Dans La Presse, hier, je vous ai fait le récit d'une violation de domicile dramatique survenue dans Côte-des-Neiges en juillet dernier. Une intrusion qui s'est transformée en tentative de meurtre puis en prise d'otage. Le suspect est passé à deux doigts de se faire coincer par la police. Il a réussi à s'enfuir même si le quartier était bouclé par des agents.

Le type aurait été mêlé à 13 braquages de domicile depuis quelques années dans la région de Montréal. Il a tiré trois fois sur des victimes surprises en pleine nuit. Un Lavallois, Jacques Sénécal, est mort dans sa maison à Sainte-Dorothée, en 2006, fort possiblement aux mains de cet énigmatique criminel en série.

 

Cet homme, un Noir qui parle anglais avec un accent des Caraïbes, selon certains témoins, est une énigme pour les enquêteurs du SPVM. Un OVNI dans l'écosystème des bandits qui font des braquages de domicile.

«C'est un gars d'un calme incroyable, même dans les situations inattendues, m'a expliqué Jean Bissonnette, superviseur à l'escouade des crimes majeurs. C'est le style de gars qui pourrait avoir été mercenaire: il n'y a rien à son épreuve.»

Généralement, les violations de domicile sont l'oeuvre de petits groupes, selon le lieutenant-détective Bissonnette. S'introduire dans une maison est une aventure périlleuse, dit-il, c'est un territoire étranger. Aussi ces suspects ont-ils tendance à fuir dès que la situation dégénère.

«Pas lui, note M. Bissonnette. Il a frappé une maison où il y avait huit personnes. Il n'a pas fui. Il a tout contrôlé, de A à Z. Il a frappé une maison où sa victime était, disons, un homme qui avait vu neiger dans le milieu criminel. Il nous a dit qu'il a tout de suite su qu'il valait mieux ne pas lui résister.»

L'homme s'introduit toujours en pleine nuit chez ses victimes. Il porte une cagoule. Il ne laisse aucune empreinte, aucune trace d'ADN. En 2006, il a cessé ses méfaits, une éclipse de trois ans. Les enquêteurs, sur ce point comme sur d'autres, nagent en plein mystère. Puis, en 2009, il a récidivé.

«Pour le profileur de la Sûreté du Québec, il semble que le suspect possède, dans la seconde série de crimes, des renseignements plus précis sur ses victimes. Il semble avoir des détails.»

Ce type est actuellement le criminel en série le plus recherché par les enquêteurs des crimes majeurs. Ce qui inquiète les enquêteurs, c'est qu'il n'hésite pas à tirer si on lui résiste. «C'est un gars pour qui «non» n'est pas une réponse», dit le lieutenant-détective Bissonnette.

Policières et policiers

Après avoir lu mon texte d'hier, quelques lecteurs ont souligné que ce sont deux policières qui ont laissé filer le suspect de Côte-des-Neiges. Conclusion, selon eux: c'est une autre preuve que les femmes, hein, on sait bien, ça ne fait pas de bons flics...

Bullshit.

Je parle à suffisamment de policiers, dans le cadre de mon travail, pour vous dire ceci: la plupart des policiers n'ont aucun problème à faire équipe avec des policières. La plupart préfèrent faire équipe avec une femme de 5 pieds 6 pouces intelligente et perspicace qu'avec un macho sans jugement de 6 pieds 6 pouces.

«Parce que, avec un gars tata, ben tu finis par te battre à tout bout de champ», comme me dit un agent, ancien patrouilleur.

Je ne sais pas si ces deux policières, rue Mackenzie, en cette nuit mouvementé de juillet dernier, ont eu peur. Je le soupçonne.

Leur commandante, Simonetta Barth, du poste 26, refuse de les blâmer. Elle note que c'est facile, après les faits, de juger. Mais je sais que des agents du poste sont furieux contre elles. Elles auraient dû, dit-on, au moins tenter d'appréhender l'homme, après qu'il eut refusé de se coucher par terre, rue Mackenzie, tout près des lieux de l'agression. Si l'homme méritait de se faire mettre en joue, il méritait de se faire arrêter.

Ce que je sais, c'est que des policiers grands et forts, de sexe masculin, qui gèlent dans le feu de l'action, dans des situations dangereuses, ça arrive. Il y a des flics courageux qui, au-delà de la formation et de la convention collective, font de l'arrestation de bandits une affaire personnelle. Ceux-là, dans des situations tendues, sont les plus efficaces.

Et il y en a d'autres qui sont plus frileux.

Et ça, ça transcende le sexe des flics.