Un jour, pouf, il est parti.

Je parle de Luc Ferrandez, jadis hyperactif acteur de mon univers Facebook. Luc a quitté la conversation. Pus là, le maire de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

C'est survenu quelque part après l'élection de novembre 2013, où il a été réélu maire de son arrondissement pour un second mandat, sous la bannière de Projet Montréal...

«Je me suis dit: on a eu un appui fort, j'ai eu 50% des voix. Dois-je vraiment commenter et critiquer ce que fait Coderre et la ville centre? Les erreurs de Harper? Je ne suis pas certain d'avoir énormément d'impact pour ce que j'ai écrit. J'en ai eu pour ce que j'ai fait.»

Oui, certains statuts pouvaient lui valoir 300 «J'aime». Ça nourrit l'ego, ça rassure dans ses certitudes. «C'est beaucoup, constate aujourd'hui le maire débranché, mais... c'est pas grand-chose.»

Pendant son premier mandat, le maire controversé était constamment sur Facebook et sur Twitter, deux miroirs déformants qui parlaient sans cesse de lui, tout en le gardant informé, lui, le junkie de l'info. «C'était de l'époxy dans mon agenda. Ça en comblait chaque trou.» Un jour, il a regardé ses tweets et ses statuts Facebook et s'est demandé: les «likes» et les RT, quossa donne?

Il y a beaucoup d'ego dans cette hyperactivité, convient-il. «Les médias sociaux deviennent une gestion de ton image, à chaque heure. Avant, la gestion de l'image, c'était une fois par année, avec un spécialiste...»

Oui, le maire du Plateau était «accessible» pour ses concitoyens, surtout avec Facebook. N'importe qui pouvait lui écrire, à n'importe quelle heure du jour, à propos de n'importe quoi...

Il soupire.

«Mais il y a tellement de façons pour un citoyen de nous joindre. Il y a le Facebook de l'arrondissement. Il y a le 3-1-1. Il y a le site web de l'arrondissement. Il y a les courriels des élus... Faut-il en plus en rajouter une couche de plus avec ma page Facebook? Je pouvais recevoir des messages à 3h du matin: «Mon voisin fait du bruit», «Hey, un col bleu se pogne le beigne dans le parc LaFontaine»... Et si tu ne réponds pas dans l'heure, t'es vu comme un incompétent!»

Mais il jure qu'il ne crache pas dans la soupe des médias sociaux. Facebook, dit-il, a grandement permis à Projet Montréal de faire la promotion de ses idées. Facebook a aussi été un allié virtuel qui lui donnait du réconfort, du vrai réconfort, quand il était pris dans ses batailles de (non-) déneigement, batailles qui suscitaient des débats hors des frontières du Plateau: «Sans l'appui de ces gens, des inconnus, qui défendaient nos idées, qui répondaient à nos adversaires, je ne serais pas passé à travers.»

Mais Luc Ferrandez pouvait recevoir 60 messages par jour sur sa page Facebook. Puisqu'il est vu comme un fleuron de la gauche, le maire était inondé d'invitations à des événements progressistes. Et en cette époque, tout le monde exige une réponse, quand ce n'est pas une présence...

«Ils comprennent pas que t'as une vie...

- Non. Mais c'est correct, ils se battent, ils essaient d'améliorer les choses. Je comprends. Mais il y a trop de monde à comprendre...»

Ça, c'est l'élu qui parle. Derrière l'élu, il y a l'homme, le père d'un jeune garçon. Et je soupçonne le père d'avoir tiré aussi fort que l'élu sur la plogue des médias sociaux.

Parfois, en revenant à la maison, Luc Ferrandez déposait ses sacs et poursuivait une discussion virile avec un opposant, qui sur Facebook, qui sur Twitter.

Ce qui se passait dans le virtuel de sa page Facebook prenait parfois - souvent - le pas sur le réel de son salon. «Disons que mon fils s'intéressait un peu à la télé: je me considérais comme libéré, paf! j'allais sur Facebook, sur Twitter... Après avoir passé 10 heures au bureau! J'en suis venu à me dire qu'une fois à la maison, mon fils devrait avoir toute mon attention...»

Aujourd'hui, il se rappelle ses aventures virtuelles et il constate, un peu dépité: «Comment ça se fait qu'un inconnu que t'as jamais vu a soudainement préséance sur ta blonde, ton enfant, ta mère?»

Luc Ferrandez - l'élu, l'homme - a donc largué Facebook et Twitter. La désintox a duré un mois et demi, période pendant laquelle il était encore junkie, pendant laquelle il tapait encore machinalement Facebook.com dans la fenêtre de son navigateur, même s'il n'a plus de compte...

«C'était un réflexe, dit-il. J'interrompais mon travail pour aller sur un compte que je n'avais plus.

- Es-tu plus heureux, maintenant?

Luc Ferrandez marque une pause, réfléchit à son affaire.

- Oui.

- Pourquoi?

- Ça remplissait tous les trous de mon agenda. J'ai pas lu un livre du temps où j'étais sur Facebook.»

Je lui demande s'il renouera avec les médias sociaux, en 2017, lors de la prochaine campagne électorale. «J'ai dit que je ne me présenterais pas», me rappelle-t-il, sans grande conviction, mais c'est peut-être la faute du rhume qui l'affligeait ce midi-là...

«Reste que c'est la question à 100 000$: peut-on se faire élire sans être présent sur Facebook? Non. C'est un outil de mobilisation formidable, quand tu peux parler à tout le monde en même temps.»

Journal d'un débranché

Cher journal, j'ai deux trucs à te confier:

1) Je m'ennuie moins des internet et de mon iPhone la fin de semaine que la semaine.

2) Je dors mieux depuis que je me suis débranché et je pense que ces deux heures d'écran devant ma face, avant le dodo, y sont pour quelque chose.

OK, un troisième truc...

Pour la première fois en quatre jours de débranchage, hier, j'ai eu une envie furieuse d'envoyer un message sur Twitter.

Voici ce que j'aurais écrit: Mon quartier cadenassé par le marathon? OK. Mais le band qui «encourage» les coureurs avec du vieux rock poussiéreux tonitruant (Born to Be Wild, vraiment?) =FAIL.

L'envie a fini par me passer.