Pierre Karl Péladeau va gagner. Il ne peut pas ne pas gagner, n'est-ce pas? Le buzz qui entoure le titan des affaires dans cette course au leadership du Parti québécois est assourdissant. Les coups de sonde confirment ce buzz: le député de Saint-Jérôme récolte 59% d'appuis chez les péquistes, selon un sondage Léger publié dans Le Devoir le week-end dernier.

Mardi, en ne faisant pas le ménage de mon bureau à La Presse, je suis tombé sur ce livre de Pierre Bourgault, Moi, je m'en souviens. Je l'ai ouvert au hasard, page 179, je lis quoi? Je lis ça: «La recette magique pour être élu à la suite d'une campagne électorale, c'est d'en dire le moins possible et même, si possible, de ne rien dire».

J'ai pensé à PKP, bien sûr.

Ben quoi?

Je trouve qu'il ne dit rien, personnellement. Ou si peu. Et quand il dit enfin quelque chose, il se dédit souvent dans la journée. Comme mardi, sur la nécessité d'encadrer la démocratie étudiante: «non» devant les journalistes, puis «oui» dans un communiqué de presse rédigé avec un tas de formules en forme de sorties de secours...

Mais PKP va gagner, c'est sûr.

Le seul suspense de cette course, c'est évidemment de savoir qui terminera second. Au début, Bernard Drainville était la médaille d'argent logique de cette course. Les sondages de l'hiver souriaient plutôt à Martine Ouellet. Ceux du printemps montrent plutôt une montée d'Alexandre Cloutier, député de Lac-Saint-Jean depuis 2007...

Bon, je dis «une montée», mais restons calmes, quand même: le Léger du 11 avril donne 9% des voix à Cloutier, qui, il faut le dire, roule en tandem avec Véronique Hivon, députée de Joliette et gardienne officieuse des sceaux de la compassion et du progressisme au PQ. C'est une carte de visite enviable dans les cercles plus à gauche.

PKP va gagner. Mais il y a comme un moignon de buzz pour le jeune député Cloutier.

Je le dis avec toutes les précautions avec lesquelles il faut manipuler le mot «buzz» lui-même. Personnellement, j'ai levé un sourcil quand un chum médecin, David Lussier, a publiquement appuyé Alexandre Cloutier, sur Twitter.

«Euh, doc, t'es pas fédéraliste, toi?

- J'ai toujours dit que j'attendais un projet de société pour me rallier au PQ. Là, Alexandre Cloutier me montre un projet de société...»

David, qui a pris une carte du PQ, est séduit par «les idées progressistes» du candidat Cloutier. Par son accent sur l'éducation. Sa promesse de votes libres en Chambre, et pas seulement sur les enjeux moraux.

«Et il est loin de l'identitaire auquel le PQ nous a habitués...»

Ah, la Charte des valeurs... PKP ne s'en distancie pas. Drainville la revendique encore. Cloutier la répudie ouvertement et ça plaît beaucoup à ceux qui ont été consternés de voir le PQ se lancer dans la traque aux hijabs et aux turbans, sous Pauline Marois...

Comme Michel Rivard.

Dans la première minute de ma conversation téléphonique avec le chanteur, il a évoqué «le désastre» de la Charte. Souverainiste convaincu, il était «au neutre» depuis longtemps, peu motivé par l'offre politique, même celle de Pauline Marois. Vincent Graton, le comédien, l'a convaincu de s'intéresser au candidat Cloutier. Lui aussi, il a été séduit par l'ancien (et obscur) ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie canadienne et à la Gouvernance souverainiste de l'éphémère gouvernement Marois.

«Pour accéder à l'indépendance, je trouve qu'Alexandre implique le peuple, dit Michel Rivard. Il veut créer un mouvement citoyen, qu'on se convainque les uns et les autres que cette idée est viable. Ça me touche, quand c'est un mouvement citoyen.»

Réforme du mode de scrutin, tendre la main aux «autres» souverainistes d'Option nationale et de Québec solidaire, service civil pour les jeunes, rupture avec la Charte, «fraîcheur»: tout, chez Alexandre Cloutier, plaît au volubile comédien Vincent Graton. «J'ai annulé mon vote à quelques reprises. Même en 2014. Je suis en errance politique depuis 20 ans. Je ne me reconnaissais dans rien.»

Jusqu'à ce que Véronique Hivon lui demande de rencontrer le candidat Cloutier. «Je me sens en confiance avec ces gens-là alors que j'étais dans le cynisme depuis longtemps...»

De beaux appuis, donc: Alexandre Cloutier commence à générer un moignon de buzz, disais-je. Peut-être sera-t-il à la mi-mai une sorte de valeur refuge des progressistes souverainistes qui ne tripent pas trop, trop sur l'ombre d'un PKP qu'on devine plus proche, quand même, de Margaret Thatcher que de Michel Chartrand...

Pour ceux-là, qui pensent qu'il faut en dire le plus possible avant d'être élu, avant la souveraineté même, question de la façonner en amont, le réveil risque d'être dur, quand Pierre Karl Péladeau va devenir chef...

«N'est-ce pas, doc?

- Si Cloutier perd, je pense que je redeviens orphelin, convient David Lussier.

- Plus cloutiériste que péquiste, alors?

- Exact.»