Cette histoire qui a défrayé les manchettes l'hiver dernier implique beaucoup de bling-bling. Des gens riches, des millions, des fêtes décadentes, des voyages à travers le monde, du succès en brochette.

Mais oubliez les devinettes sur l'identité du riche homme d'affaires qu'est ce «Éric». Oubliez le jet-set. Oubliez la vie des gens riches et célèbres. Oubliez une avocate de la requérante, Anne-Marie Goldwater, flamboyante et incendiaire, qui a paradé sa cliente dans les médias comme une attachée de presse de Loft Story.

Oubliez tout ça, et ça donne une chronique un peu moins tape-à-l'oeil, je m'en excuse profusément auprès des lecteurs qui cherchent un peu de distraction en ces jours pluvieux. Ça donne une chronique sur des principes de droit un peu compliqués.

En droit, devant le juge, tout le tapage médiatique et les millions en jeu ne sont qu'un bruit de fond. La juge Carole Hallée, de la Cour supérieure, devait trancher: lequel de deux droits -le droit alimentaire d'un(e) ex-conjoint(e) et la liberté de choix (de se marier)- prime.

À la fin, la juge Hallée a suivi à la lettre l'arrêt Walsh de la Cour suprême, qui a statué en 2002, dans une affaire de partage des biens entre anciens conjoints de fait néo-écossais, en faveur de la liberté de choix. La liberté de choix a primé, dans son jugement.

Notons qu'ailleurs au Canada, selon les provinces, un(e) conjoint(e) de fait, advenant une séparation, est admissible à une pension alimentaire, comme si elle ou il était marié(e).

C'est ce que réclamait «Lola», au fond, en contestant la constitutionnalité du régime québécois qui encadre les conjoints de fait: le statut de femme mariée.

Sans l'être.

La juge Carole Hallée a dit non.

Ce n'est pas une grande surprise. Il y a quelques mois, mon collègue Yves Boisvert y allait d'une prédiction: la juge Hallée n'allait pas «marier» de force un million de Québécois.

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«Ce qu'on invoquait, dit Raymonde LaSalle, avocate en droit familial, c'est qu'en vertu de l'article 15 de la Charte des droits et libertés, les conjoints de fait sont victimes de discrimination, parce qu'ils n'ont pas les mêmes droits que des couples mariés.»

Si un couple marié se sépare, on partage toutes sortes de choses. Le patrimoine acquis pendant le mariage: maison, REER, fonds de pension, biens, actifs divers. Le conjoint désavantagé financièrement peut réclamer une pension alimentaire pour lui (mais plus souvent pour elle).

Si des conjoints de fait -34% des couples au Québec- se séparent, c'est très différent. On ne partage pas -généralement- ni les REER, ni le fonds de pension, ni la maison. Ce sont essentiellement les enfants, si le couple en a, qui font l'objet de débat. À moins qu'ils n'en aient convenu autrement, entre eux, préalablement.

Le chum (mais plus souvent la blonde) n'a pas le droit de réclamer une pension pour lui (ou elle), comme «Lola» le faisait en contestant la constitutionnalité du régime québécois. Si le chum (ou la blonde) était ontarien ou albertain ou néo-écossais, il (ou elle) le pourrait.

Ce qui inquiète Me LaSalle, c'est que dans le cas où des séparations de conjoints de fait dérapent, au-delà des guerres civiles entre ex-amoureux, ce sont les enfants qui risquent de souffrir de la différence de niveau de vie entre papa (qui vit dans une grosse maison, disons) et maman (qui vit dans un 4 et demi, par exemple).

Morale de cette histoire, Mesdames (puisque c'est le plus souvent vous que ces différences de niveaux de vie affligent): parlez argent avant de faire des enfants. On jase mariage (civil ou religieux), contrat d'union civile ou de vie commune avant de faire des enfants. Pas après.

Reste que la partie n'est pas finie. Me Goldwater va porter la cause en appel, en Cour suprême. La question de la discrimination envers les couples non mariés n'est pas insignifiante.

Au fond, LA leçon de l'affaire «Lola», c'est peut-être qu'être un couple en union de fait ayant des enfants, c'est hasardeux. Choisir ce régime, c'est l'équivalent d'acheter une maison sans la faire inspecter.

Et c'est ce que «Lola» a fait, quand elle a rencontré «Éric», quand elle a eu ses enfants.

Elle n'est pas la seule.