Passez le mot: une star vient de naître et risque fort probablement de se retrouver avec une nomination aux Oscars. Il a 8 ans, il s'appelle Jacob Tremblay, et même s'il partage l'écran avec l'actrice Brie Larson dans le film Room, c'est lui le centre d'attention, lui qu'on regarde, auquel on s'attache et qu'on voudrait adopter, tant il est naturel, touchant et toujours juste: irréprochablement juste.

Dans ce film fort et poignant qui a eu sa première mondiale à Telluride et a immédiatement généré un buzz, Jacob incarne Jack, un gamin de 5 ans avec des cheveux jusqu'aux fesses comme le René Charles d'antan. Il est né dans la cabane de jardin où sa mère est tenue captive depuis sept ans. Comme il n'a rien connu d'autre que ce lieu sale, sombre et exigu où il vit en symbiose avec sa mère, Jack y est parfaitement heureux et convaincu que le monde se limite aux quatre murs de cette pièce.

L'histoire est tirée du roman à succès de l'écrivaine irlandaise Emma Donoghue et la réalisation est de Lenny Abrahamson, un réalisateur irlandais qui signe ici, avec brio, son cinquième film. Pendant la première heure, une heure souvent insoutenable, le spectateur est en prison dans la cabane de jardin avec Jack et sa mère. Puis, sans révéler la suite, disons que ce film qui portait sur la captivité se mue en une extraordinaire et puissante métaphore sur l'attachement maternel: aussi bien l'attachement de la mère pour son enfant que celui de l'enfant pour sa mère.

Même une fois dehors, dans le monde tout nouveau qu'il découvre, Jack s'ennuie de cette pièce, qui était en quelque sorte le prolongement du ventre de sa mère et auquel il devra un jour renoncer. Je n'en dis pas plus. Notez bien le titre, Room, et dites-vous que ce n'est pas la dernière fois que vous entendez parler de ce superbe film.

Les hommes du cardinal

Il n'y en aura jamais assez. Je parle des films qui portent sur des journalistes et sur leurs enquêtes. En 1976, Les hommes du président, sur le scandale du Watergate, a donné le ton et lancé le genre. Spotlight de Thomas McCarthy, présenté hier au TIFF, poursuit dans la même lignée.

Cette fois, nous ne sommes plus au Washington Post, mais en 2001 au Boston Globe, haut lieu d'une des plus vieilles unités d'enquête du journalisme américain, une unité surnommée Spotlight. Le journal vient d'être racheté par les proprios du New York Times. Un nouveau rédacteur en chef, qui n'est ni catholique ni originaire de Boston, a été nommé. Sitôt entré en fonction, il charge l'équipe de Spotlight, menée par Michael Keaton, d'enquêter sur les prêtres pédophiles.

À l'époque, quelques procès avaient eu lieu, mais ils avaient été rapidement étouffés par les autorités religieuses toutes puissantes de la ville, et tout particulièrement par le cardinal Law. L'équipe de Spotlight part à la charge et découvre à sa grande stupeur un nombre effarant de prêtres - 87 au total - qui ont été dénoncés par leurs victimes, mais que l'Église a couverts et protégés. Au bout de plusieurs mois d'enquête sur une route pavée d'obstacles, les journalistes du Boston Globe ont réussi à faire éclater le scandale sur la place publique, forçant le cardinal Law à démissionner. Leur travail a fait école et déclenché une succession d'enquêtes similaires dans le monde.

Bref, voilà une sacrée bonne histoire qui méritait d'être racontée au cinéma. Pourtant, les critiques parues jusqu'à maintenant sont tièdes. Les reproches visent le manque de personnalité des journalistes enquêteurs interprétés notamment par Mark Ruffalo et Rachel McAdams. Selon leurs détracteurs, ils ne font que répondre au téléphone ou courir après des gens qui leur claquent la porte au nez et qui refusent de leur parler.

C'est réducteur, dans la mesure où le film ne porte pas tant sur la vie ou les états d'âme des journalistes que sur les pressions politiques et religieuses considérables qu'ils ont dû surmonter pour que cette histoire puisse voir le jour. Et à ce chapitre-là, le film est captivant, entièrement réussi et... nécessaire.

Les boys de Deepa

Deepa Mehta est une sympathique cinéaste indo-canadienne. La plupart de ses films parlent de l'Inde, comme Water, qui a été sélectionné aux Oscars, ou Midnight's Children, adapté du roman de son bon ami Salman Rushdie. Elle a participé aux balbutiements du TIFF et voilà qu'elle y est revenue avec une histoire canadienne, ou du moins indo-canadienne: Beeba Boys (Les bons garçons), un film sur une bande de jeunes mafieux sikhs qui ont fait la pluie et le beau temps à Vancouver au début des années 90.

Trafic de drogue et d'armes, meurtres en série, ces jeunes hommes tirés à quatre épingles et sapés comme des princes colorés étaient des gangsters et des brutes sanguinaires. Deepa Mehta trace leur portrait et casse au passage quelques stéréotypes, notamment en nous montrant que ces brutes sanguinaires vivent toujours chez leurs parents et vouent un culte quasi puéril à leur mère, qui les mène par le bout du nez.

Le rôle principal du chef de bande, Jeet, est tenu par Randeep Hooda, une vedette de Bollywood. Il est entouré pour l'occasion d'une poignée d'acteurs indo-canadiens, d'un Iranien et de deux vrais acteurs sikhs.

À l'image de la culture indienne, le film est éclatant de couleurs, de musiques et de rituels. Les décors et les costumes sont un festin pour l'oeil. Mais c'est dans la minceur du scénario et des personnages que le film se gâte. En s'attaquant à un film de genre, à la fois violent, sanglant et émaillé d'humour, Deepa Mehta voulait jouer dans les mêmes eaux que Scorsese ou Tarantino. Elle n'y parvient pas vraiment. Dommage.