Alexis Duceppe avait 17 ans lorsque son père, Gilles Duceppe, a eu le malheur de porter un bonnet en plastique blanc pour visiter une usine de fromage. L'image du candidat a immédiatement fait de lui la risée du Québec. Atterré de voir que tout le monde se moquait de son père et en désespoir de cause, Alexis a appelé Tel-Jeunes. L'intervenant au bout du fil a tenté de le consoler, mais, lorsqu'il a appris qui était le père d'Alexis, il a éclaté de rire. Bonjour la compassion...

Ce témoignage en est un parmi tant d'autres du documentaire de Karina Marceau La politique n'est pas un jeu d'enfants, qui porte sur les enfants des politiciens et le prix qu'ils paient pour le choix de carrière de leurs parents.

Le film sera diffusé lundi prochain sur les ondes de Télé-Québec.

Sylvie Payette y raconte comment, au premier référendum, de petites amies ont cessé de l'inviter chez elles parce que les convictions politiques de sa mère déplaisaient à leurs parents. La fille de Romeo Saganash déplore avoir été traitée de tous les noms à l'école quand son père a été expulsé d'un avion alors qu'il était en état d'ébriété. Rosalie Drainville, pour sa part, a subi en pleine classe les sarcasmes de sa prof, qui n'approuvait pas la Charte des valeurs.

Quand cet extrait a été présenté à Bernard Drainville il y a quelques semaines, à l'émission Deux hommes en or, il a été incapable de réprimer ses larmes.

«À partir du moment où tu fais de la politique, tu appartiens au public. Et les médias pensent que tu leur appartiens et que tout est permis. Mais les enfants, eux, ils ne vous appartiennent pas», déclare d'ailleurs Bernard Drainville dans le documentaire. Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai. Combien de politiciens instrumentalisent leur famille et immortalisent leurs enfants sur des photos censées donner une image plus humaine d'eux-mêmes aux électeurs?

La pratique a cours tous les jours et partout, autant chez nos voisins américains que chez Stephen Harper ou Justin Trudeau, qui ne refuse jamais une bonne photo avec sa petite famille. Idem pour le candidat à la direction du PQ Pierre Karl Péladeau, qui n'hésite pas lui non plus à apparaître en public avec Julie et les enfants.

Et puis, Bernard Drainville a beau avoir été attristé par l'humiliation que sa Rosalie a subie à l'école, il n'a pas abandonné la politique pour autant. Même qu'il cherche à se faire élire chef du PQ pour éventuellement devenir premier ministre du Québec, alors...

N'est-il pas un peu, beaucoup, responsable de ce qu'il fait vivre à ses enfants? Oui, mais le film de Karina Marceau n'insiste pas assez sur ce point, préférant faire porter le gros du blâme aux médias et à la société.

Certes, les enfants de politiciens n'ont pas choisi de faire de la politique, mais leurs parents, eux, ont fait ce choix-là et doivent l'assumer, que ça leur plaise ou non.

Ce n'est quand même pas la faute aux médias ni à la société si un jour, au détour d'une loi ou d'une décision ministérielle, les politiciens sont vilipendés et deviennent si impopulaires que cela finit par empoisonner la vie de leur famille et de leurs enfants. C'est malheureusement le prix à payer. La politique, comme le dit bien le titre du documentaire, n'est pas un jeu d'enfants. Ni pour les parents ni pour leur progéniture.

Si les politiciens répugnent à sacrifier la quiétude de leurs enfants, qu'ils renoncent à faire de la politique. D'autant plus qu'aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, la situation va s'empirer avant de s'améliorer.

Le journaliste politique Daniel Lessard se souvient à ce sujet d'un voyage à l'étranger qu'il a fait lorsque Pierre Elliott Trudeau était au pouvoir. À un moment, Trudeau père a vertement semoncé un de ses fils, qui n'avait pas un comportement convenable. La caméra a filmé la scène, mais Daniel Lessard a choisi de ne pas la diffuser. «Aujourd'hui, ironise-t-il, ce serait la manchette du Téléjournal

Il n'a pas tort, d'autant plus que des dizaines de personnes auraient probablement capté la scène avec leur caméra ou leur téléphone intelligent avant de s'empresser de la lancer sur YouTube.

À l'avenir, les enfants des politiciens risquent d'être encore plus exposés aux vicissitudes de la politique. Encore que... Le week-end dernier, à Washington, la directrice des communications d'un élu républicain s'en est prise publiquement, sur sa page Facebook, aux filles de Barack Obama, dont elle n'aimait pas la tenue. «Ayez un peu de classe, a écrit Elizabeth Lauten, habillez-vous de manière à obtenir du respect. Pas une place au bar.»

Or, selon une règle non écrite de la politique américaine, on ne touche pas aux enfants de la Maison-Blanche. Les jours suivants, la dame a eu beau effacer ses commentaires et se confondre en excuses, elle a été obligée de démissionner. Encore une qui n'avait pas compris que la politique n'est jamais un jeu d'enfants.