Je ne comprendrai jamais Haïti. Sa classe politique non plus, j'en ai bien peur. Prenez Mirlande Manigat, candidate à la présidentielle dont le second tour aura lieu le 20 mars. L'élection approche, donc. Que fait-elle? Du tourisme.

Non, j'exagère. Pas du tourisme. Mais Mme Manigat, à quelques jours du second tour, où elle affrontera Michel Martelly, a quand même trouvé le moyen d'aller courtiser les Haïtiens de la diaspora en Floride et à Montréal. Disons plutôt que c'est du tourisme électoral.

Petit hic: les Haïtiens qui ne vivent pas à Haïti n'ont pas le droit de vote. Mme Manigat a donc fait des pèlerinages à Miami et à Montréal pour leur dire qu'elle croit qu'ils devraient éventuellement avoir le droit de vote.

Mme Manigat avoue aussi qu'un des buts de son voyage est d'amasser des sous auprès de la diaspora pour financer sa campagne électorale.

Elle a aussi trouvé le temps de souper avec des patrons de l'un des fleurons du génie québécois, j'ai nommé le Groupe SMi, de Bernard Poulin, au chic restaurant Milos, sur l'avenue du Parc. SMi est actif en Haïti, un pays où la manne de l'aide internationale ajoutée aux besoins criants en matière d'infrastructures est attrayante pour les grands constructeurs.

Imaginez une seconde que Pauline Marois, à deux semaines d'un scrutin, décide d'aller à Paris pour parler aux Québécois qui s'y trouvent. Imaginez qu'elle trouve le temps, disons, d'aller manger à la Tour d'argent avec des capitaines d'industrie français. Imaginez le tollé!

Je veux bien croire que chaque pays a ses moeurs politiques. Mais c'est quand même consternant de penser que, à moins de deux semaines d'un vote, une candidate à la présidence d'Haïti a trouvé le temps d'interrompre sa campagne électorale et de venir courtiser des compatriotes qui n'ont pas le droit de vote.

Ce qui est déprimant, c'est que Mme Manigat est la plus présentable des deux candidats à la présidence. Ex-sénatrice, politologue, femme d'un ancien (et très éphémère) président haïtien (Leslie Manigat), elle connaît le tabac.

Son adversaire, Michel Martelly, qu'un sondage donne gagnant, est un chanteur de charme sans expérience politique, un peu colérique, un peu floridien, un peu copain avec l'ancien pouvoir militaire corrompu.

Sweet Micky a de la politique une vision assez simpliste, propre aux démagogues. Il a déjà dit en ces mots que son expertise artistique est exportable en politique: «Faut admettre qu'il y a un certain savoir-faire. Le fait de pouvoir animer 50 000 gens, leur faire faire à droite ou à gauche, ça veut dire quelque chose! Pourquoi les politiciens eux-mêmes, quand ils vont dans la politique, ils cherchent le support des artistes?»

Bref, si tu peux faire danser une foule, tu peux diriger un pays. Plus populiste que ça, t'es député conservateur de Lévis-Bellechasse...

Mais je m'égare. Nous parlions de Mirlande Manigat. Elle affirme que les Haïtiens de la diaspora devraient avoir le droit de vote, ce qui est constitutionnellement proscrit en ce moment. On dira que les Français hors métropole, par exemple, peuvent voter. C'est vrai. Mais la France sait organiser des élections au-dessus de tout soupçon. Je ne vois pas pourquoi Mme Manigat se préoccupe du droit de vote des Haïtiens de Montréal-Nord quand celui des habitants de Port-au-Prince est soumis à des influences et à des magouilles documentées.

Bref, le tourisme électoral de Mme Manigat est une autre pièce à verser au dossier Je ne comprendrai jamais Haïti.

Ah, un dernier truc. Fabrice de Pierrebourg, de La Presse, a demandé à ce fleuron du génie québécois, SMi, de quoi il a été question à ce souper avec Mme Manigat, chez Milos. Réponse: il n'a été question que d'orphelinats.

Mais Fabulous Fab a vérifié du côté de l'équipe de Mme Manigat. Réponse: il a été question, au souper, du financement de Mme Manigat et de divers projets d'infrastructures à Port-au-Prince. La porte-parole n'a pas dit un mot à propos d'orphelinats!

Bien sûr, ces versions différentes des thèmes abordés au souper chez Milos ont de quoi étonner. Bien sûr, on se dit que Mme Manigat pourrait attendre d'être élue avant de parler de projets d'infrastructures avec des firmes étrangères. Mais dans ce trou noir qu'est la politique haïtienne, il ne faut s'étonner de rien.

SE SÉPARER LE TERRITOIRE Pour comprendre les deux devinettes suivantes, il faut lire l'article d'André Noël sur les révélations de Vision Montréal, en page A14.

Quand des bandes rivales se «divisent» le territoire d'une ville pour que chacune puisse vendre sa dope en paix sans se faire emmerder par la concurrence, comment appelle-t-on cela?

Du banditisme.

Quand un entrepreneur obtient l'immense majorité des contrats municipaux d'asphaltage dans un arrondissement, mais jamais dans un autre, où c'est son concurrent qui les obtient presque tous, comment appelle-t-on cela?

Un hasard.

CHARA NE SERA PAS SUSPENDU «Chers joueurs, permettez-nous d'être candides: nous attendons que l'un de vous meure sur la glace avant de punir sérieusement les coups dangereux. Vous savez ce qu'il vous reste à faire! Veuillez agréer, chers joueurs, l'expression de nos sentiments les plus distingués.» - La LNH