À: Pierre Karl, Bernard et Jean-François

À: Pierre Karl, Bernard et Jean-François

De: Pauline

Sujet: Le jour après le #FAIL

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La défaite est épique, ne mâchons pas nos mots!

Pour parler un langage que Janette Bertrand ne comprendrait pas: #FAIL, gros #FAIL. Les Québécois ont préféré courir en masse vers un Parti libéral qui, il y a deux ans à peine, était quasiment vu comme un synonyme de copinage-collusion-corruption.

La question que le prochain chef doit se poser, d'urgence, est celle-ci: qu'est-ce que cela dit du Parti québécois?

Nous étions au gouvernement depuis à peine 19 mois. Nous ne pouvons pas plaider l'usure du pouvoir, comme le PLQ pouvait le faire en 2012. Pourtant, notre déroute est sans commune mesure avec celle des libéraux, il y a 18 mois.

J'assume la débâcle de la Charte, qui ne nous a pas servi de fusée électorale. Un Challenger, plutôt! Mais l'échec de la stratégie électorale basée sur la Charte pulvérise une grande partie du virage identitaire entrepris après notre expérience de mort imminente de 2007, quand le Parti québécois a été relégué au rang de deuxième opposition.

Mon petit doigt me dit que pour le prochain chef, le positionnement identitaire est de la petite bière à côté du débat que le Parti devra faire à propos de la souveraineté...

Comprenez-moi bien: je veux un pays, c'est ce qui m'anime depuis que je suis entrée dans l'équipe de René Lévesque. Le pays du Québec, j'en rêve.

Mais est-ce le rêve des Québécois?

Franchement, je ne sais pas, je ne sais plus, je vous avoue que je suis désorientée, ce soir.

J'étais certaine que l'entrée en scène de M. Péladeau était non seulement fertile pour le scrutin, mais pleine de potentiel pour envoyer un message subliminal aux Québécois: le Québec Inc. n'est pas imperméable à la souveraineté...

Mais ton poing levé, Pierre Karl, dans les rayons d'un dimanche ensoleillé, ces majuscules sur le mot PAYS ont plutôt galvanisé nos adversaires: ils ont choisi de se fédérer au PLQ!

En fait, ce que je n'ose pas vous dire - et ce que je ne dirai pas publiquement -, c'est que la souveraineté est encore moins populaire que je ne le croyais chez les Québécois et les Québécoises.

Je ne voudrais pas être à vos places, Bernard, Pierre Karl et Jean-François. Je sais que les purs et durs vont dire qu'il faut parler encore plus de souveraineté, que je n'en ai pas assez parlé, mais, et tout ça... Mais à la seconde où le pays s'est incarné dans cette campagne en la personne de Pierre Karl, POUF, nous nous sommes mis à sombrer!

Le pays ne peut pas toujours ne pas arriver, comme a dit l'autre. Mais le pays ne peut pas toujours être un épouvantail que nos adversaires vont brandir impunément pour effrayer le monde. Car, malheureusement, ça marche...

J'ai tout tenté pour ne pas promettre de ne pas tenir un référendum. Mais je crois que mon successeur devra l'envisager. Il n'est pas question de beau risque, mais il est peut-être temps de ressortir l'expression «en veilleuse».

Jean-François, vous êtes un homme d'idées, c'est le temps d'en produire.

Bernard, vous êtes l'homme de la Charte. Je n'aimerais pas être à votre place.

Pierre Karl, bonne chance avec l'aile gauche du Parti. Vous ne pourrez pas la mettre en lock-out, celle-là.

Sur ce, j'ouvre une bouteille de mon meilleur scotch, messieurs. Je l'ai bien méritée. Saluez les belles-mères du PQ pour moi!

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* Le lecteur aura compris que le chroniqueur a inventé cette note de service.