle ouverture sur la jeunesse. Ces sports ont développé une culture particulière, avec des vêtements et un langage qui leur sont propres.»

Des courses de demi-lune en ski pourraient aussi faire leur apparition à Sotchi, ainsi qu'un volet féminin pour le saut à ski, un relais mixte en biathlon, un relais en luge et des manches par équipe en patinage artistique et en ski alpin.

Aux Jeux de Vancouver, 86 épreuves ont été présentées. Ce chiffre pourrait bondir à 97 à Sotchi. Pour cela, suffit que la qualité des championnats tenus au cours des prochaines semaines dans ces nouvelles disciplines corresponde aux attentes du CIO. L'hiver 2011 constitue l'examen final.

L'énergie qui anime les Jeux d'hiver est captivante. Renouveler une institution centenaire, engoncée dans ses traditions, représente un défi redoutable. Le CIO a saisi ce mandat à bras-le-corps et relève le pari.

Voilà pourquoi la position de la Ville de Québec dans le dossier de la descente masculine me semble dépassée. Rappelez-vous: en novembre dernier, Régis Labeaume, commentant une éventuelle candidature de la Vieille capitale en vue des Jeux d'hiver de 2022, a déclaré au Soleil que cette course devait absolument avoir lieu dans la région. Bref, pas question d'envisager un déplacement à Lake Placid, en Gaspésie ou dans l'Ouest canadien. «S'il n'y a pas de montagne pour la descente des hommes à Québec, il n'y aura pas de candidature, c'est aussi simple que ça», a dit le maire.

Vous connaissez la suite: six semaines plus tard, la Fédération internationale de ski (FIS) a écarté net et sec les pistes du Massif de Charlevoix. Le cap Maillard manque de hauteur et le mont à Liguori, de panache, a tranché la FIS. Convaincre l'élite européenne du ski de changer d'opinion à ce sujet relève presque de la science-fiction. À moins d'un improbable renversement de situation, le Massif n'accueillera jamais la descente masculine.

Le maire Labeaume s'est fait discret depuis le verdict de la FIS, réclamant du temps pour étudier l'argumentaire. Il a néanmoins réitéré sa position: la descente masculine doit avoir lieu dans la région. «Je pense toujours la même chose», a-t-il déclaré au Soleil. Cela le peinture dans un coin. S'il est conséquent avec lui-même, il pourrait devoir annoncer bientôt la fin du rêve olympique de Québec. Pareil entêtement serait dommage.

Les Jeux d'hiver, c'est beaucoup plus que la seule descente masculine. Nous ne sommes plus en 1968! Les Jeux ont changé comme en font foi les nouvelles disciplines au programme. De plus, des solutions existent pour contourner la difficulté de la descente. Et il ne s'agit pas de solutions loufoques, comme hausser artificiellement le sommet d'une montagne.

L'article 35 de la Charte olympique est limpide. À l'alinéa 1, il énonce un principe général, valide pour les Jeux d'été et d'hiver. «Toutes les compétitions sportives doivent avoir lieu dans la ville hôte des Jeux olympiques, sauf si la commission exécutive du CIO autorise l'organisation de certaines épreuves dans d'autres villes, lieux ou sites du même pays.»

À l'alinéa 2, on retrouve cette disposition supplémentaire, qu'on croirait écrite pour Québec! «Pour les Jeux olympiques d'hiver, lorsque pour des raisons géographiques ou topographiques, il est impossible d'organiser certaines épreuves ou disciplines d'un sport dans le pays d'une ville hôte, le CIO peut, à titre exceptionnel, en autoriser le déroulement dans un pays limitrophe.»

Voilà, c'est clair et précis: la descente masculine peut avoir lieu à Vancouver, Calgary ou Lake Placid. «Si Québec avait obtenu les Jeux de 2002, la Fédération de ski aurait accepté la tenue de la descente dans l'Ouest canadien, précise Walter Sieber. Les skieurs sont habitués aux voyages.»

Le village de Lake Placid, dans l'État de New York, est aussi prêt à aider Québec, comme l'a confirmé le maire Craig Randall au Soleil. Cela dit, M. Sieber, de son ton réservé habituel, affiche une nette préférence pour l'Ouest canadien. Il est plus facile, à son avis, de tenir les Jeux dans un seul pays plutôt que deux, même si les distances entre les sites sont plus éloignées.

Québec aurait avantage à méditer les paroles de M. Sieber, qui ne parle jamais pour ne rien dire. Aucun Canadien, pas même Richard Pound, n'est plus familier avec la mécanique olympique.

Mettre fin au projet des Jeux d'hiver à Québec parce qu'un seule épreuve sur 97 ne pourra y être présentée est absurde. Dites-moi que je rêve, M. Labeaume!