Sur quelle planète vit Louis-Jean Cormier? C'est la première question qui m'est venue à l'esprit en lisant ses propos dans nos pages samedi. L'auteur-compositeur-interprète se disait contre la parité hommes-femmes dans les festivals de musique et peu enclin à engager des techniciennes femmes à cause de leur manque d'expérience. Wow!

Venant du gars le plus cool et le plus consensuel de la musique québécoise, celui qui, par moments, passe même pour un homme rose, les propos étaient non seulement étonnants et détonnants, mais carrément à côté de la plaque.

Comment aujourd'hui, en 2018, alors que le combat des femmes pour la parité ne cesse de faire la manchette et que même les gouvernements reconnaissent le phénomène du sexisme systémique et tentent d'y remédier, comment peut-on être contre la parité sans être un peu contre les femmes?

Réalisant très vite que ses propos l'avaient mis en fâcheuse posture, Louis-Jean Cormier s'est empressé de faire son mea culpa sur sa page Facebook. «J'ai beau relire mille fois ma réponse à la question [...] j'ai l'air d'un gros mononc débile et arriéré», se désolait l'auteur-compositeur-interprète samedi, récoltant immédiatement de la part de ses fidèles une salve d'applaudissements pour sa touchante humilité...

«Tous les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas ce gars-là, que je suis pour la parité homme-femme point», poursuit-il dans le même mea culpa où il contredit tout ce qu'il a confié à l'enregistreuse de ma collègue Josée Lapointe.

Je repose ma question : sur quelle planète vit Louis-Jean Cormier? Et s'il vit parmi nous et non sur Mars, souffre-t-il d'un dédoublement de personnalité qui le pousse à dire une chose et son contraire dans la même journée? D'ailleurs, qui nous dit que Cormier n'a pas commencé par nous livrer le fond de sa pensée? Lorsqu'il a vu l'incendie de la controverse s'embraser et lui chauffer la peau, il a fait marche arrière pour la sauver (sa peau).

La question sur la parité qui lui était posée était très claire. Il y a répondu le plus clairement du monde, sans nuances ni équivoques, en défendant le principe de l'art qui transcende tout, y compris le sexe.

«Je veux qu'on fasse passer l'art avant le sexe», a-t-il déclaré sans voir ou reconnaître qu'il faisait l'apologie non pas de l'art, mais du sexisme ordinaire.

Vous me direz qu'un gars a le droit de déparler puis de s'en rendre compte et de s'en excuser. Mais c'est quand même un comble qu'il faille encore aujourd'hui, en 2018, grimper dans les rideaux pour défendre un principe - la parité - qui devrait aller de soi.

Un comble aussi qu'un artiste aussi doué, instruit, sensible et cultivé que Louis-Jean Cormier entretienne, même furtivement, des clichés sur la liberté de l'art et de la création. Car pour que l'art dont Louis-Jean vante les splendeurs soit vraiment libre, encore faudrait-il qu'il soit accessible et que tous et toutes puissent le pratiquer également. C'est loin d'être le cas. Pas depuis hier. Depuis que le monde est monde.

Selon certains, en art, c'est au mérite et au talent que tout devrait se jouer. Peut-être. Mais la meilleure façon de juger le mérite, n'est-ce pas précisément par la parité?

Le jour où les hommes et les femmes auront un égal temps d'antenne et un égal temps sur la glace, le jour où ils auront accès aux mêmes budgets, où ils occuperont autant de place sur l'affiche, au menu des festivals ou sur les palmarès, nous pourrons enfin les juger au mérite. Pour l'instant, si la moitié de l'humanité est une femme, alors cette moitié n'a d'autre mérite que d'accepter de poireauter en coulisses en attendant son tour.

Il y a à peine une semaine, le directeur artistique des Grands Ballets y allait lui aussi d'un retentissant mea culpa devant les protestations du milieu de la danse lui reprochant d'avoir engagé trois chorégraphes masculins pour un projet intitulé... Femmes.

Il y a une semaine, je me demandais comment cet homme, cet artiste, pouvait être aussi insensible à l'époque et à la quête des femmes et des créatrices qui ne demandent qu'à prendre leur place. Je viens de comprendre qu'il n'est pas seul au royaume des mononcles et que nous n'en avons pas fini avec leurs mea culpa plus ou moins sincères.