C'était en 2005. C'était avant que Tony Accurso (et son fameux yacht) ne déclenche toutes ces enquêtes journalistiques et policières qui ont fini par aboutir à la commission Charbonneau.

J'écrivais alors au Journal de Montréal. Et en cette fin d'été, le JdeM avait une info. Jean-Marc Baronet, président de la plus grande société de grues au Québec, Grues Guay, était allé à la pêche dans le Grand Nord du Québec avec 25 personnes. Parmi elles: Henri Massé, président de la FTQ. Celui-ci était accompagné de son fils, Nicolas.

La question du Journal de Montréal, à l'époque, pour M. Massé, était simple: avez-vous payé votre voyage?

C'était, dans un sens, un voyage de luxe. Un séjour à la pourvoirie qui avait accueilli le groupe coûtait au minimum 5000$ par semaine. Par personne.

La question n'était pas anodine. Grues Guay emploie des grutiers représentés par la FTQ. Que le président de la FTQ accepte d'aller taquiner le poisson avec le boss de ses syndiqués, voilà qui est d'intérêt public. La possibilité qu'il ait payé la facture d'Henri Massé et de son fils tout autant.

M. Massé n'a jamais répondu aux questions du JdeM. S'il a payé son voyage, il n'a jamais jugé utile de le faire savoir publiquement.

Personnellement, j'ai toujours cru, depuis cette affaire, que si M. Massé l'avait payé, son voyage, il se serait empressé de le faire savoir.

Si je rappelle cette affaire, c'est pour faire écho aux révélations des derniers jours du Journal de Montréal sur la proximité entre Michel Arsenault, actuel président de la FTQ et les grands boss de la construction québécoise.

M. Arsenault, selon des sources du JdeM, se serait retrouvé au centre d'une enquête criminelle, notamment pour avoir accepté des «contreparties» - voyages, cadeaux et autres - de la part d'entrepreneurs qui avaient un lien d'affaires avec le Fonds de solidarité de la FTQ, le puissant bras d'investissement de la centrale.

M. Arsenault n'a finalement pas été accusé, au grand dam des policiers de la SQ qui avaient enquêté sur lui pendant des mois. Les procureurs de la Couronne ont refusé d'accuser le boss de la FTQ d'abus de confiance.

Ça ne veut pas dire que M. Arsenault n'a jamais accepté de cadeau d'un entrepreneur: on sait qu'il a accepté un séjour sur le luxueux Touch, le yacht de M. Accurso. Ça peut être le cadeau d'un homme devenu, au fil de deals d'affaires, un ami. Ça ne veut pas dire que ce cadeau était un retour d'ascenseur pour des investissements du Fonds dans les entreprises de M. Accurso.

Ça témoigne, en tout cas, d'une proximité étonnante entre le président de la FTQ et le monde des affaires. Une proximité étonnante quand on sait que la nature des relations de travail transforme rarement patrons et chefs syndicaux en meilleurs amis du monde.

Quand on sait que les chefs syndicaux Jean Lavallée, Jocelyn Dupuis et Michel Arsenault sont allés sur le bateau de M. Accurso après que M. Massé se soit mis dans l'eau bouillante avec son voyage de pêche, on ne peut que constater qu'à la FTQ, cette culture de proximité avec les gens d'affaires était tenace.

Hier, alors qu'il avait Michel Arsenault au bout du fil, le morningman Paul Arcand lui a demandé s'il avait déjà reçu une plume MontBlanc et quelque chose provenant de la boutique de luxe Birks.

Réponse de M. Arsenault : jamais. Le hic, c'est que Paul Arcand dit avoir pu consulter des transcriptions d'écoute électronique de la SQ faites dans le cadre de l'enquête Diligence. Ces transcriptions démontrent le contraire, selon Paul.

Or, la commission Charbonneau dispose, dit-on, des bandes d'écoute électronique de l'enquête Diligence.

Je voudrais accepter aveuglément la réponse de M. Arsenault. Mais je préfère attendre de voir si la commission Charbonneau nous fera entendre ces fameuses bandes, avant de croire M. Arsenault. La culture de proximité qui a uni boss de la FTQ et boss de la construction est trop profondément ancrée pour que je puisse croire M. Arsenault sur parole.