Le lecteur me pardonnera, ce n'est pas une chronique que je lui présente ce matin. C'est une lettre, une lettre à Éric Duhaime, l'animateur de radio du FM93. Éric commente (comme moi) l'actualité au 98,5 FM à Montréal.

Éric s'est retrouvé dans les manchettes, hier, pour sa collaboration à un site de merde qui surfe sur la haine de l'Autre, j'ai nommé The Rebel, un site canadien qui n'a apparemment jamais rencontré de crackpot assez fou pour ne pas collaborer avec lui...

Je ne parle pas de toi, Éric.

Toi, dans ce Rebel que Paul Arcand a qualifié hier d'« aquarium de cinglés », tu fais figure de modéré. Ça en dit plus long sur tes collègues que sur toi.

Jack Posobiec, correspondant de The Rebel à Washington, croit qu'Emmanuel Macron est téléguidé par des maîtres occultes qui l'ont drogué pour mieux le contrôler, une fois qu'il serait président.

Faith Goldy, envoyée à Québec pour couvrir le massacre de la mosquée pour The Rebel, a poussé sans relâche sur cette théorie détestable, maintes fois démontée, selon laquelle le tireur avait un complice musulman.

Gavin McInnes a publié sur The Rebel une vidéo qui a été applaudie par les néonazis américains David Duke et Richard Spencer. Titre de la vidéo : « 10 choses que je déteste à propos des juifs ». Son boss, Ezra Levant, a plaidé le second degré en le défendant.

C'est à ça que tu participes, Éric. À un site dont les stars carburent au conspirationnisme et au rejet de l'Autre. Lis-tu le fil Twitter du patron de The Rebel, Ezra Levant, des fois ? Pour jeter l'anathème sur les musulmans, c'est un premier de classe.

C'est pour ça, pour ta participation à The Rebel, que tu t'es retrouvé dans La Presse, hier...

Parce que Posobiec - le gars qui pense que Macron est drogué par ses maîtres, le gars qui fut l'un des premiers à publier les documents volés à la campagne de Macron - a dit à un site américain (BuzzFeed) que la section québécoise de The Rebel l'avait aidé à traduire des documents volés chez Macron...

Il ne t'a pas nommé, dans BuzzFeed, Éric.

Mais ça a allumé des lumières, au Québec : la section québécoise de The Rebel, Éric, c'est toi !

Le journaliste Philippe Teisceira-Lessard de La Presse t'a donc contacté. Tu ne lui as pas répondu. Du moins, pas avant jeudi soir, juste avant la publication...

Posobiec, lui, a répondu à Philippe : il lui a dit que oui, tu avais traduit pour lui des documents des MacronLeaks. Il a dit que tu étais un héros du quatrième pouvoir. Il n'a jamais dit : « Éric Duhaime, who's that guy ? ! »

Posobiec a écrit à Philippe pour se dédire : il déconnait, tu n'avais rien à voir dans tout ça. Toi aussi, tu as nié. Plus tard, le Rebelle-en-chef Ezra Levant a écrit à Philippe pour déclarer que Posobiec l'avait « trollé », qu'il l'avait niaisé, en bon québécois.

OK... Quand même drôle que Posobiec ait niaisé le site américain BuzzFeed à propos de la filière québécoise des MacronLeaks, non ?

Tu vois, Éric, c'est suspect, cette volte-face.

La réponse originale de Posobiec semblait vraie et sincère. La Presse a donc publié la chronologie des versions successives, avec ton démenti envoyé jeudi soir, par écrit...

Et hier, tu t'es promené partout pour donner des entrevues où tu as reproché - FAKE NEWS ! - à La Presse d'avoir publié cette histoire, puisque tu l'avais démentie. Ça t'a permis d'adopter une de tes positions préférées : victime. Pauvre moi, aaaaah, pauvre moiiiiiiiii, regardez ces gauchistes qui m'en veulent...

T'as fini de pleurer, dis ?

Si quelqu'un t'a mis dans le pétrin, Éric, c'est pas La Presse, c'est ce Posobiec.

Oui, Éric, je sais que tu as nié avoir traduit des documents des MacronLeaks pour Posobiec...

J'aimerais te croire, Éric.

C'est juste que j'ai de la misère à te croire : tu dis si souvent des choses fausses ! 

Je ne parle même pas de débilités ordinaires qui sortent de ta bouche - tu te souviens, quand tu as comparé les agressions sexuelles à l'Université Laval à un vol de char aux portes déverrouillées ? -, non, je parle juste de faits piétinés à un rythme effarant, je parle d'une marque de commerce...

Il y a la fois où tu as dit que Pierre Karl Péladeau n'était pas le John Doe de Julie Snyder, dans la saga de leur séparation. Puis, tu t'es ravisé : mais mes sources étaient « convaincues » que c'était vrai, as-tu dit en guise d'explication à tes auditeurs. J'aimerais publier les « scoops » que mes sources croient vrais, j'en aurais dix par jour, à moi le Pulitzer...

Il y a les fois où tu as dit et répété que les investissements de fonds privés et publics dans Téo Taxi étaient « de l'argent public », ce qui est faux au sens où on définit « l'argent public ». Pas grave. Tu l'as dit et répété. Faut ben taper sur les enverdeurs...

Je te cite : « Manifester contre le réchauffement [climatique] alors qu'il fait zéro à la mi-avril, c'est un peu particulier. » Tu nies ce faisant 97 % des 11 944 études scientifiques publiées entre 1991 et 2011 sur le lien entre l'activité humaine et le réchauffement climatique.

Il y a la fois, mercredi dernier, où en blastant les pauvres tu as dit que l'éducation était un « privilège »... Le premier paragraphe de la Loi sur l'instruction publique te contredit, Éric : on y lit que c'est bel et bien un droit.

Et il y a ma citation préférée, Éric, la fois où tu as dit un truc qui te résume bien, au fond : « Kessé que vous voulez que je vous dise, mieux vaut de la mauvaise information que pas d'information pantoute. »

Puis, hier, dans les entrevues que tu as données au sujet de la nouvelle de La Presse, tu as encore dit des faussetés...

Tu as dit que Philippe Teisceira-Lessard t'a contacté « jeudi ». Tu as aussi dit que tu ne savais pas pourquoi le journaliste de La Presse te contactait, peut-être à propos du 3lien, gros dossier à Québec, as-tu insinué. Faux, Éric, il t'a écrit dès mardi pour dire qu'il voulait te parler des MacronLeaks. Veux-tu voir les captures d'écran ? Moi, je les ai vues.

Et là, quand tu dis que tu n'as rien à voir avec les MacronLeaks ébruités par le site facho auquel tu collabores, il faudrait te croire sur parole ?

Tu vois, Éric, c'est ça, le problème : tu dis si souvent des choses fausses que ta parole, elle ne vaut pas grand-chose.

Je termine avec un compliment. Des fois, je t'écoute et je suis admiratif : tu es un super communicateur.

Dommage que tu communiques si souvent de la m...