Le président désigné des États-Unis d'Amérique Donald Trump a-t-il été filmé au Ritz-Carlton de Moscou avec des prostituées russes dans une séance de golden shower visant à souiller le lit dans lequel Barack Obama avait dormi ?

Je relis la phrase que je viens d'écrire et je me pince, quelle époque, quand même...

Qu'est-ce qu'une golden shower, ou pluie dorée, pour employer une traduction littérale ?

Pensez à l'utilisation de l'urine dans un contexte sexuel. Je n'irai pas plus loin dans la description de cette pratique particulière qui en titille certains et certaines.

« Président des États-Unis » et « golden shower », dans la même phrase...

Ce sont les allégations (non prouvées) qui circulent dans un document (soumis à plusieurs médias américains ces dernières semaines, mais non publié) rédigé par un ancien officier du renseignement (qui n'a pas été identifié) pour le compte de républicains opposés à Trump (puis de la campagne démocrate d'Hillary Clinton).

Bref, avec ce nouveau développement, c'est comme si Donald Trump était un personnage des Jeunes loups, c'est comme si Réjean Tremblay scénarisait la vie du président désigné.

Alors, est-ce vrai ?

C'est le média en ligne BuzzFeed qui a rompu le scellé de la prudence médiatique là-dessus en publiant le rapport, mardi soir. Les autres ont suivi, précisant que les allégations n'avaient pas été confirmées de façon indépendante.

Et c'est ainsi qu'il faut traiter l'info : avec suspicion. Même sa publication pose problème : il n'y a pour ainsi dire pas de confirmation indépendante de ce qui est allégué.

Qu'est-ce qu'une confirmation indépendante ?

Par exemple, s'il était prouvé que Michael Cohen - un avocat de Trump nommé dans ce rapport comme un intermédiaire avec les services secrets russes - est bel et bien allé à Prague pour rencontrer les Russes, ce serait une forme de confirmation indépendante.

Mais oubliez le pipi pré-présidentiel, une seconde...

Ce qui pose problème, ici, ce sont les liens de Trump et de son entourage avec la Russie et la possibilité que les activités de Trump dans ce pays (golden shower ou liens d'affaires) puissent être utilisées par les services secrets russes pour faire chanter celui qui deviendra président des États-Unis le 20 janvier.

Le lecteur attentif n'a pas oublié que Trump a toujours refusé de publier ses états financiers, rompant avec la tradition de plusieurs décennies chez les candidats à la présidence des États-Unis. On ne sait donc pas quels sont exactement ses investissements en Russie. Idem pour ses dettes.

La lectrice attentive se souvient probablement du nom « Paul Manafort », stratège politique et lobbyiste se spécialisant dans les relations publiques de régimes dictatoriaux à Washington. Manafort a contribué à faire élire le président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch, président qui a fui en Russie - dont il était la marionnette - quand les Ukrainiens ont pris la rue, il y a quelques années. M. Manafort a récolté 12 millions US pour ses efforts en Ukraine. Il était un des conseillers de Donald Trump, jusqu'à l'été dernier.

La Russie a même admis, de façon sibylline, des contacts avec l'équipe du candidat Trump, pendant la campagne présidentielle.

Il y a aussi les choix de Trump à des postes clés, comme Flynn (sécurité nationale) et Tillerson (secrétaire d'État), tous deux proches du pouvoir russe, ces dernières années.

Et je ne parle même pas de tous les soupçons qui pèsent sur les efforts de hackers à la solde de la Russie pour pirater des courriels du Parti démocrate, afin de plomber la campagne de Mme Clinton...

Mais même avec tout ce qui est su des liens entre Trump et la Russie, on ne peut cependant pas faire 1 + 1 = Trump est un candidat mandchou, un candidat téléguidé par une force étrangère (la Russie) pour veiller sur ses intérêts alors qu'il s'apprête à diriger son plus grand rival (les États-Unis). Mais ces liens détonnent, disons.

Donald Trump dit et fait des choses bizarres et inexplicables, on n'aurait pas assez de ce numéro de La Presse+ pour les documenter.

Mais ces choses bizarres et inexplicables le sont encore plus quand il est question de la Russie et de son président, Vladimir Poutine...

Trump détonne avec tous les hommes et femmes politiques américains, ceux et celles de son parti inclus : il admire et il lance des fleurs à M. Poutine, un adversaire agressif des États-Unis, un chef d'État qui agit contre les intérêts américains au Moyen-Orient et en Ukraine, par exemple.

Trump a aussi détonné en fissurant un demi-siècle d'unanimité sur les accords d'entraide des pays de l'OTAN : il a déclaré pendant la présidentielle que les États-Unis n'allaient pas honorer automatiquement leurs engagements de défense des pays baltes de l'OTAN, s'ils étaient agressés par la Russie. Une pensée marginale à Washington et qui ne sert qu'un seul pays : la Russie.

Sur l'Ukraine, Donald Trump a affaibli la position très dure de son parti. Avant Trump, le Parti républicain voulait armer les Ukrainiens avec des armes létales pour repousser les agressions russes. Mais l'équipe de Trump a fait changer la plateforme pour l'élection présidentielle, qui parle d'appuyer l'Ukraine avec des « mesures appropriées »...

Donald Trump a-t-il été filmé dans des jeux sexuels gênants quand il était à Moscou, en tant que citoyen privé ?

On ne le sait pas. Rien ne le prouve.

Mais ce qu'on sait, c'est que Donald Trump, si prompt à chercher à se battre avec tout le monde - Meryl Streep, la Chine, une ancienne Miss Monde, Boeing -, se comporte avec Vladimir Poutine comme si le président russe le tenait, justement, par les couilles.

Sources : The Washington PostThe New York Times et NPR, entre autres

* Pas pu résister, désolé, ou comme on dit en russe : prosti. Oui, prosti...

PHOTO ERIC THAYER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le conseiller Paul Manafort a quitté l'équipe électorale de Donald Trump en août dernier, après avoir été marginalisé lors d'un changement de personnel.