Notre chroniqueur s'est entretenu avec Jean-François Lisée, député péquiste de Rosemont, au sujet de l'avenir du Parti québécois et d'un référendum sur la souveraineté.

Jean-François Lisée ne veut plus jamais que le Parti québécois (PQ) se présente devant les Québécois sans être capable de dire si, oui ou non, il tiendra un référendum advenant une victoire électorale. L'idée du député de Rosemont, détaillée dans une lettre que La Presse publie lundi dans ses pages Débats, inclut donc la possibilité pour le PQ de promettre aux Québécois de ne pas tenir de référendum, s'il forme le gouvernement.

Pour Jean-François Lisée, l'ère des euphémismes - attente des «conditions gagnantes», tenir un référendum «quand les Québécois seront prêts» - a fait son temps.

En entrevue, celui qu'à peu près tous les péquistes voient comme un candidat éventuel dans la course à la direction du PQ se fait l'apôtre de la clarté électorale. «Le 7 avril dernier, les Québécois nous l'ont dit: ils ne veulent plus de cette ambivalence. La porte doit être ouverte ou elle doit être fermée. C'est un grand héritage du 7 avril dernier: la mort de la porte entrouverte.»

Le PQ devrait donc se doter d'un «mécanisme qui reste à déterminer» pour décider, «un an avant une élection», si la tenue d'une démarche vers la souveraineté, incluant un référendum, sera proposée ou non par le PQ lors de la campagne électorale à venir.

Le PQ pourrait donc dire aux Québécois qu'il ne tiendra pas de référendum...

«C'est un tabou qu'il faut briser tôt pendant que le PQ débat d'idées et prépare la course au leadership. Quand vous n'êtes pas là, les journalistes, tout le monde en parle, au parti...», affirme Lisée.

Je fais remarquer à Jean-François Lisée que son idée fait résonner l'écho péquiste de 1984, quand Jacques Parizeau, Denis Lazure, Camille Laurin et Jacques Léonard avaient quitté le gouvernement de René Lévesque, après que le chef eut «mis en veilleuse» l'option souverainiste, avec un appui mitigé des militants.

Le député de Rosemont esquive l'étiquette de la «mise en veilleuse» et invoque René Lévesque: «Après le référendum de 1980, René Lévesque a promis qu'il n'y aurait pas de référendum dans un prochain mandat péquiste. Et en 1981, le PQ a gagné avec 49% des voix, un score exceptionnel. La sagesse de Lévesque doit nous inspirer», dit-il, en rappelant qu'après la traversée du désert des années 80, il y a eu le référendum de 1995.

Invoquer la mémoire de René Lévesque est toujours de bon aloi au PQ. Mais la personne de Jacques Parizeau pèse encore très lourd sur la psyché péquiste, il est en quelque sorte le gardien des sceaux souverainistes. Et M. Parizeau, dont Jean-François Lisée fut un conseiller, est un souverainiste pressé...

Que va-t-il penser de cette idée?

«Chacun se positionnera. Moi, je contribue au débat. Je pose la question tôt. Je sais qu'il y aura des réactions négatives de certains. D'autres, après réflexion, diront que c'est ce qu'il faut faire. C'est au début de la consultation qu'il faut des idées fortes», dit-il, rappelant que les péquistes commencent à plancher sur des idées, dans les circonscriptions, la semaine prochaine.

Jean-François Lisée a avisé La Presse lundi dernier qu'il souhaitait y publier un texte détaillant cette idée. C'était avant que Bernard Drainville ne propose d'exclure tout référendum avant 2023. Mais l'évidence crève les yeux : il y a des poids lourds péquistes qui ne veulent pas s'attacher les mains avec le référendum...

Un PQ qui promettrait de ne pas tenir de référendum dans le mandat promettrait donc «un bon gouvernement», alors, dis-je à Jean-François Lisée, sachant très bien que les pressés parmi les péquistes utilisent cette formule de façon dérogatoire...

«Un gouvernement péquiste est un gouvernement qui, contrairement au PLQ, contrairement à la CAQ, veut construire la nation, qui croit à la différence québécoise en économie, en politiques sociales et identitaires, dans son action internationale. Et qui ne veut pas être dans la «moyenne canadienne», selon les mots de Philippe Couillard.»

Être au pouvoir, dit-il, c'est aussi en profiter pour faire progresser l'option, pour «faire le plein de souverainistes», car il n'y en a évidemment pas assez, présentement: 25% de l'électorat a voté PQ au printemps. «Mais si nous ne sommes jamais au pouvoir, la différence québécoise va s'estomper et la conclusion logique de la différence québécoise, l'indépendance, sera de moins en moins possible.»

J'ai devant moi un homme qui a la foi, dans cette entrevue. JFL, comme bien d'autres souverainistes, croit que malgré les reculs ponctuels, la souveraineté est inéluctable.

Je lui soumets donc brutalement, vers la fin de l'entrevue, cette possibilité: Et si l'idée, bêtement, avait fait son temps?

«Non. L'idée fait partie de nous depuis la Nouvelle-France. Oui, l'appui est au plus bas depuis 1995. Mais l'attachement au Canada est aussi à son plus bas, au Québec, depuis qu'on mesure cet attachement...»

Mais, lui fais-je remarquer, la baisse de l'attachement au Canada ne s'est pas traduite par une hausse de l'appui à l'idée d'un Québec souverain...

«On ne peut pas toujours vivre dans la maison du voisin, ne pas aimer ce qui s'y passe et ne pas vouloir bâtir sa propre maison.»

Quant à savoir s'il se lancera dans la course à la direction, Jean-François Lisée me tient la même «ligne» qu'il tient à tous: il attend de voir. Le mode de scrutin, les autres candidats, la réception qu'on fera aux idées - comme celle de dire clairement aux Québécois en campagne électorale s'il tiendra ou pas un référendum - qu'il compte lancer prochainement...

Chose certaine, Lisée ne veut pas d'un couronnement. Il veut un combat d'idées pour ce qu'il qualifie de «refondation du PQ». Celui ou celle qui gagnera, dit-il, «tirera sa légitimité d'une vraie course».