À 18 ans, Larry entre dans un magasin avec un faux fusil. C't'un hold-up! Ça lui vaudra une vraie peine de prison, à Archambault, où il arrive juste à temps pour l'été des émeutes, en 1982. Larry y restera un an et demi.

Quand il sort, Larry a de l'ambition. Au diable les magasins, il se concentre sur les banques. Il entre dans une succursale de la Banque de commerce, boulevard Henri-Bourassa. C't'un hold-up! Nouvelle escale en prison: 30 mois.

En 1986, Larry - il s'appelle Laurent, mais tout le monde l'appelle Larry - sort. Il se fait une blonde, Chantal. Leurs amours sont tumultueuses, pensez à Bonnie and Clyde. On vit dans des motels, on sniffe de la poudre, on fait le party et on fait des banques.

La police trouve Chantal, qui était en fugue. Chantal a 17 ans: elle atterrit au centre jeunesse. Larry coupera la clôture dudit centre jeunesse pour retrouver Chantal. Larry et Chantal reprennent là où ils avaient laissé leur vie: motels, poudre, party...

Mais non, ce n'est pas l'histoire d'un bandit que je vais vous raconter.

C'est l'histoire d'un père.

Dans une chambre d'un Motel Idéal, autour de 1988, Chantal devient enceinte. Est-ce à ce moment-là, au moment où le bedon de Chantal a commencé à rondir, que Larry est devenu plus responsable? On peut dire ça, oui.

«Ça m'a donné un éveil», m'a-t-il dit quand il m'a raconté sa vie, en me faisant faire le tour de son Hochelaga-Maisonneuve dans son pick-up.

Chantal a continué à consommer. Larry, lui, a levé le nez, un peu, de ses lignes de coke.

Ils habitaient rue Parthenais quand Caroline est née. Une semaine après l'arrivée de la petite, le passé tumultueux de Larry a rattrapé son présent de gars à peu près rangé. La police l'a arrêté, sur mandat: 15 mois à Bordeaux.

Quand Larry sort, il ne consomme plus du tout. Mais Chantal, elle, se dope. Plus que jamais. «C'était dur, j'étais sur la paille, j'avais pas une cenne. Disons qu'on n'était pas aptes.»

Larry a besoin de fric. Il se retrouve... go-go boy itinérant! Il danse à poil en province. Larry pensait faire une fortune, il fait des pinottes...

Qui s'occupe de Caroline?, vous entends-je demander, pendant que Larry se trémousse à Baie-Comeau ou Sept-Îles et que Chantal se défonce à Montréal?

C'est Jean-Paul, le grand-père de Chantal. Mais Larry l'appelle Grand-Père.

Un jour que Grand-Père s'occupe de la petite, sur Dufresne, il remarque deux gars qui commencent à rénover un immeuble, en face de chez Larry.

- Avez-vous besoin d'aide, les gars? J'ai un gendre travaillant...

- Dis-y qu'y vienne nous voir!

Larry n'avait jamais tenu un marteau de sa vie, mais Patrice Brouillette et Serge Quévillon avaient besoin d'aide. Avec Jean-Guy Brisson, le menuisier, il a appris les rudiments de la rénovation sur les chantiers de Patrice et Serge.

Et Chantal, dans tout ça?

Perdue dans la brume, Chantal. Partie avec un gars. Un peu danseuse, un peu prostituée, chuchotait-on. C'est Larry et Grand-Père qui s'occupaient de la petite. Larry travaillait comme un fou. «Patrice et Serge avaient 60 portes dans Hochelaga. Ça faisait ben d'la réno.»

Puis, un jour, Chantal a retonti: sobre! La maman de Caro est repartie à neuf. Nouvelle vie, chum neuf, appart neuf... et bébé neuf! Un petit Maxime. Chantal a même repris Caroline.

Jusqu'à la 5e année de la petite. Là, le neuf dans la vie de Chantal a sans doute perdu de son attrait. Les vieilles bibittes du passé sont revenues: Chantal a lâché le père de Maxime, elle est tombée amoureuse d'un autre un gars.

Appelons ça un ménage à trois: Chantal, le gars et l'héroïne...

Ça n'avait plus d'allure, dans la maison. Enfin, pas d'allure qu'une Caroline de 10, 11 ans vive là-dedans. Larry est allé chercher sa fille. «Chantal s'est pas objectée. Je l'ai ramenée chez moi.»

Bon, «chez moi», façon de parler: chez sa blonde de l'époque, la Rita. Et Rita a commencé à bitcher à propos de la petite. Larry a donc fait ce qu'un père doit faire dans ces moments-là: il a largué Rita, s'est pris un appart.

Et Maxime? vous entends-je demander...

Maxime, lui, est resté avec Chantal. Mais c'est Grand-Père, le phare, le rempart, qui s'interposait entre Maxime et la vie déglinguée de Chantal. Phare et rempart tant que vous voulez, Grand-Père avait 69 ans: il était peut-être un peu essoufflé...

Le père de Maxime a donc fait une plainte à la DPJ. Pour qu'on s'occupe de Maxime. «On», ici, excluant la personne faisant la plainte...

Une travailleuse sociale s'est impliquée dans le «dossier», comme on dit.

La TS: «On peut pas laisser Maxime avec Grand-Père. Il est trop vieux.»

Larry: «O.K.»

La TS: «Va falloir le placer en famille d'accueil...»

Larry: «Nenon, je le prends demain matin!»

La TS est allée écornifler chez Larry, pour s'assurer que tout était conforme à l'éducation d'un enfant. «Bon, a-t-elle fait, si le tribunal dit oui...»

Le tribunal a dit oui.

Maxime a atterri chez Larry, l'ex-chum de sa mère poquée, ce Larry qu'il ne connaissait pas. Après quelques mois, la DPJ a demandé à Larry: voulait-il la garde légale de Maxime?

- Tant qu'à y être, j'ai dit oui...

- Pourquoi, Larry? Max, c'est pas ton fils...

- Non, mais c'est le frère de Caro.

L'histoire de Larry, c'est celle d'un père, disais-je. Même d'enfants qui ne sont pas les siens...

Le petit appartement à 400$ était soudainement trop petit, Larry en a trouvé un à 800$. Il a monté une clôture dans la cour, installé une piscine hors terre et un tapis gazon, «parce que pour les enfants, c'est plus l'fun.»

Après... Après, quoi, donc, attendez que je fouille dans mes notes... Grand-Père a vieilli, s'est retrouvé au CHSLD... Caro a grandi, s'est fait un chum, Mario... Elle est allée vivre avec lui... Larry s'est fait une blonde, il est allé vivre avec elle, traînant Maxime... Mais la relation est devenue orageuse, Maxime a abouti chez sa soeur Caro, sur Pie-IX... La vie, quoi.

Caroline, un jour, est allée voir Grand-Père au CHSLD. Grand-Père rétrécissait à vue d'oeil. Il attendait la mort et avait l'air du yâble. Caro a eu un flash...

- Veux-tu venir vivre avec nous, Grand-Père?

- Ouiiiiii!

Grand-Père a quitté le CHSLD, s'est pointé chez cette Caro qu'il avait couvée toute sa vie. «Ça l'a rajeuni de 10 ans», dit Larry. Mais Caroline attendait son premier bébé. Avec Mario, avec Max, l'appart était soudainement trop petit.

Justement, Larry venait de larguer sa blonde et de se louer une maison à Laval.

Vous me voyez venir?

Dans cette maison de Laval - gros garage, terrain immense, d'la place en masse -, il y a toute la tribu de Larry: Grand-Père, 84 ans, Caroline et Mario, leurs bébés Laurie-Ève et Emma-Rose. Et Max. Et Larry. Qui veut que je vous dise qu'il y aussi Rocky, son golden retriever, dans la tribu.

Moi, je veux insister, au cas où vous auriez raté une branche de l'arbre généalogique: Laurie-Ève et Emma-Rose vivent donc avec Grand-Père, qui est leur... arrière-arrière-grand-père!

Dans cette maison de Laval, les fins de semaine, il y a parfois Arielle. La fille d'une amie d'une ex-blonde de Larry. Arielle a 17 ans. La DPJ a accepté qu'Arielle aille vivre en appart. Un appart que Larry lui a trouvé, qu'il l'aide à aménager.

«Je m'occupe d'elle un peu. Comme un père le ferait. Pourquoi? Elle en a pas, de père.»

Bonne fête des Pères, Larry. Bonne fête des Pères, Grand-Père.

Pour joindre notre chroniqueur:  plagace@lapresse.ca