D'un côté, vous avez l'intimité piratée, pillée et violée d'une brochette de vedettes de Hollywood, précipitées nues sur le Net, malgré elles. Et de l'autre côté, vous avez Valérie Trierweiler, l'ex-concubine présidentielle qui vient de publier Merci pour ce moment, un livre dévastateur sur ses 20 mois à l'Élysée dans le lit du président Hollande.

Pourquoi mettre ces deux événements en parallèle? Parce que ce sont les deux côtés d'une même médaille: celle de l'intimité et de la vie privée catapultées dans la sphère publique.

Dans le premier cas de figure, Jennifer Lawrence et ses amies vedettes n'y sont pour rien. Un voleur doublé d'un voyeur s'est introduit par effraction dans leurs fichiers informatiques à la recherche de photos intimes qu'il s'est empressé de diffuser à la grandeur de la planète.

Dans le cas de Valérie Trierweiler, c'est la principale intéressée qui s'est chargée de torpiller sa propre intimité et de l'étaler sur la place publique.

Alors qu'il est facile de défendre les actrices piégées par le web, il est impossible d'en faire autant pour Valérie Trierweiler. D'abord, elle a monnayé à prix fort (500 000 euros) sa vie privée et sa vie intime avec un homme. S'il avait été concierge ou plombier, je doute que son bouquin aurait trouvé preneur chez un éditeur et encore moins à ce prix-là.

Mais l'homme était, et est encore, président de la République française. Quel éditeur aurait été assez fou pour refuser une telle aubaine? Sans compter que ce genre de livre à sensation émane habituellement des membres du petit personnel - femme de chambre, cuisinier ou jardinier - qui, après un congédiement, cherchent soit à se venger, soit à faire du fric, soit une combinaison des deux.

Mais Valérie ne faisait pas partie du petit personnel de l'Élysée. C'était celle qui partageait tous les soirs le lit du président et qui choisit maintenant de nous en faire le récit. De mémoire, c'est du jamais vu dans les annales du monde politique, sauf pour le livre de Cécilia Sarkozy. Mais même dans ce cas précis, Cécilia n'a passé que quelques jours à l'Élysée avec un président en fonction, avant de prendre ses cliques et ses claques et d'aller voir ailleurs si elle y était.

Valérie Trierweiler, elle, a été aux premières loges du pouvoir présidentiel pendant presque deux ans. Plus important encore: c'est une journaliste. Elle écrit d'ailleurs en intro de son livre: «À l'Élysée, je me sentais parfois comme en reportage.»

Sauf qu'en principe, à cause de la nature de ses liens avec le président, la journaliste ne pouvait exercer ses fonctions sans se placer en position de conflit d'intérêts. Cet état de fait lui a-t-il seulement effleuré la conscience? Pas une seconde. D'ailleurs, n'est-elle pas arrivée à l'Élysée en affirmant qu'elle continuerait d'exercer son métier et ferait des entrevues avec des politiciens étrangers, une idée parfaitement foireuse qui, heureusement, fut abandonnée.

Reste que pendant 20 mois, la journaliste a pris des notes.

Si le président ne l'avait pas trompée avec une actrice, aurait-elle songé à les publier? Ce n'est pas clair. Chose certaine, publier ce livre aujourd'hui demeure, sur le plan strictement journalistique, un manquement à l'éthique. Voilà en effet une journaliste qui a tiré profit de ses liens intimes avec un homme politique et en a fait la matière d'un livre. Voilà surtout une femme blessée, plaquée et cocufiée, qui, de toute évidence, cherche à se venger. Si ce n'est pas un pur conflit d'intérêts, je ne sais pas ce que c'est.

Ceux qui défendent Valérie Trierweiler - et ils sont peu nombreux - invoquent le fait qu'elle ne révèle aucun secret d'État ni aucune information d'ordre politique. Peut-être, mais, en nous entraînant dans le lit de François Hollande, en décrivant l'homme glacial et le goujat sans empathie qu'il est, en nous racontant comment il rit des pauvres en les appelant les «sans dents» ou comment il est obsédé par les sondages, la journaliste nous révèle une autre forme de secret d'État: l'être humain pas très jojo derrière le masque présidentiel. C'est ce que les Américains nomment le «character assassination». Un journaliste du Nouvel Obs a d'ailleurs qualifié le bouquin d'attentat anti-Hollande. Difficile de lui donner tort.

En même temps, ce bouquin impudique ne fait pas que détruire le président Hollande. Il détruit aussi son auteure: cette journaliste à la fois cinglée, anxieuse, parano mais fière de ses crises de jalousie et de ses tentatives de suicide. Cette journaliste qui se met en scène dans son propre reportage à la sauce Paris Match.

Dans Merci pour ce moment, Valérie Trierweiler reproche à François Hollande de ne jamais cesser de faire de la politique, même dans sa vie privée. On pourrait dire la même chose de Valérie Trierweiler qui n'a cessé d'être journaliste, même couchée dans le lit du président. Au fond, ces deux-là se méritaient bien...

On en a beaucoup parlé

Du cône orange, symbole éloquent du bulletin d'information remanié de Sophie Thibault à TVA. Nous sommes tous pour le changement sauf quand ce changement fait reculer les choses au lieu de les faire avancer, ce qui semble être le cas de cette nouvelle formule. Une hypothèse: dans un mois, le bulletin de 22 h de TVA sera revenu à son ancienne formule. Ou il aura sombré pour de bon. Les paris sont ouverts.