Kevin Vickers est un ancien policier de la GRC qui est devenu sergent d'armes de la Chambre des communes. Vêtu d'un habit noir un peu pompeux, coiffé d'un bicorne et muni d'une épée, c'est lui qui entre dans la Chambre en arborant un air austère, une masse sur l'épaule.

On aurait pu croire à un rôle strictement cérémonial. C'est pourtant un authentique responsable de la sécurité, celui qui chapeaute la chose à la Chambre des communes.

Avec une poignée d'autres gardiens de la paix, hier, vers 10h, il a talonné le tireur qui s'était faufilé dans l'édifice du parlement. C'est lui qui l'aurait abattu, à quelques pas des salles où des députés étaient en caucus.

Que serait-il arrivé si des agents comme M. Vickers n'avaient pas foncé sur la menace, plutôt que de la fuir, comme le dicte l'instinct humain?

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Le tueur d'Ottawa et celui de Saint-Jean ont sans aucun doute répondu à l'appel des islamofascistes leur enjoignant de tuer des soldats occidentaux avec les moyens du bord. Ils ont aussi en commun d'avoir récemment reçu la visite de la GRC en raison de leur comportement belliqueux et d'avoir vu leur passeport suspendu.

Je sais que les services de sécurité ont un job impossible: départager qui, parmi tous les djihadistes autoproclamés, constitue une menace réelle et imminente et qui n'est qu'un combattant du clavier.

Je me mets à la place des agents de la GRC qui font ça dans la vie, aller voir des exaltés d'Allah. Comment font-ils pour départager, parmi tous les «loups solitaires» potentiels, ceux qui hurlent à la lune et ceux qui sont vraiment prêts à mordre?

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Il n'y a pas de risque zéro et même les endroits en apparence les plus sécurisés peuvent présenter une brèche.

Le mois dernier, un forcené a réussi à s'introduire dans la Maison-Blanche. Après avoir sauté la clôture, piqué un sprint sur le gazon présidentiel, mis une agente du Secret Service en échec, il a réussi à emprunter l'escalier qui monte vers l'étage de la famille Obama... avant d'être arrêté par un agent.

La grande patronne du Secret Service a été convoquée devant des parlementaires américains pour expliquer publiquement cette brèche inexplicable. Elle a dû s'expliquer. Et, le lendemain de son témoignage, la réalité politique a pesé et elle a démissionné.

Qui connaît les conclusions de l'enquête sur l'échec des mesures de sécurité autour de Pauline Marois, le soir du 4 septembre 2012? Personne. Secret d'État.

Nous avons le droit de savoir ce qui s'est passé, hier, ce qui a permis que le forcené se faufile aussi loin, dans l'enceinte du parlement. Nous le dira-t-on?

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Des millions de musulmans vivent sans faire suer leur voisin, sans souhaiter le décapiter, qu'il soit musulman ou pas, ici et ailleurs.

Une poignée de musulmans utilisent le Coran comme une carte routière vers le Moyen Âge, comme un vernis pour justifier la psychopathie, au premier chef contre d'autres musulmans.

Comment dénoncer, entraver et combattre la minorité d'obscurantistes d'Allah sans empiéter sur les droits et la dignité des musulmans qui vivent dans ce siècle, croyants sans conséquence?

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J'ai longtemps tergiversé, délibéré avec moi-même, pour finalement approuver ces frappes aériennes sur les islamofascistes qui terrorisent des populations entières, en Syrie et en Irak. Et approuver, par le fait même, que le Canada participe - modestement - à cet effort militaire.

Pas parce que j'ai peur que la charia soit imposée ici. Parce que si j'étais syrien, si j'étais irakien, dans l'impossible bourbier qui est leur quotidien, je serais heureux qu'on essaie au moins de retarder les coupeurs de têtes.

Depuis lundi, j'entends les voix de bien des gens, parmi eux des gens que j'aime beaucoup, qui disent que le Canada a un peu couru après les drames de Saint-Jean et d'Ottawa en acceptant de prendre part au bombardement des obscurantistes coupeurs de têtes.

Donc, il ne faut pas contrarier les fous, jamais, nulle part?

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Non, nos contrées paisibles ne sont à l'abri de rien. N'importe quel coucou peut tuer, n'importe quand, en criant qu'Allah est grand. Même à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Une fois que cela est dit, on fait quoi?

On arrête tous ceux qui tiennent des discours jugés «inacceptables» ?

Comme en Égypte, comme en Arabie saoudite, comme en Iran?

On suspend les deux mamelles démocratiques qui nous différencient de ces dictatures, c'est-à-dire la liberté d'expression et la règle de droit?

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Le 11 septembre 2001 a été une tragédie humaine sans nom. Apeurée, l'Amérique a accepté de fouler aux pieds certains principes démocratiques au nom de la sécurité et de la sacro-sainte «guerre» contre le terrorisme.

La simple opposition aux saloperies législatives comme le Patriot Act, à l'acte d'agression que fut l'invasion de l'Irak - coup de pied historique dans un nid de guêpes, comme on le voit aujourd'hui - était perçue dans la foulée du 11-Septembre comme un acte de trahison.

Après ce 22 octobre 2014, la menace nous guette ici aussi, celle de répondre trop fort, de confondre nuisance et menace existentielle.

J'entendais comme un bruit de fond, hier, au moment du discours de M. Harper. Un pianotement, quelque chose comme le bruit que font les doigts sur les calculatrices politiques. J'espère me tromper. Mais je me souviens de l'époque où ceux qui remettaient en question des aspects de la mission militaire en Afghanistan étaient traités de complices des talibans par le parti du premier ministre.

Dans un an la prochaine élection, non?

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